Dans une interview à Technology Review, Stephen Chu, le secrétaire américain à l'énergie, explique que le Département de l'énergie (DOE) a coupé dans le budget de la R&D des piles à combustible car leur succès dépendrait de « 4 miracles ». Mais de quoi parle-t-on exactement !
Le Dr. Chu classe ces obstacles en quatre catégories. La première concerne la principale source d’hydrogène (H2) aujourd’hui disponible, produit à partir de gaz naturel. Cette option met à mal la revendication de zéro émission souvent attachée aux piles à combustible. En pratique, cela signifie zéro émission par les tuyaux d’échappement. Quant à zéro émission en tout, on est loin du compte. Cela vaut pourtant le coup de réfléchir aux autres utilisations possibles du gaz naturel. Nous pourrions le comprimer et le brûler dans un moteur à combustion interne modifié. L’idée n’est pas aussi folle que certains le suggèrent dans la mesure où elle peut réduire la consommation pétrolière et réduire les émissions de 15 à 20 % par rapport à une voiture conventionnelle, sur la base de well-to-wheels (du puits à la roue), sur un cycle de vie. Nous pourrions aussi utiliser le procédé Fischer-Tropsch pour transformer le gaz naturel en diesel synthétique de première qualité, mais la réduction des émissions serait moindre car l’efficacité supérieure d’un moteur diesel est largement compensée par l’énergie perdue dans la synthèse du carburant.
Le problème du stockage de l’hydrogèneNous pourrions également produire de l’hydrogène, ce qui, comme le relève le Dr Chu, suppose de gaspiller près d’un tiers de l’énergie originelle dans le gaz lorsque l’hydrogène est comprimé. Cette dernière solution est pourtant la seule, en dépit du coût énergétique élevé payé lors de la production d’hydrogène, qui permet de réduire de moitié les émissions au cours d’un cycle de vie complet du véhicule, dans la mesure où produire de l’électricité dans une pile à combustible est de loin plus efficace que brûler du carburant dans un moteur à combustion interne. Ce n’est pas parfait mais c’est loin d’être catastrophique, et aucun miracle n’est requis pour fabriquer de l’hydrogène.Le miracle n° 2 concerne le stockage de l’hydrogène et là, c’est une autre paire de manches. Je ne suis pas très enthousiaste à l’idée de transporter du gaz comprimé à 5.000 ou 10.000 PSI dans une voiture où se trouve ma famille, et cette peur n’a rien d’irrationnel. De plus, je ne pense pas que le Dr Chu ait entièrement raison lorsqu’il dit que « l’hydrogène comprimé est le meilleur mécanisme ».ECD, une entreprise dans laquelle mon ancien employeur avait investi, possède une technologie de stockage d’hydrogène sous forme d’hydrures métalliques et on trouve aujourd’hui des canettes qui utilisent cette technologie. L’avantage de ce système, c’est qu’il ne demande pas une pression élevée. Le désavantage, c’est que ces hydrures sont lourds, un inconvénient partagé par les batteries NiMh (nickel métal hydrure) utilisées dans la Toyota Prius et d’autres hybrides non rechargeables. Aucun de ces systèmes ne stocke l’énergie à une densité équivalente à l’essence, pas plus d’ailleurs que les batteries Lithium-ion.
Le défi de la distributionLe troisième défi concerne la distribution et il est pour le coup décourageant. Transporter l’hydrogène dans des camions citernes tube-trailers convient parfaitement pour des stations de ravitaillement d’essai, mais ne peut être étendu à des millions de voitures. Cela peut être évité, car les reformers qui extraient l’hydrogène du gaz naturel peuvent être construits à l’échelle d’une station service qui tire sa matière première des conduites de gaz locales.Installer un tel équipement dans des milliers d’endroits peut sembler une tâche gigantesque, mais la même chose est vraie de l’installation de pompes à E85 dans 10 % des stations services, contre 2.000 aujourd’hui. Pour moi, une distribution efficace de l’hydrogène en termes de coût relève de l’ingénierie et de l’économie, non de la science.Reste le seul point dans la liste du Dr Chu qui puisse effectivement rentrer dans la catégorie de miracle : ramener le prix d’une pile à combustible à un niveau comparable à celui d’un moteur à combustion interne, ou du moins à un prix qui ne soit pas inabordable pour une voiture à pile à combustible. Les piles à combustible coûtent encore aujourd’hui plus de 1.000 $/kW, ce qui signifie que les seules piles à combustible pour une voiture coûteraient plus cher qu’une voiture de luxe aujourd’hui.
L’hydrogène n’est qu’un vecteur d’énergieLes prévisions selon lesquelles ce prix tomberait plus ou moins au niveau des 35 $/kW auxquels revient aujourd’hui une voiture restent toutes théoriques et s’appuient principalement sur une analogie avec la courbe d’apprentissage dans les autres industries. Etant donné l’état actuel de l’industrie automobile, les fabricants seront déjà suffisamment à la lutte, ne serait-ce que pour absorber le coût initial élevé pour produire des voitures hybrides rechargeables sur une petite échelle, sans endurer des pertes de dizaines de milliers de dollars comme pour la Honda FCX Clarity. Sans innovation majeure, un tel investissement relèverait pour le coup véritablement du miracle.Qu’un ou plusieurs miracles soient nécessaires pour que les voitures à pile à combustible deviennent une réalité, je ne peux qu’être d’accord avec le Dr Chu lorsqu’il conclut que leur commercialisation n’est ni imminente ni tenue pour assurée. Il est important de rappeler que l’hydrogène n’est qu’un vecteur d’énergie, comme l’électricité, et non pas une source d’énergie comme le pétrole ou les biocarburants.Les voitures à batterie électrique, y compris les hybrides rechargeables, constituent aujourd’hui une valeur sûre. Pour les battre, les piles à combustible pour automobiles doivent coûter moins cher qu’une batterie avec une autonomie de 400-480 km, car sous tous les autres aspects, une voiture à pile à combustible est une voiture électrique.Toutefois, nous devons garder en tête qu’une valeur sûre n’est pas toujours la bonne solution. Réduire la R&D fédérale pour les piles à combustible pour permettre de donner la priorité à d’autres options intelligentes à plus brève échéance semble prudent, à condition de ne pas abandonner totalement l’option des piles et de ne pas nous laisser dépasser par d’autres dans la compétition.Par Geoffrey Styles, gérant de GSW Strategy Group, LLC, une firme de consultants sur l’énergie et les stratégies environnementales. Il a également un blog : Energy Outlook.Lire l’interview de Stephen Chu dans Technology review
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