Le 18 décembre dernier était lancé le satellite Angels, un prototype destiné à démontrer la pertinence des nanosatellites. Un prototype qui est également le premier élément de la future constellation Kinéis, amenée à opérer le système Argos, un système mondial de localisation et de collecte de données géo-positionnées par satellite.
Pour Caroline Laurent du CNES, la mission qui démarre avec le déploiement d’Angels va démontrer que les capacités des nanosatellites, dont les prix baissent, sont une solution pour développer des applications commerciales abordables et variées.
E.T.I : Le 18 décembre dernier était mis en orbite Angels. Expliquez-nous en quoi consiste Angels ?
Caroline Laurent : Angels est un prototype, qui préfigure ce que sera la constellation Kinéis. Deux enjeux ont conduit au développement des prototypes Angels.
D’abord, Angels embarque le système Argos. Actuellement, les équipements Argos sont embarqués sur différents satellites. Ces charges utiles sont opérées par le CNES et ensuite CLS, une filiale du CNES, prend en charge les usagers, la vente des balises et l’exploitation du système.
Nous avons voulu miniaturiser ces balises de plus en plus, et nous avons développé la charge utile Argos Neo, embarquée sur Angels. Le lancement d’Angels, le 18 décembre dernier, permettait donc d’avoir un instrument supplémentaire en orbite.
C’est important car dans les constellations de nanosatellites, plus on a de charges utiles, plus le système est performant. Il y a avait donc un besoin d’avoir un satellite supplémentaire.
Dans le même temps, le CNES et CLS ont imaginé une constellation – Kinéis – de nanosatellites. C’est le second enjeu. La baisse des coûts liée à la miniaturisation a permis de développer des programmes ambitieux – et qui ne sont pas excessivement chers – dont celui de se passer des plateformes étrangères pour faire fonctionner Kinéis.
Pour résumer, Angels fait à la fois la démonstration que la charge utile peut être miniaturisée et devient aussi le prototype pour la constellation Kinéis, dont le développement démarre.
Quel est l’objectif de Kinéis ?
L’objectif de Kinéis est de mettre en orbite 20 satellites. Cela permettra plus de passages et même si cela ne permet pas un suivi temps réel, on pourra avoir une transmission de données tous les quarts d’heure ce qui est déjà très bien. Nous sommes aujourd’hui en capacité d’exploiter le système Argos à partir de nanosatellites.
Kinéis servira également dans le domaine de l’IoT.
La localisation existait déjà avec le système Argos. Mais profiter des messages de localisation pour ajouter des informations plus importantes, cela finit par s’appeler de l’IoT. C’est le but, pouvoir échanger des informations de localisation en temps réel et ajouter d’autres informations sur n’importe quel objet : montre, moteur, machine industrielle…
Quels sont les avantages des constellations de satellites, en termes de développement de programmes ?
Ce qui fait la grande différence, c’est que l’usage d’une constellation permet d’accepter pour chaque satellite une probabilité de fonctionnement moindre que dans le cas d’un unique gros satellite. Vu que les coûts de fabrication sont également moins importants, on peut se permettre d’avoir un satellite de la constellation qui tombe en panne sans mettre en péril l’ensemble du système. On peut même envisager d’avoir une constellation qui fonctionne bien avec seulement 70% des satellites, par exemple. Donc cela change beaucoup de choses. Mais il faut bien garder à l’esprit que ces constellations vont également permettre de développer des usages différents. La miniaturisation limite les performances, et les gros satellites auront toujours leur utilité.
Qu’est-ce que Nanolabs ?2
Les très petits satellites permettent de développer de toutes petites applications opérationnelles sur un tout petit spectre. Ils permettent également de multiplier les tests, les “proofs of concept”… C’est pour cela que le CNES va mettre en commun tous ses laboratoires qui font de la miniaturisation et qui contribuent au développement de nanosatellites et travailler avec les universités et les écoles d’ingénieurs. Pour dans un premier temps et dans le cadre du projet Janus, travailler au successeur d’EyeSat, qui est un nanosatellite d’observation développé par des étudiants en partenariat avec le CNES.
Dans un second temps il s’agit aussi de soutenir les industriels qui se sont développés sur ce secteur, et qui commencent à se fédérer via un groupement comme la Newspace Factory par exemple.
Comment le CNES vient-il soutenir la filière française des nanosatellites ?
Il y a beaucoup de PME qui évoluent dans le domaine des nanosatellites et il faut les soutenir. Au niveau du CNES, nous essayons de rendre cohérentes nos actions, puisque nous finançons de la R&D avec les projets que nous menons. Par exemple, nous faisons en sorte que les moteurs que nous développons en R&D soient bien réutilisés par les maîtres d’oeuvre pour les lancements… A ce jour, la pérennité de cette filière passe encore par un peu d’aide publique.
Propos recueillis par P.T
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