Faut-il le rappeler, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais un vecteur énergétique. Ainsi, au même titre que l’électricité, pour disposer d’hydrogène, il faut le fabriquer. Pour que l’hydrogène soit écologique, encore faut-il que les molécules soient produites à partir d’un procédé lui-même écolo… Ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Et c’est tout l’enjeu des grands plans lancés aux niveaux européen et français.
Aujourd’hui, en France, la production d’hydrogène avoisine les 900 000 tonnes par an. Et son usage est quasiment uniquement industriel, pour la désulfurisation de carburants pétroliers (60 %), la synthèse d’ammoniac principalement pour les engrais (25 %) et la chimie (10 %). A près de 95 %, la production est actuellement réalisée à partir d’énergies fossiles, avec un peu plus de 11 millions de tonnes de carbone produites et 3 % des émissions nationales.
Tout l’enjeu est à la fois de décarboner cette production, pour la rendre « verte » et de faire monter parallèlement en puissance des solutions de production « propres », grâce à l’électrolyse de l’eau à partir d’électricité en provenance d’énergies renouvelables et, en France, de nucléaire.
L’électrolyse de l’eau a néanmoins un coût aujourd’hui, estimé par l’IPFEN entre 8 et 9 euros par kg produit et distribué (hors taxe). L’objectif et de passer entre 2 et 3 euros le kg, tout en rendant le mix électrique bas-carbone.
Encore de la recherche
Florence Lambert, responsable du CEA-Liten*, souligne que deux axes sont mis en œuvre pour les électrolyseurs. D’une part des unités de 3 MW à 5 MW délocalisées, à proximité des parcs d’énergie renouvelable, afin d’en tirer les surplus de production, ou encore des parcs dédiés, mais tout en raccordant au réseau, afin de bénéficier du mix français bas-carbone. Ce type d’unités existe, avec des électrolyseurs « alcalin » classiques dans l’industrie, et des électrolyseurs PEM (Proton exchange membrane), et leur déploiement monte en puissance. Le coup de pouce du gouvernement devrait booster ce segment. Ces unités permettraient d’alimenter des flottes locales ou encore directement certains industriels.
D’autre part, au niveau national, il y a nécessité à déployer une production massive afin de répondre aux transports lourds (maritime, aérien) et aux besoins des gros industriels consommateurs d’hydrogène. Les électrolyseurs devraient avoir une capacité moyenne de 100 MW. Là, le CEA-Liten travaille sur un plus long terme, avec des travaux sur la technologie réversible d’électrolyse haute température (EHT) – l’électrolyse et la pile à combustible sont en effet deux technologies dont les fonctionnements sont réversibles – et son couplage possible avec des sources de production renouvelables. Avec son atelier pilote, le Liten développe et qualifie des démonstrateurs de taille significative, depuis le stack SOEC/SOFC (Solid Oxide Electrolysis Cell/ Solid Oxyde Fuel Cell) jusqu’au système complet. Les études technico-économiques que le Liten a réalisées avec ses partenaires industriels montrent qu’en optimisant les systèmes de production EHT, ceux-ci pourraient, d’ici 2030, fournir un hydrogène à moins de 2 € par kg. La feuille de route du Liten vise à disposer d’un prototype de 300 kW dès 2023, pour passer à un démonstrateur industriel de 2 MW en 2024, pour un système industriel de 300 MW prêt pour 2026. Objectif : pouvoir déployer à partir de 2030 cette technologie qui fera faire un bond à la filière.
Des industriels en pointe
La France dispose d’au moins deux acteurs dans les électrolyseurs, avec McPhy, spécialisé dans l’électrolyse alcaline sous pression. Historiquement soutenu par EDF Pulse croissance Holding et le Fonds Ecotechnologies, géré par Bpifrance Investissement, il vient donc de voir entrer à son capital Technip Energies et Chart International à la faveur d’une nouvelle levée de fonds de quelque 180 millions d’euros pour se déployer. La société développe un concept modulaire d’électrolyseurs lui permettant d’être sur l’ensemble des marchés actuels, indique McPhy.
Mais aussi avec Areva H2GEN, leader français de l’électrolyse PEM (Proton exchange membrane), qui vient d’être repris par le groupe GTT (Gaz transport & technigaz), spécialiste des confinements pour le stockage en conditions cryogéniques de gaz liquéfié (GNL), pour miser sur la production d’hydrogène vert.
De premiers appels à projets lancés
En application de la stratégie nationale du gouvernement pour le développement de l’hydrogène décarboné en France, annoncée le 8 septembre dernier, deux appels à projets visant au développement de la filière ont été lancés vendredi 23 octobre.
Un premier appel à projets concerne les « Briques technologiques et démonstrateurs ». Il est financé par le Programme d’investissements d’avenir (PIA) de l’Etat et opéré par l’Ademe (agence de la transition écologique) et s’adresse principalement aux entreprises.
Il vise à développer ou améliorer les composants et systèmes liés à la production et au transport d’hydrogène. Il pourra notamment soutenir des pilotes et démonstrateurs d’envergure (supérieur à 20 MW) sur le territoire national, permettant à la filière industrielle de l’hydrogène de développer de nouvelles solutions et de se structurer.
Il concerne également les usages de l’hydrogène tels que les applications de transport ou de fourniture d’énergie, ou encore la conception et le développement de nouveaux véhicules notamment pour le transport routier de marchandises et le ferroviaire.
Le deuxième appel à projets mise sur les « Ecosystèmes territoriaux hydrogène » de l’Ademe et soutient des investissements de production et de distribution d’hydrogène renouvelable ou décarboné, pour des usages industriels et en mobilité, en particulier dans le domaine des utilitaires et des transports lourds (collectifs ou de marchandise). Il a pour objectif de faire émerger des consortiums réunissant sur un même territoire collectivités et industriels pour porter des écosystèmes de grande envergure favorisant des économies d’échelle. C’est clairement un coup de pouce pour les « petites » unités alimentées par des énergies renouvelables à l’échelle locale.
*CEA-Liten : Laboratoire des innovations pour les technologies des énergies nouvelles du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
Il aurait été intéressant de ne pas seulement parler de coût mais aussi des rendements énergétiques. Qu’en est-il ?
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE