La chimie du végétal présente un potentiel économique évident ne serait-ce que par l'alternative qu'elle propose à des questions environnementales, sanitaires et de durabilité. Mais, elle reste à consolider et à soutenir dans son industrialisation face à la forte compétitivité des filières fossiles.
Pour l’association pour la chimie du végétale (ACDV), la France possède trois atouts essentiels pour créer une filière forte, stable qui embauche et crée de la valeur :
- la disponibilité des matières premières, la France étant la première place agricole de l’Europe
- un tissu industriel riche, la France se plaçant à la deuxième place des industries chimiques en Europe
- des filières agro-industrielles (première transformation) déjà bien structurées
S’ajoute à cela le fait que cette filière offre de nouveaux débouchés à l’agriculture et que le développement durable devient une référence forte en matière de modèle économique. La chimie du végétal s’inscrit donc totalement dans les objectifs de développement d’une chimie verte souhaitée par les industriels du secteur et de manière plus globale dans des objectifs stratégiques d’utilisation renforcée de la biomasse.
Une R&D de pointe, une forte valeur ajoutée
La filière se construit autour d’une très forte R&D, l’innovation étant l’un des principaux moteurs pour devenir compétitif face aux produits d’origine fossile. Cela passe, d’une part, par la recherche de produits présentant de nouvelles fonctionnalités. C’est par exemple le cas de l’isosorbide, une molécule d’origine végétale qui n’existe pas en version fossile mais qui peut se substituer à des composés issus des polycarbonates tout en améliorant les propriétés optiques, la résistance aux UV ou aux hautes températures. Mais l’innovation peut aussi concerner tous les moyens de devenir plus compétitif, à l’instar du développement de nouveaux procédés de fabrication. Pour l’ACDV, cette nécessité d’innover confère à la filière un atout économique non négligeable : « une très forte valeur ajoutée, de l’ordre de 400 000 euros de chiffre d’affaires par emploi, l’un des ratios les plus élevés de la bioéconomie », précise ainsi l’association.
L’agro-industrie française prête à l’emploi
Les industries de premières transformations, qui assurent le lien entre la chimie et les agriculteurs/sylviculteurs qui produisent la biomasse, sont bien établies en France. Elles convertissent les ressources végétales en matières premières de base comme l’amidon, les sucres, les huiles, les fibres etc. Et la nouvelle chimie du végétal et les matériaux biosourcés représentent pour ces industries de transformation un débouché non négligeable de l’ordre de 15% en moyenne mais pouvant atteindre 35% pour les produits amylacés par exemple. Depuis 2005, note l’Ademe, le tonnage à destination des matériaux et produits biosourcés (hors secteurs traditionnels comme la papeterie par exemple) n’a cessé d’augmenter et vient même compenser la baisse de demande des secteurs traditionnels. La France produit donc l’essentiel des matières premières nécessaires à la filière de la chimie du végétal, à l’exception des huiles, dont une bonne partie provient de plantes tropicales (notamment ricin, palme, coprah).
Faible impact environnemental ?
De manière général, l’Ademe note que l’impact environnemental des produits biosourcés est moindre, mais l’agence met en garde contre une approche simpliste : les produits de la chimie du végétal doivent être évalués comme les autres, avec une analyse complète du cycle de vie.
En ce qui concerne d’éventuels conflits d’usage, l’impact aujourd’hui est plutôt faible : selon l’ACDV le secteur emploi 30Mt de matières premières végétales récoltées sur 6 millions d’hectares soit 0,4% des terres arables. A court-moyen terme, même si les tonnages doublaient la demande ne serait pas suffisamment forte pour être préoccupante. Et dans tous les cas très loin des questions que posent la filière biomasse-énergie, notamment celle des biocarburants.
Quels obstacles se dressent encore ?
La France compte de grandes entreprises qui misent résolument sur le développement de la chimie du végétal et ont entamé une véritable politique pour biosourcer leurs matières premières. Néanmoins, le taux de pénétration sur les marchés restent faible : en 2012 seuls 3,3% des produits simples comme les résines, les solvants ou les tensioactifs consommés en France sont biosourcés et 1,6% des produits formulés (colles, composites, détergents) explique l’Ademe. Même si les scénarios de prospective annonce que ce taux devraient doubler ou tripler d’ici 2030, cela reste encore modeste. Le potentiel de progression est très variable selon les secteurs. Par exemple, sur le secteur des cosmétiques, le taux de pénétration est déjà de 100%, c’est-à-dire que tous les produits cosmétiques intègrent désormais des composés issus du végétal. Pour autant le potentiel de progression est encore important car en moyenne, dans un produit cosmétique, on trouve 40% d’ingrédients issus de la biomasse. Ce taux présente encore une marge d’augmentation notable, d’autant que la demande de la part des consommateurs est extrêmement forte. Pour améliorer la situation, les professionnels de la filière sont catégoriques : il faut soutenir l’industrialisation de l’innovation, équilibrer la fiscalité avec les concurrents fossiles en prenant en compte leur très grande externalisation et continuer de favoriser l’achat de produits biosourcés.
De la chimie du végétal à la bioéconomie
Depuis quelques années, le gouvernement français a pris la pleine mesure du potentiel de la filière de la chimie du végétal et lui réserve une place de choix à la fois dans des dispositifs d’aide à l’innovation et de soutien économique et dans les grandes stratégies de développement ou les lois encadrant l’avènement d’une économie plus durables. Ainsi, on retrouve des leviers de soutien dans le cadre des plans de la nouvelle France industrielle ou encore des contraintes réglementaires encourageant l’emploi de la biomasse dans la loi de transition énergétique. Depuis janvier 2017, la forte volonté politique de créer des filières complètes autour de la biomasse qu’elle soit d’origine terrestre, marine ou issue de déchets s’est traduite par la publication de la stratégie nationale bioéconomie dans laquelle la chimie du végétale a toute sa place. La fragilité de la filière tient aujourd’hui, comme dans de nombreux secteurs en France, à des facilités pour les entreprises de se développer après la phase d’amorçage ou de recherche, pour passer au stade industriel et commercial.
Par Sophie Hoguin
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