Qui n’a pas entendu cette faribole : « l’entreprise ce n’est pas la démocratie » ? Qui n’a jamais entendu dire que, si l’on tenait à sa carrière, il valait mieux apprendre à se taire ? Combien d’entreprises acceptent-elles qu’une équipe de collaborateurs prenne l’initiative d’une réunion de coordination sans y inviter le management ? Beaucoup d’entre elles interpréteraient cette initiative comme un acte de mutinerie qualifié.
Toute entreprise doit apprendre à manager le changement, ne serait-ce que pour rester apte à vivre avec son temps. Ceci est d’autant plus vrai en ce XXIe siècle où le rythme des innovations technologiques s’accélère et bouleverse chaque jour encore plus nos habitudes. Mais comment une entreprise peut-elle espérer réussir ses mutations si elle ne sait pas s’attacher la confiance de ses collaborateurs ? Une entreprise qui ne sait pas libérer l’expression publique, aura de grandes difficultés à se mobiliser vers un avenir différent.
Comment une organisation peut-elle s’enrichir de l’expérience réelle de ses constituants, fût-elle chargée d’incertitudes, de doutes ou de vérités pas toujours bonnes à dire ? Comment favoriser l’ouverture, la réciprocité et la confiance entre les managers et les managés ?
Process group
Le process group, également connu sous le nom de groupe personnel d’exploration (GPE), est une disposition visant à établir et à cultiver la confiance au sein d’un groupe d’individus. En privilégiant la simplicité, les membres d’un process group travaillent à établir un niveau de confiance propice à une communication ouverte et honnête.
La démarche :
Concrètement, un process group se présente sous une forme bien particulière de réunion. Pour son bon fonctionnent, il est indispensable de s’assurer que chaque participant accepte les 3 règles suivantes :
- Interdiction de sortir de la salle ou de faire autre chose pendant toute la durée de la réunion (autour d’une heure pour un groupe d’une dizaine de personnes).
- Il n’y a pas de relation de hiérarchie à l’intérieur de la réunion.
- Aucun sujet ou objectif n’est assigné au groupe.
Dino Ragazzo
Dino Ragazzo a plus de 25 années d’expérience opérationnelle en milieu industriel notamment chez CEGELEC, Groupe ATANTIC, FRAMATOME (mise en service d’installations nucléaires).Il a été successivement Technicien commercial, Ingénieur d’essais, Directeur Technique, chef d’entreprise (PME d’ingénierie électrique et maintenance nucléaire) et Conseiller de la Direction Générale d’un grand groupe Industriel.maintenance nucléaire) et Conseiller de la Direction Générale d’un grand groupe Industriel.Dino Ragazzo est également l’auteur de l’ouvrage :
MANAGER D’ELITE – Gestalt guide du leadership dans les organisations du XXIe siècle
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Pendant le temps de la réunion de groupe, chaque membre est responsable d’engager une conversation sur le sujet (événement, phénomène, expérience…) qui le préoccupe. Le fond et la forme de la discussion dépendent de la motivation des participants à nourrir le débat. Les membres sont encouragés à se donner du feedback et du soutien et à travailler à partir des réactions et des réponses que les contributions des autres membres suscitent en eux. Les membres du groupe peuvent servir de modèles à la communication efficace, offrir des stratégies de résolution des problèmes, et valoriser l’auto-acceptation et l’auto-appui. Au fur et à mesure des séances, la confiance du groupe augmente et chacun se sent responsable de la qualité de son environnement ainsi que de la forme d’entraide qu’il souhaite offrir et recevoir.
Lorsque, en entreprise, le groupe est accompagné par des facilitateurs expérimentés (fortement recommandé pour les premières séances), ces derniers mettent l’accent sur les compétences relationnelles qui caractérisent cette communauté professionnelle. A travers leurs feedback positifs, les accompagnateurs peuvent également suggérer quelques micro expérimentations. Celles ci permettent aux participants d’acquérir et de développer de nouvelles aptitudes. En développant ses capacités relationnelles, le groupe apprend à renforcer la sécurité et la satisfaction à l’intérieur et à l’extérieur du système qu’il forme. C’est ainsi qu’il améliore son efficacité.
Dans la vie sociale, les sentiments non exprimés recèlent de précieuses indications concernant la détresse et les difficultés personnelles rencontrées par les individus. Dans le process group, le climat de confiance, qui se construit au fur et à mesure, favorise un environnement où les membres se sentent en sécurité pour partager leurs épreuves et travailler en équipes. À mesure que les personnes augmentent la conscience de leur propre fonctionnement interpersonnel, développent de nouvelles compétences relationnelles, et apprennent de nouveaux comportements adaptatifs, elles accomplissent de nouveaux progrès vers leurs objectifs personnels et professionnels. Le process group est donc un moyen peu coûteux et très bénéfique au développement de l’efficacité des organisations.
Les difficultés les plus courantes
Le bon déroulement d’un process group peut se trouver compromis dans les circonstances ci-après :
- Imposition d’objectifs
- Maintien du pouvoir hiérarchique
- Incapacité à s’exprimer avec authenticité et avec respect
- Difficulté à accepter que sa suggestion ne soit pas suivie
- Incapacité à accepter de longs silences
- Incapacité à dire que l’on n’est pas d’accord avec son collègue (conflit de loyauté)
- Non respect des trois règles du process group (voir ci-dessus)
Il est de la responsabilité de chacun des membres d’attirer l’attention du groupe sur les risques auxquels il peut s’exposer.
Un exemple
L’équipe de management d’une division d’une entreprise, spécialiste mondial de la recherche clinique, pratique le GPE à raison d’une réunion mensuelle d’environ une heure depuis ces 2 dernières années. Cette équipe a accepté de partager son expérience du Process Group avec nos lecteurs.
« Nous avons décidé de mettre en place ces GPE à la suite d’avancées intéressantes obtenues dans le cadre d’une formation au développement du Leadership de notre équipe. Notre objectif était d’instaurer des moments d’échanges nous permettant de prendre du recul par rapport au rôle de notre équipe managériale.
Au début, il y avait beaucoup de méfiance, de longs silences et toutes sortes d’évitements. Les sujets abordés étaient désespérément neutres (la pluie et le beau temps) ou extérieurs à notre groupe. Puis, petit à petit, les langues ont commencé à se délier. Aujourd’hui, certains membres de l’équipe n’hésitent plus à challenger leurs supérieurs hiérarchiques, les yeux dans les yeux, même à leur donner du feedback négatif. Les difficultés personnelles sont plus facilement mises sur le tapis. On sent bien que les membres redoutent moins les réactions des autres et qu’ils hésitent maintenant beaucoup moins à parler d’eux-mêmes. Il y a davantage de prises de risques, chacun a compris que notre process group offrait de nombreuses opportunités pour faire connaître ses positions et mieux se faire connaître. Outre le développement de l’authenticité, de l’intégrité, de l’intensité, du leadership constructif, valeurs fondamentales pour notre activité, on voit également naître davantage de solidarité entre les managers de l’équipe.
En effet, la confiance qui se développe favorise les déclarations de ralliements pour telle ou telle position et stimule donc l’expression des opinions et le courage de les défendre. Notre esprit d’équipe s’est renforcé et la compétition interne a reculée. Si nous sommes conscients du chemin parcouru, nous sommes également conscients de celui qui nous reste à parcourir. Nous devons apprendre, par exemple, à réduire certains atermoiements pour aller plus directement au sujet de fond, à la vraie préoccupation. La présence de différents niveaux hiérarchiques a tendance à provoquer certains clivages ; nous devons apprendre à les surmonter. Nous devons également oser réclamer davantage de feedback pour vérifier les interprétations de nos collègues… Enfin, nous aimerions recommander la mise en place d’un GPE à toutes les organisations qui souhaitent fluidifier la circulation transversale de l’information et combattre les silos qu’elles auraient laissé développer en leur sein »
Le Process group est l’instrument par excellence du « lâcher prise ». C’est comme un saut en parachute en groupe. Il invite les participants à se confronter au vide et à inventer quelque chose de nouveau pour stimuler leur énergie constructive, leur efficacité et leur satisfaction au travail.
Par Dino Ragazzo
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