Pixium Vision a mis au point un implant sous-rétinien permettant d’offrir une meilleure acuité visuelle aux personnes malvoyantes, notamment atteintes de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Créée en 2011, la société reprend le concept d’implant rétinien, composé de panneaux photovoltaïques activés par la lumière externe, développée à l’université de Stanford. D’autres entreprises travaillent – ou ont travaillé – également sur des technologies analogues, telles que l’américaine Second Sight et l’allemande Retina Implant AG qui a, quant à elle, cessé son activité en 2019, entre autre faute de résultats probants.
L’originalité de Pixium Vision : être sans fil ! Deux études cliniques de faisabilité ont été lancées, dont une en France où cinq patients ont été implantés avec succès, avec des résultats indiquant une acuité visuelle améliorée. Entretien avec Guillaume Buc, directeur de la technologie chez Pixium Vision.
Techniques de l’ingénieur : Pouvez-vous nous décrire l’implant et son fonctionnement ?
Guillaume Buc : L’implant sous-rétinien est composé d’environ 400 pixels. Ces cellules hexagonales sont dotées d’une zone photovoltaïque et d’une électrode de stimulation. Le principe de ces implants est de remplacer les photorécepteurs – qui sont des cellules transformant la lumière en signal chimique dans la rétine – qui dégénèrent. On vient intégrer notre petite puce dans la zone centrale de la rétine – la macula – à la place ou en dessous des photorécepteurs dégénérés qui finissent par s’en aller car ils ne sont plus alimentés. Les autres couches de la rétine interne, particulièrement les cellules bipolaires qui reçoivent d’ordinaire le signal chimique des photorécepteurs, sont quant à elles toujours vivantes. Quand les cellules bipolaires sont stimulées, elles envoient un signal aux cellules ganglionnaires (les cellules terminales de la rétine en termes de traitement de signal) qui passe par le nerf optique pour arriver au cerveau.
Est-ce que ce genre d’implant permet de restaurer la vue ?
On ne peut pas rétablir une vision complètement naturelle. On restaure par stimulation électrique un signal visuel structuré qui permet de visualiser des formes telles que des lettres, des pictogrammes, etc. L’originalité de notre système Prima est de rétablir une acuité significative dans une zone où il n’y a plus de perception du tout. Ce signal que les patients perçoivent n’est pas coloré car la modulation colorée du signal nécessite des codages beaucoup plus complexes dans le cerveau par des types cellulaires spécifiques, qui réagissent plus ou moins en fonction des longueurs d’ondes. Notre but est de rétablir une acuité visuelle la meilleure possible et une vision utilisable dans une situation de tous les jours. Nos patients ont perdu la vision fine, détaillée. Ils peuvent en effet se déplacer sans assistance mais ont des difficultés pour lire le nom d’une rue ou la direction du métro. C’est ce type d’autonomie que l’on souhaite pouvoir rétablir avec notre dispositif.
L’implant doit être accompagné de lunettes spécifiques pour fonctionner… Pourquoi ?
Les lunettes servent à activer l’implant : il y a une caméra intégrée dans l’axe de l’œil implanté qui va capturer en temps réel la scène extérieure, un peu comme les Google Glass. Chaque image capturée est simplifiée par un processeur. Il faut extraire l’information qui a le plus de sens pour le patient, ce qui fait partie des recherches que l’on mène. En effet, transformer une image complexe en quelque chose d’interprétable sur une matrice de 20 x 20 pixels n’est pas simple. On travaille également sur un nouveau système de lunettes transparentes, sur lesquelles seul le projecteur reste opaque, pour voir jusqu’à quel point les patients arrivent à combiner leur vision périphérique résiduelle – assez bonne chez les personnes atteintes de DMLA – avec une vision centrale restaurée. Les premiers signes sont prometteurs, même s’il faudra attendre les résultats cliniques complets pour conclure.
L’électronique est-elle intégrée aux lunettes ?
Le module de projection des lunettes est relié par câble à un processeur porté à la ceinture. Ce processeur est intégré dans un boîtier, avec une source infrarouge suffisamment importante pour activer les pixels d’implant, et une batterie. Il s’agit d’un boîtier avec des boutons permettant de contrôler le zoom ou la luminosité du signal projeté. Il est très simple d’utilisation pour que des personnes âgées peu technologues puissent l’utiliser.
Quels étaient les challenges technologiques ?
Un challenge technologique important que nous avons résolu est le fait que l’implant puisse rester dans l’œil plusieurs années de fonctionnement. Mais également le travail sur l’herméticité de l’implant par rapport à son environnement. Le fond de l’œil est une partie très corrosive, peu favorable pour les composants électroniques. Par ailleurs, le développement des lunettes, qui sont un système de réalité augmentée spécifique, demande de fédérer de nombreuses disciplines techniques : optique, électronique, mécanique, algorithmique.
D’autres essais cliniques sont-ils prévus ?
Nous souhaitons réaliser une étude de plus grande ampleur sur plusieurs dizaines de patients pour obtenir le marquage CE nécessaire à la commercialisation en Europe. La société travaille avec les autorités réglementaires pour définir le nombre de patients. L’objectif est de démontrer statistiquement le bon fonctionnement sur un patient et d’apporter des éléments de bénéfice, dans l’optique d’une commercialisation du produit d’ici 2023.
En savoir plus sur le fonctionnement de l’implant.
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