Pour obtenir la coloration, il existe plusieurs processus physiques utilisés aussi bien par la nature que par l'homme dans les matériaux de synthèse.
La coloration d’un milieu présentant une certaine transparence résulte de l’absorption de certaines longueurs d’ondes par des chromophores. Le premier type de chromophore résulte des transitions électroniques entre les niveaux électroniques des ions de métaux de transition ou de terres rares.
Moins de 1 à 3 pour cent en poids d’ions suffisent pour colorer une matrice. Les longueurs d’ondes non absorbées du spectre visible donnent la couleur reçue par notre œil. Les transitions électroniques de certains ions chromophores sont plus ou moins sensibles à la géométrie du site occupé et donc à la composition et à l’état d’ordre du réseau hôte. Aussi, l’incorporation dans une structure adaptée, et en outre stable chimiquement et thermiquement, conduit au second processus de coloration, le pigment, une phase naturelle ou de synthèse développant une belle couleur. Outre leur haut pouvoir colorant, les pigments «céramiques» ne doivent pas être attaqués par le verre ou l’émail fondu. Plus la gamme de stabilité thermique demandée est grande, plus la palette de couleurs sera réduite.
La couleur blanche est obtenue par une opacification, c’est-à-dire une dispersion d’une phase ayant un indice différent de la matrice, comme les bulles d’air rendent blanche un morceau de glace.
Les métaux en faible épaisseur, notamment sous forme de nanoparticules, ont un spectre d’absorption bien défini, en particulier du fait d’une absorption résonante du nuage d’électrons présents en surface du métal, appelé plasmon. Les plus utilisés sont le cuivre, l’argent et l’or. Si le dépôt de la pellicule riche en métal est suffisamment épais, la coloration est contrôlée par la réflexion.
Le troisième processus résulte de la diffraction par des réseaux dont la périodicité est du même ordre de grandeur que les longueurs d’onde du spectre visible (~ 0,4-0,75 μm). Cette technique d’interférences, largement utilisée par la nature (opales, nombreux scarabées, papillons Morphos, etc.) est à l’origine des couleurs observées dans les céramiques lustrées sur la surface des compact disc.
La coloration de la matière, toute une Histoire
Les minéraux colorés naturellement, parfois améliorés par recuit, en particulier ceux utilisés en joaillerie ou en marqueterie, pierres fines ou semi-précieuses, ont été les premiers pigments utilisés pour la réalisation de peintures rupestres et de fresques, de pastels ou de dessins.
L’hématite (Fe2O3), la magnétite (Fe3O4), la gœthite et la lépidocrocite (FeOOH), les oxydes de manganèse, la calcite (CaCO3), le gypse (CaSO4), etc. sont utilisés depuis les périodes préhistoriques. Le lapis-lazuli, l’azurite, des minéraux riches en cobalt le sont, par intermittence, depuis la Haute Antiquité.
La coloration par dispersion de nanoprécipités métalliques remonte au néolithique (bijoux celtes) et fut utilisée de façon quasi-industrielle par les artisans romains pour fabriquer les tesselles rouges des mosaïques.
Le lustre, une technique de préparation par diffusion d’ions Ag+ ou Cu2+ dans un émail/verre (déjà cuit) et par contrôle de séquences alternées d’oxydation/réduction in situ (à ~ 600 oC) par la maîtrise de l’atmosphère de cuisson et des réactions d’oxydo-réduction à l’intérieur de l’émail, date de la période abbasside (VIII-IXe siècle).
La coloration par nanoparticules d’argent fut largement utilisée par les maîtres-verriers du Moyen Âge pour obtenir la couleur jaune, tandis que le rouge était obtenu par des nanoparticules de cuivre. Le caractère très absorbant de ces chromophores nécessita des techniques sophistiquées pour conserver une bonne transparence (couche de quelques millimètres formée d’alternance de couches très fines avec et sans particules recouvrant un support non coloré).
Le développement de la palette des couleurs par les maîtres-potiers pour la réalisation des majoliques en Italie, des Iznik en Anatolie (au-delà du XVe siècle) offrit aux peintres des alternatives aux minéraux semi- précieux (smalts : verres colorés par du cobalt et autres chromophores ; jaune de Naples : solution solide PbO-SnO2-Sb2O5-Fe2O3-ZnO-SiO2).
Le développement de la chimie préparative, lentement durant le XVIIIe siècle, à petits pas durant le XIXe, puis à grands pas pendant la première moitié du XXe, multiplia la palette des chromophores de synthèse, inorganiques mais aussi organiques, et les dépôts de brevets confortèrent les spécificités (association de pigments). Si, pendant des siècles, les émaux et leurs pigments étaient préparés par les manufactures avec la pâte, la révolution dans l’organisation industrielle de la seconde partie du XXe siècle conduisit à l’approvisionnement auprès de producteurs spécialisés en émaux et pigments, générant de nouvelles solutions techniques.
L’identification des chromophores utilisés, seuls ou en association, constituent donc des marqueurs technologiques et chronologiques très efficaces.
Cet article est un court extrait des bases documentaires de Techniques de l’Ingénieur.
- Pour lire la suite de l’article et en savoir plus sur la coloration de la matière, n’hésitez pas à consulter l’article « Analyse non destructive des objets d’art par méthodes spectroscopiques portables » disponible en ligne ainsi que notre base documentaire dédiée à l’art.
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