Alors que la pandémie mondiale, puis la guerre en Ukraine ont mis certains secteurs industriels au supplice, Emmanuel Macron doit réinventer un modèle industriel français décarboné, local et durable. Le défi est immense.
Avec la nomination d’Elisabeth Borne à Matignon, 30 ans après Edith Cresson, le poste de Premier ministre sera donc occupé par une ingénieure. Un bon signe pour l’industrie française ? Peut-être, mais la tâche qui attend la nouvelle locataire de Matignon s’annonce ardue, au vu du contexte. Alors que la pandémie mondiale de coronavirus a plongé une industrie française déjà moribonde dans un état de fragilité prononcé, la guerre en Ukraine a fait l’effet d’un coup de butoir supplémentaire.
Alors que l’Etat a, via le plan de relance France 2030 et le plan Résilience, voulu relancer l’industrie française au prisme des leçons tirées de la crise sanitaire – nécessité d’une certaine autonomie, de relocaliser certaines activités, de diversifier les chaînes d’approvisionnement… – le bilan de l’année 2021 reste positif, avec 176 créations d’usines, contre seulement 56 fermetures, la relocalisation des sites de production en progression de 290 % sur l’année écoulée, et la création de plus de 30 000 emplois.
Pourtant, c’est l’inquiétude qui est de mise au moment d’évoquer les années à venir, pour notre outil industriel. Pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’entre 2018 et 2020, de très nombreuses usines ont fermé dans l’hexagone. L’année 2021 illustre donc en partie un rattrapage de cette période très compliquée. Aussi, et c’est habituel, les années électorales sont souvent précédées de chiffres encourageants, notamment au niveau de l’industrie, car de nombreuses fermetures sont repoussées à la période post électorale. Prudence donc. Enfin, le déficit commercial français a atteint un nouveau record en 2021, avec une balance déficitaire de plus de 84 milliards d’euros. Un boulet récurrent, que le premier quinquennat d’Emmanuel Macron n’a pas réussi à alléger.
La politique volontariste d’Emmanuel Macron se heurte pour le moment à un contexte extrêmement tendu, et dont les issues – quid de la crise sanitaire dans les mois qui viennent, évolution du conflit ukrainien – sont aujourd’hui inconnues, avec des répercussions sur le cours des matières premières et sur les approvisionnements très pénalisantes.
Au-delà des plans de relance déjà mis en place et qui vont continuer d’alimenter des projets industriels innovants et de rupture dans les années qui viennent, le candidat Macron a égrainé durant sa campagne des mesures pour soutenir l’ensemble des secteurs industriels, avec la volonté de relocaliser et décarboner l’industrie.
La proposition de réduire les impôts de production qui pèsent sur l’industrie et l’agriculture, notamment en supprimant la CVAE pour toutes les entreprises, va dans ce sens.
Ensuite, pour soutenir la relocalisation, Emmanuel Macron veut réviser la politique d’achat de l’Etat, avec pour objectif prioritaire d’acheter local, plutôt que d’acheter « moins cher », afin de favoriser le développement de filières locales innovantes.
Deuxième grand volet des ambitions industrielles du nouveau quinquennat, le soutien de projets industriels majeurs pour l’avenir du pays : mini-lanceurs spatiaux, biomédicaments, réacteurs nucléaires de troisième et quatrième génération… dans la continuité des investissements mis en place via France 2030.
Enfin, de nombreux aspects du programme du nouveau président élu ont des externalités sur certains secteurs de l’industrie : la troisième révolution agricole, mentionnée dans le projet du candidat Macron, doit voir un investissement massif être réalisé pour numériser, robotiser, et moderniser notre secteur agricole.
La filière automobile également, à travers le développement de véhicules électriques à bas prix pour les populations pour lesquelles le transport représente un centre de coût trop important, se voit soutenue par l’Etat, ainsi que les constructeurs aériens, confortés dans l’ambition de développer un avion bas carbone d’ici à 2030.
Pour conclure, le second quinquennat d’Emmanuel Macron sera, une nouvelle fois, tributaire du contexte international, entre la volonté de moderniser notre outil industriel pour le rendre plus durable et plus compétitif, et celle de survivre aux problématiques immédiates – d’approvisionnement, de coût des matières premières – comme c’est le cas depuis 2019, pour certains secteurs.
Par Pierre Thouverez
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