Reprenant une idée dont l'origine remonte aux années 1950, un projet de recherche va démarrer pour tenter de développer un cycle thermodynamique utilisant un fluide de travail non pas inerte, mais réactif. Le but : produire de l'énergie chimique en plus de l'énergie thermique et améliorer le rendement du système.
Pompes à chaleur, moteurs thermiques, systèmes de réfrigération…, de nombreux équipements fonctionnent grâce au principe des cycles thermodynamiques. Ceux-ci reposent sur l’utilisation de fluides de travail capables de convertir une énergie thermique en une autre forme d’énergie utile comme de la chaleur, du froid ou un travail mécanique. Ces fluides peuvent par exemple être de l’eau, de l’air, mais aussi des hydrocarbures. Ils ont tous pour caractéristique commune d’être inertes, c’est-à-dire que les molécules qui les composent conservent la même structure moléculaire au cours du cycle. À Nancy, le LRPG (Laboratoire Réactions et Génie des Procédés) vient de démarrer un projet innovant, baptisé REACHER, qui vise à étudier une structure thermodynamique radicalement nouvelle résultant de l’utilisation de fluides de travail réactifs.
L’idée à l’origine de ce travail de recherche n’est pas nouvelle. Au milieu des années 50, le mathématicien britannique Michael James Lighthill évoque l’hypothèse d’utiliser des molécules qui se dissocient et se réassocient au cours d’un cycle thermodynamique dans le but de profiter de l’énergie chimique produite au cours de la réaction. Celle-ci est obtenue grâce à une modification de la température et de la pression du fluide réactif. La Nasa et des chercheurs russes ont tenté de développer cette piste de recherche en utilisant le peroxyde d’azote (N2O4), une molécule qui possède la propriété de se dissocier en dioxyde d’azote (NO2) puis de se recomposer très rapidement. Mais leurs travaux n’ont pas abouti, et cette voie de recherche est restée depuis inexplorée, probablement en raison de la multidisciplinarité et de la complexité du problème.
« Nous avons réalisé des calculs mathématiques préliminaires qui démontrent que la conversion simultanée de l’énergie thermique et chimique des fluides réactifs peut conduire à l’intensification des processus de conversion énergétique, révèle Silvia Lasala, chercheuse au LRGP et lauréate d’une bourse ERC (European Research Council) pour financer ce projet. L‘étude de l’impact de cette réaction sur les performances d’un cycle thermodynamique a montré que l’on pouvait multiplier par quatre le travail mécanique produit. C’est le cas par exemple en utilisant un fluide réactif avec une turbine et qu’on le détend. La réaction devient alors exothermique et libère encore plus d’énergie. Un compresseur doit être utilisé pour comprimer le fluide, mais la compression nécessitera moins d’énergie, car une réaction endothermique a lieu pendant sa compression. »
Utiliser des fluides réactifs contenant des molécules non polluantes
La chercheuse préfère rester discrète sur les molécules qu’elle a l’intention d’utiliser pour fabriquer ces fluides réactifs, car ceux-ci pourraient faire l’objet d’un brevet futur. Dans tous les cas, elle souhaite éviter d’employer des molécules polluantes et toxiques, comme l’est le peroxyde d’azote. Au-delà du fluide réactif, ce travail de recherche nécessitera également de revoir la conception de l’architecture du cycle thermodynamique.
Actuellement, il faut savoir que les rendements des centrales thermiques s’élèvent entre 30 % et 47 %, et concernent par exemple les centrales à charbon. Les meilleurs d’entre elles peuvent atteindre 60 % grâce à l’utilisation de cycles combinés, qui consistent à associer deux cycles à fluides inertes, comme des mélanges à base de CO2, d’autres à base de réfrigérants ou alors d’hydrocarbures. « Notre ambition est d’aller au-delà, tout en sachant qu’on ne peut pas dépasser le rendement maximal d’un cycle thermodynamique dicté par Carnot et qui dépend des températures de la source chaude et celles de la source froide », complète Silvia Lasala
Ce travail de recherche, qui vient tout juste de débuter, doit durer 5 ans. « Aujourd’hui, on sait transformer de l’énergie thermique en électricité, grâce notamment à des centrales thermiques. On sait aussi transformer l’énergie chimique pour produire de l’électricité grâce par exemple à des piles à combustible fonctionnant à l’hydrogène. Mais personne n’a à ce jour réussi à coupler ces deux formes d’énergie. Tout l’enjeu du projet REACHER sera d’y parvenir », conclut la chercheuse.
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