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Interview

« Collecter des gisements diffus exige de pouvoir massifier les flux avant de les revaloriser »

Posté le par Pierre Thouverez dans Entreprises et marchés

La société CEDRE est leader en Ile de France de la collecte et du tri des déchets des entreprises et des administrations.

Créée en 2005, Cèdre – Création d’Emplois Durables dans le Recyclage et l’Environnement – a développé des activités de tri sélectif, de collecte et de valorisation des déchets tertiaires pour les entreprises et les établissements publics et privés. L’entreprise est aujourd’hui leader en Ile de France de la collecte et du tri des déchets des entreprises et des administrations et revalorise jusqu’à 27 déchets de bureau différents valorisés dans leur filière.

Depuis le démarrage de son activité, Cèdre porte une double mission. A un objectif écologique de préservation des ressources naturelles, s’allie une mission sociale : permettre et favoriser l’accès à l’emploi de personnes en situation de handicap ou en difficulté sociale et les accompagner au long de leur parcours professionnel. Les effectifs comptent aujourd’hui 220 collaborateurs dont 58 % en situation de handicap.

Sarah Boissier, Directrice des programmes chez Cèdre, a expliqué aux Techniques de l’Ingénieur comment l’entreprise opère pour valoriser au mieux les différents types de déchets collectés et traités.

Techniques de l’Ingénieur : Quelle est la particularité de travailler sur des gisements diffus de déchets ?

Sarah Boissier : Notre métier est d’abord un métier de planification et de gestion de tournées de collecte, dans un métier fortement réglementé, avec les enjeux inhérents. Il nous faut rouler le moins possible et faire adopter les gestes d’éco-conduite à nos chauffeurs. Nous utilisons un outil d’optimisation de tournées et tous nos véhicules sont géolocalisés.

Par ailleurs nous avons trois sites en Ile de France qui nous permettent de mailler efficacement le territoire et de collecter toujours à moins de 30 km d’un de nos centres de tri. L’ouverture d’un quatrième site est en ce moment à l’étude.

Ensuite, nous monitorons de près notre empreinte carbone, et celle-ci est fortement liée aux émissions de notre flotte. Nous avons passé l’année dernière l’intégralité de notre flotte poids lourds au bio-carburant (B100), les véhicules légers roulent au GNV ou en électrique. L’ensemble de ces actions nous ont permis de baisser de moitié nos émissions et de contraindre nos coûts d’exploitation.

En outre, nous portons les aspects réglementaires auprès de nos clients, notamment en ce qui concerne la traçabilité des déchets. Chez Cèdre nous reposons sur une collecte totalement digitalisée via le scan de QR codes présents sur nos bacs ou nos sacs.

Enfin, collecter des gisements diffus exige de pouvoir massifier les flux avant de les revaloriser, car in fine tout est une affaire de volume.

Quel est le modèle d’affaires ?

Historiquement, nous avons deux sources principales de revenus : nous facturons la collecte à nos clients sur un principe forfaitaire basé sur le nombre de passages et le nombre de déchets collectés.

Ensuite, pour certains flux (papier, D3E, métal…), la matière nous est rachetée. Le prix est basé sur des cours matières et varie selon plusieurs paramètres. En tant que collecteur trieur, nous avons la main sur certains de ces paramètres : qualité du tri et donc pureté du flux (nous trions le papier blanc par exemple qui est racheté plus cher), profondeur du tri (un équipement D3E comporte plusieurs matériaux, plus celui-ci est démantelé et trié, plus il est possible d’en retirer de la valeur).

Mais sur d’autres, nous subissons les sursauts du marché, ce qui rend le modèle parfois fragile. D’autant plus que les tonnages de papier collectés – qui représente le déchet historique – baissent d’année en année.

Nous avons entrepris depuis plusieurs années une démarche de diversification et avons lancé de nouvelles activités, complémentaires et génératrices de nouvelles marges : par exemple, une cellule conseil pour accompagner nos clients dans la réduction des déchets non recyclés, la mise en place de collaborateurs Cèdre « in situ » chez nos clients ou bien des opérations ponctuelles d’évacuation d’encombrants et de déchets de chantiers, ou encore le recyclage des EPI et du textile via notre filiale Triethic.

Quels sont les enjeux qui sous-tendent ce modèle ?

En tout premier lieu, nous devons avoir les moyens de massifier nos flux, ce qui implique de l’espace et des investissements importants dans le compactage. Il est également essentiel d’être constamment en veille sur les nouvelles filières de recyclage qui émergent : nous sommes toujours très vigilants sur le choix de nos exutoires. Collecter un nouveau déchet n’a d’intérêt que si son recyclage effectif est assuré.

Ensuite, le tri à la source effectué par nos clients est un axe fort et historique chez Cèdre. Nous souhaitons que la responsabilité du tri repose sur la personne qui génère le déchet. C’est important en termes de pédagogie et cela nous permet de concentrer nos collaborateurs sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Nous investissons beaucoup dans ce domaine car la mise en œuvre d’une économie circulaire n’est possible que si tous les acteurs de la chaîne de valeur sont impliqués. Sur ce point, nos clients ont besoin d’être accompagnés. C’est également une demande forte de la part des collaborateurs, un environnement de travail sain et durable est un des axes des stratégies RSE.

Concrètement, nous avons développé et breveté la Fresque des déchets tertiaires – un atelier délivré en présentiel – et plus récemment un programme digital de sensibilisation et d’auto-formation comprenant des vidéos, des quiz et de nombreux jeux interactifs certifiés Qualiopi.

Aussi, il nous faut aller vers une gestion de plus en plus fine de la matière : entreprendre du démantèlement fin, notamment sur les déchets D3E, ou même aller jusqu’au broyage de certaines matières, ce que nous faisons déjà avec le papier confidentiel, les disques durs et les casques de chantier.

Enfin, et c’est fondamental, il y a un enjeu majeur lié à la nécessité de promouvoir une économie plus circulaire, et donc de favoriser les boucles de réemploi avant la boucle de recyclage. C’est un vrai changement de paradigme dans notre métier. Nous nous y engageons, bien sûr et nous considérons que c’est une grande opportunité pour notre modèle social car c’est une activité créatrice d’emploi.

Les filières se créent, portées notamment par l’émergence de plateformes de réemploi, dans les matériels informatiques ou le mobilier. Ces startups de la tech attirent des fonds, c’est tant mieux pour le secteur ! Cependant les modèles économiques sont encore fragiles sur les activités de réparation, de reconditionnement et les investissements manquent encore pour asseoir la filière dans le temps.

Propos recueillis par Pierre Thouverez

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