Du 1er au 14 mars 2021 a lieu la 8e édition des Journées Nationales de l’Ingénieur. Pour l’occasion, IESF organise le 4 mars, date qui concorde avec le World Engineering Day, un colloque national sur le thème « Ingénieurs, acteurs de la relance ». Il sera composé de différentes tables rondes auxquelles le public peut s’inscrire.
Olivier Gibaru, enseignant-chercheur au campus Arts & Métiers de Lille et référent en matière de cobotique, sera intervenant lors de la conférence « Les formateurs, l’amont ». Pour Techniques de l’Ingénieur, il se penche davantage sur son domaine de spécialisation : la cobotique.
Techniques de l’ingénieur : Dans quel cas parle-t-on de cobotique plutôt que de robotique ?
Olivier Gibaru : La cobotique se développe en parallèle de la robotique usuelle et industrielle qui a plutôt recours à de gros robots. Autrement appelée « robotique collaborative », la cobotique déploie des robots plus petits, qui portent des charges plus faibles et travaillent en coactivité avec l’humain. Cette nouvelle forme de robotique permet de repenser la relation homme-machine. De mon point de vue, le défi est réellement de simplifier la relation entre les systèmes automatisés et l’homme. Il faut considérer le robot comme un apprenti qui doit être capable d’apprendre pour nous aider. Le système doit donc être capable d’intégrer de l’information de l’opérateur qui lui apprend les tâches à réaliser. Celles-ci sont généralement à faible valeur ajoutée et peu ergonomiques pour les opérateurs, et entraînent des risques de troubles musculosquelettiques importants. En ce sens, la cobotique permettra d’assurer la compétence dans les usines en ayant des opérateurs qui restent plus longtemps, et en les maintenant en meilleure santé.
Où en est-on du développement de la cobotique en France ? A-t-elle une place dans le plan de relance ?
Le plan de relance soutient les technologies de l’industrie 4.0, mais plutôt pour avoir des résultats assez rapides et concrets pour l’industrie. Il prévoit aussi le soutien à la formation des ingénieurs déjà en poste. La cobotique doit atteindre sa maturité et nécessite encore du développement. Je pense que la cobotique sera bien développée d’ici 5 ans si un effort important est déployé. L’environnement industriel se développe bien en France, mais il faut que les grands donneurs d’ordre s’emparent encore plus du sujet.
Quels sont les défis pour développer la cobotique ?
J’ai initié la cobotique il y a une dizaine d’années sur le campus de Lille. Tout l’enjeu, et c’est sur quoi nous travaillons, est de développer des interfaces cognitives qui intègrent des outils d’intelligence artificielle, de deep learning ou d’apprentissage renforcé. Il faut que le système sache demander des solutions à l’opérateur lorsqu’il ne comprend pas un concept. Le bon modèle sera celui qui trouvera le bon effet de levier dans l’interaction homme-machine.
Les cobots se développent principalement dans l’automobile et l’aéronautique en France. Nous avons aussi eu des opérations dans le packaging et la parfumerie. Le principal frein demeure la vitesse de déplacement des robots en cobotique. La norme impose une vitesse maximale de 250 millimètres par seconde, là où des robots classiques peuvent se déplacer à 1 mètre par seconde ! Cela n’est donc pas toujours compatible avec les contraintes de temps de cycle des chaînes de montage, comme en automobile. Ces chaînes n’allouent qu’un temps très court à chaque opération. Dans l’automobile, les robots collaboratifs sont pour l’instant principalement réduits au « pick and place », qui sont assez faciles à programmer.
Pouvez-vous partager une belle réussite dans le domaine ?
Nous avons reçu le Prix de l’Open Innovation aux Safran Innovation Awards 2019 pour avoir développé un robot de contrôle d’armoires électriques de l’A350. Ces vérifications imposent des milliers de points de contrôle, ce qui est très fatigant pour un humain. Ainsi, le cobot se déplace via une base mobile tout autour du cœur électrique pour vérifier son bon état. Il est déployé sur le site Zodiac Aerospace de Niort.
Quelle formation suivre pour travailler dans la cobotique ?
La formation est aussi un enjeu majeur. Sur le campus de Lille des Arts et Métiers, nous avons une plateforme robotique cofinancée par la Fondation Arts & Métiers où les élèves-ingénieurs sont mis en situation opérationnelle. Ils réalisent des travaux pratiques et des préprojets industriels avec des systèmes robotiques collaboratifs.
L’écosystème de formation national a pris conscience de l’introduction de la robotique sur le territoire. Les pays les plus robotisés n’ont pas un taux de chômage important. Dans l’industrie, on constate que la robotisation et l’automatisation des chaînes de production ne réduisent pas le nombre d’emplois. Au contraire, elles favorisent le maintien des usines sur le territoire. Pour attirer les jeunes, il faut faire la promotion de la technologie au sein des usines.
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