Les vestiges en bois demandent un soin particulier en matière de préservation car leur environnement direct est fortement perturbé lors de leur renflouage. Des réactions chimiques, en sommeil tant que le bois était immergé, peuvent se manifester et entraîner une dégradation très rapide.
De nombreuses recherches sont menées pour optimiser les traitements appliqués au bois, dès sa sortie des eaux. Le CEA a notamment mis en place une équipe sur Grenoble, ARC-Nucléart, dont le but est la conservation et la restauration des objets en matériaux organiques (bois, cuir, fibres) produits par les hommes dans tous les domaines de leur activité, ainsi que la recherche destinée à étudier les matériaux dégradés et développer de nouvelles méthodes de traitements.
Dans le contexte plus particulier des analyses XAS, les premiers travaux ont été menés par le groupe de M. Sandström, à l’université de Stockholm, principalement sur le Vasa et le Mary Rose. Le Vasa est un navire de guerre construit entre 1626 et 1628 qui sombra dans le port de Stockholm après une navigation d’à peine un mille marin lors de son voyage inaugural, en août 1628. La coque, entière et largement intacte, a été renflouée en 1961 et est actuellement exposée dans un bâtiment construit spécialement pour l’accueillir, le musée Vasa, à Stockholm.
Ce musée est aujourd’hui le deuxième le plus fréquenté en Suède. La conservation du Vasa est donc quasiment une cause nationale. Le Mary Rose était, quant à lui, le navire amiral du roi Henry VIII, un véritable emblème des Tudors. Il coula en 1545, lors d’un combat entre Anglais et Français, dans le Solent, bras de mer qui sépare l’île de Wight de l’Angleterre. Il fut renfloué à grands frais en 1982 et constitue aujourd’hui un témoignage unique de la période des Tudors. C’est le seul vaisseau de guerre du XVIe siècle qui soit présenté au public. Il est exposé et restauré à la base navale de Portsmouth. Là encore, sa conservation est un enjeu majeur.
Les mesures XANES de bois immergé
Les premières mesures XANES de bois immergé ont porté sur l’état chimique du soufre. En effet, les composés soufrés qui se sont accumulés dans le bois pendant son immersion constituent une véritable menace aujourd’hui.
Les études ont été réalisées à différentes échelles :
- Une échelle centimétrique, avec des fragments prélevés sur différentes parties des bateaux, ainsi qu’à différentes profondeurs d’un même morceau de bois ;
- Une échelle micrométrique, c’est-à-dire l’échelle des cellules du bois, en cartographiant sur des petites coupes fines de bois, les différents composés soufrés.
La spéciation du soufre, un facteur déterminant
La spéciation du soufre est un facteur déterminant dans la conservation des épaves, car les différentes formes de soufre n’ont pas toutes la même stabilité, ni la même réactivité, dans les processus d’altération du bois. Dans l’eau de mer, les bactéries qui se nourrissent de matière organique réduisent les ions sulfates en sulfure d’hydrogène H2S. Celui-ci pénètre, sous forme dissoute, dans le bois et est transformé en composés soufrés réduits solides, tels que les thiols, R-SH (où R est une fraction organique présente naturellement dans la lignine du bois) et en sulfures de FeII, par réaction avec le fer environnant provenant notamment des rivets, des clous, des canons et boucliers à canon.
Le soufre s’est tellement accumulé au cours des siècles dans le bois du Mary Rose qu’il a été détecté à des teneurs de l’ordre du pourcent en poids (soit près de 2 tonnes). Après renflouage, le soufre réduit est lentement oxydé en acide sulfurique H2SO4. Celui-ci, s’il n’est pas traité, entraîne une hydrolyse acide des fibres de cellulose au détriment de la stabilité mécanique du bois.
Le rôle du fer dans le processus de dégradation
En parallèle aux analyses du soufre, ces études ont aussi porté sur l’état d’oxydation du fer, provenant de boucliers de canon retrouvés sur l’épave du Mary Rose. Comme indiqué précédemment, le fer peut jouer un rôle dans les processus de dégradation en formant, par réaction avec le soufre réduit, de la pyrite (FeS2), qui peut elle-même être oxydée en sulfate de fer, accompagné d’un largage acide. Il peut aussi catalyser des réactions d’oxydation du soufre, de la cellulose, mais aussi du PEG, le polyéthylène glycol, utilisé dans la conservation des bois archéologiques humides.
Ces travaux ont permis non seulement de mieux comprendre les réactions chimiques responsables des dégradations du bois, mais aussi d’élaborer de nouveaux procédés de traitement de conservation, et d’évaluer leur efficacité.
En résumé, les analyses faites sur biomatériaux s’intéressent souvent à des problèmes de dégradation, provoqués et/ou accélérés par la présence d’ions métalliques dans des réactions d’oxydo-réduction. Dans ce contexte, la mesure doit prendre en compte de possibles effets de photo-réduction, induite par les rayons X eux-mêmes au cours de l’analyse. Les analyses XAS visent aussi à évaluer l’efficacité de traitement de conservation.
Cet article est un court extrait des bases documentaires de Techniques de l’Ingénieur.
- Pour lire la suite de l’article et en savoir plus sur les processus de conservation et de dégradation, n’hésitez pas à consulter l’article « Méthodes de spectroscopie d’absorption X pour l’analyse des matériaux du patrimoine » disponible en ligne ainsi que notre base documentaire dédiée à l’art.
Découvrez également les formations Techniques de l’Ingénieur :
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE