Le développement d’une chimie durable dite « chimie écocompatible » ou « chimie verte » constitue un défi majeur pour les chimistes de synthèse. Un des objectifs de la chimie verte est de concevoir des produits et des procédés chimiques permettant de réduire ou d’éliminer l’utilisation et la synthèse de substances dangereuses et toxiques. Pour atteindre ce but, le chimiste de synthèse doit intégrer un certain nombre de principes de base (12 principes de la chimie verte) parmi lesquels on peut citer la limitation de l’emploi de solvants organiques (toxiques et inflammables) et de réactifs coûteux et dangereux, la diminution de la quantité de sous-produits et de déchets des réactions en incluant les étapes de séparation et de purification, l’économie d’atomes et d’étapes en privilégiant les réactions catalytiques plutôt que stoechiométriques. Cette démarche doit inclure la totalité du procédé, à savoir la réaction en elle-même ainsi que son traitement en limitant les problèmes de séparation et de purification.
L’approche classique du chimiste organicien de synthèse, qui consiste à effectuer les réactions en milieu homogène en utilisant un solvant organique commun à l’ensemble des partenaires réactionnels, induit non seulement des étapes de séparation et de purification coûteuses et génératrices de déchets supplémentaires, mais aussi des effets de dilution et de solvatation qui peuvent limiter l’efficacité.
L’utilisation de systèmes polyphasiques (par exemple liquide-liquide ou solide-liquide), avec transfert d’un ou plusieurs partenaires d’une phase vers l’autre, constitue une alternative plus écorespectueuse et généralisable à la plupart des réactions de la chimie organique. Cette chimie par transfert de phase s’applique aussi bien à des processus stoechiométriques que catalytiques, le transfert de phase ayant lieu soit en cours de réaction, soit après réaction. Les procédés par transfert de phase présentent de multiples intérêts en termes de chimie durable : ils permettent de limiter, voire de s’affranchir, de l’utilisation de solvants organiques (avec la possibilité d’effectuer des réactions uniquement en présence d’eau) et de faciliter la séparation (idéalement par simple décantation) minimisant ainsi la quantité d’effluents toxiques et le coût énergétique. Ils sont généralement très efficaces, sélectifs et s’opèrent dans des conditions douces.
Dans cet article nous nous focaliserons sur les applications du transfert de phase en chimie de synthèse selon trois grandes approches : la catalyse par transfert de phase qui implique un transfert en phase organique, le transfert de phase inverse qui implique un transfert en phase aqueuse et les systèmes thermorégulés qui impliquent un transfert de phase ou une séparation de phase induite par variation de température.
Cet article se trouve dans le dossier :
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