Une économie de l’hydrogène ne pourra pas advenir sans stockage en quantité importante. Les cavités souterraines apparaissent comme une solution incontournable et commencent déjà à être testées. La France est bien positionnée sur le sujet.
Comment faire émerger un nouveau vecteur énergétique ? Déjà très utilisé dans le monde à partir d’énergies fossiles, l’hydrogène est confronté à cette question, non seulement pour se verdir, mais également pour démultiplier ses usages dans l’industrie, qui en est la première utilisatrice actuellement, pour la fabrication de méthane de synthèse, de méthanol, d’ammoniac, et pour la mobilité des véhicules lourds, voire des véhicules légers. Imaginer un déploiement à large échelle pour des marchés de masse impose de penser des modes de stockage. Si des réseaux de transport dédiés à l’hydrogène permettraient le stockage d’une petite fraction, ce sont surtout des sites souterrains qui pourraient accueillir les plus grandes capacités(1).
Selon la fédération d’acteurs regroupés dans France Hydrogène, la demande nationale d’hydrogène décarboné en 2030 serait entre 680 et 1 090 kt/an, selon le niveau d’ambition. Le stockage géologique pourrait à cette date compter une capacité de 15 à 20 kt.
Les cavités salines en pole position
En France, sept bassins hydrogène ont été identifiés, là où production et consommation, ainsi que les chaînes logistiques, seront les plus importantes. Ils sont situés dans le Nord, la Vallée de la Seine, Le Grand-Ouest, le Sud-Ouest, la Moselle-Rhin, en zones méditerranéenne et rhônalpine. Dans les quatre derniers, il existe déjà des sites potentiels de stockage, en cavité saline. Parmi tous les acteurs engagés dans la caractérisation de cette solution, deux se distinguent par des réalisations en cours. Storengy, filiale d’Engie, est le plus avancé car le chantier du projet européen HyPSTER à Etrez (Ain) démarre en juin. « Nous allons convertir un ancien site de stockage de gaz naturel qui est à 800 m de profondeur et peut contenir jusqu’à 44 tonnes d’hydrogène dans un volume de 8 000 m³. On y injectera de l’hydrogène produit par un électrolyseur d’1 MW d’Elogen à partir d’électricité renouvelable. L’injection et le soutirage de l’hydrogène vont se faire avec un cyclage élevé, en fonction de la variabilité de la production d’électricité. On va étudier les aspects technico-économiques d’une telle configuration, avec 100 cyclages en trois mois » explique Germain Hurtado, directeur du projet HyPSTER.
Un autre projet en cavité saline, nommé Hygéo, est prévu en Nouvelle-Aquitaine dans la commune de Caresse-Cassaber. Porté par Téréga et HDF, en lien avec le BRGM(2), il vise un stockage équivalent à 1,5 GWh d’énergie. Des aspects environnementaux et sociétaux seront étudiés, ainsi que les modes d’exploitation selon la nature des besoins en hydrogène. En effet, les quantités d’hydrogène utilisées et le rythme auquel elles doivent être déstockées ne sont pas les mêmes selon que la molécule va servir pour de la mobilité, de la production d’électricité, de la transformation en méthane ou des usages industriels. L’an dernier, un rapport de l’Ineris avait pointé des différences de rentabilité pour le stockage salin en fonction des contraintes techniques de ces usages (l’avantage allant à la mobilité et un peu à l’industrie) et elles demandent certainement à être confirmées.
Recherche en roches poreuses
Si la France a la chance de posséder de nombreux gisements salins propices au stockage, ce n’est pas le cas de tous les pays. Une autre solution est donc d’avoir recours à des structures souterraines poreuses. L’hydrogène peut y être stocké dans l’interstices des minéraux des roches poreuses et perméables, en prenant ainsi la place de l’eau si c’est un champ aquifère ou du vide laissé par un champ de gaz déplété. La société Géostock s’y intéresse via le projet Hystories, « qui va permettre de mieux déterminer les conditions technico-économiques de ce type de stockage. Certains aspects techniques sont aussi à préciser, comme l’impact de l’activité microbienne qui est plus propice dans ces milieux poreux où la surface d’échange avec l’hydrogène est beaucoup plus grande. On va justement évaluer cette activité microbienne avec Hystories en faisant des prélèvements dans une douzaine de sites en Europe » détaille Arnaud Réveillère, directeur adjoint de Géostock Green Storage.
D’ici trois ans, tous ces projets auront fait avancer la connaissance sur les sites de stockage souterrain d’hydrogène et la façon de les exploiter. Il sera alors tout juste temps de se lancer dans la mise en service de ces stockages. Car, au regard des objectifs de la Commission européenne, il faudrait 30 à 60 TWh de stockage en Europe d’ici 2030, soit au moins une centaine de sites, par conversion de cavités existantes.
(1) Ce sujet a été abordé durant le salon Hyvolution
(2) Bureau de recherches géologiques et minières
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