En 2022, 72 000 hectares ont brûlé en France. Neuf feux sur dix sont d’origine humaine (chantiers de BTP, activités agricoles, câbles électriques, mégots de cigarettes, barbecues, incendies de véhicules…).
En France, la majorité des départs d’incendie sont repérés par des randonneurs ou des automobilistes qui avertissent les pompiers. Mais, comme ils ne sont pas formés à ce risque, ils transmettent souvent des informations peu détaillées, ce qui pénalise les pompiers pour localiser précisément le lieu et adapter les moyens.
Pour être plus réactive tout en limitant au maximum les fausses alertes, l’association Pyronear a mis au point une solution basée sur l’IA. Elle est capable de détecter en quelques minutes le début d’un feu de forêt.
Un temps précieux, car passé une dizaine de minutes, il devient très difficile d’arrêter un feu de forêt ! Pour être traité efficacement dans les secteurs où le risque incendie est élevé, un feu doit avoir parcouru moins d’un hectare lorsque les premiers intervenants commencent à le combattre.
Images du Chili
Dans un premier temps, ces bénévoles ont alimenté leur algorithme avec des données américaines (130 caméras sont en libre accès), car en France aucune donnée n’est publique.
« Notre modèle analyse les images et s’il indique qu’il y a un feu, nous conservons l’image, car il y a deux possibilités. Soit il y a vraiment un feu, soit c’est un faux positif. Dans les deux cas, il s’agit de données intéressantes qui sont annotées pour optimiser notre solution », explique Mateo Lostanlen, l’un des cofondateurs de l’association.
Pour cet ingénieur, l’IA peut être très utile pour repérer rapidement un panache de fumée signifiant un début d’incendie. Il a acquis la conviction de l’intérêt de l’IA en travaillant auparavant pour SquareMind, une entreprise de détection automatique de cancers de la peau à partir de photos de grains de beauté.
Aujourd’hui, l’association peut s’appuyer sur des images provenant de neuf tours, soit 36 caméras (Ardèche, Gironde…). Elle peut également entraîner son modèle en exploitant des images provenant du Chili et de la Catalogne, à la suite de partenariats respectifs avec des chercheurs et des pompiers (qui disposent de 17 caméras). « C’est essentiel pour notre modèle d’être confronté à de nombreux types de terrain », précise Mateo Lostanlen.
Au bout de trois ans, le bilan est positif. « Depuis cet été, nous sommes satisfaits de nos résultats grâce notamment aux pompiers de l’Ardèche qui nous ont fait confiance. Nous n’avons raté aucun feu. Mais, nous avons encore un peu trop de faux positifs. Pour l’instant, ce n’est pas très pénalisant, car cela ne concerne que deux tours en Ardèche. Mais, lorsque notre système couvrira tout un département, il sera impossible de gérer de nombreux faux positifs », souligne-t-il.
Prédiction
Deux pistes d’amélioration sont prévues. « Nous travaillons à développer un protocole pour valider plus rapidement une alerte et cet hiver, nous allons étudier la détection temporelle. Actuellement, nous prenons une image fixe pour faire une prédiction. Mais même à l’œil nu, il est difficile de faire la distinction entre une fumée et un nuage qui est bas. Or, si nous regardons une série d’images, il est plus facile de faire cette prédiction », précise Mateo Lostanlen.
Bénéficiant de soutiens publics et privés, cette association a intégré le programme Accélérateur d’initiatives citoyennes de la direction interministérielle du numérique. Elle prévoit de fournir une fois par an un jeu de données publiques sur les incendies. Ce jeu de données sera une combinaison de toutes les sources de l’association (France, États-Unis, Chili, Espagne). Souhaitant rester une association, Pyronear prévoit dès janvier prochain de salarier une équipe afin de mieux gérer les relations avec ses différents partenaires et animer la communauté de bénévoles.
D’autres déclinaisons pourraient être envisagées comme la détection d’inondations, de fortes crues ou encore des avalanches.
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