Gonflez modérément un ballon de baudruche et percez-le avec une aiguille, vous obtiendrez deux gros fragments. En revanche, gonflez-le jusqu'à ce qu'il éclate spontanément et vous récolterez des dizaines de lambeaux.
Sébastien Moulinet et Mokhtar Adda-Bedia du Laboratoire de physique statistique (CNRS/UPMC/ENS/Université Paris Diderot) viennent d’expliquer ce phénomène : lorsqu’une fissure se propage à la surface d’un ballon, si elle atteint une vitesse limite, elle se déstabilise et se sépare en deux nouvelles fissures. C’est par ce mécanisme de multiplication des fractures que le ballon vole en morceaux. Ces travaux, publiés dans Physical Review Letters, contribuent à une meilleure compréhension des phénomènes de fragmentation de matériaux soumis à des impacts ou à des explosions.
Le processus de fragmentation implique de grandes vitesses de déformation et des échelles de temps courtes entre la rupture initiale et la propagation des fissures. Ce processus se retrouve dans tous les types de matériaux, du verre aux métaux, en passant par les roches. L’explosion d’un ballon en caoutchouc étant simple à filmer au ralenti, il est un parfait modèle pour comprendre cette physique particulière de la fragmentation. Il présente deux régimes d’explosion : soit en deux parties distinctes quand il est peu tendu, soit en dizaines de morceaux sous forte tension.
Les physiciens Sébastien Moulinet et Mokhtar Adda-Bedia ont cherché à identifier et à décrire les conditions dans lesquelles chacun de ces mécanismes se produit. Plutôt que d’utiliser des ballons de baudruche, ils ont construit un dispositif dédié permettant de filmer, à des fréquences allant jusqu’à 60 000 images par seconde, l’explosion de feuilles de latex qu’ils gonflent comme des ballons.
Les chercheurs ont observé que tant que la membrane reste modérément tendue, une fracture unique se propage et coupe le ballon en deux. D’autre part, ils ont également observé que la vitesse à laquelle progresse la fissure croît avec la tension du ballon. Lors de l’explosion d’un ballon gonflé à son maximum, les fissures atteignent une vitesse limite à laquelle elles deviennent instables. Cette instabilité se traduit par la division successive des pointes de fissures qui forment ainsi un vaste réseau arborescent, initialement né d’une fracture unique. La vitesse limite à laquelle se produisent ces embranchements, d’environ 570 m/s, pourrait correspondre à la vitesse du son dans la membrane.
Bien que ces résultats partent d’un questionnement ludique, ils permettent une meilleure compréhension des phénomènes génériques de fragmentation de matériaux soumis à des impacts ou à des explosions. Les chercheurs espèrent ainsi contribuer à la mise au point de matériaux innovants dont les processus de fragmentation seront parfaitement maîtrisés.
Source : CNRS
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