Anticipant l’interdiction du bisphénol A dans les résines époxy, l’institut Carnot a mis au point une molécule de substitution d’origine renouvelable. Déjà de nombreuses retombées.
«Lorsque les industriels sont face à un problème, ils ont besoin d’une réponse rapide ; notre travail de chercheur au sein d’un institut Carnot est d’anticiper leurs besoins afin d’être prêts à fournir cette réponse dès que la question se pose » dit Sylvain Caillol, directeur adjoint de l’activité Chimie Durable au sein de l’institut Carnot Chimie Balard. C’est exactement ce qu’a mis en pratique cet institut.
Alors qu’en 2008 le bisphénol A (BPA) n’était pas encore sur les écrans radar de l’industrie, « nous pressentions que cette molécule utilisée dans les résines époxy, pour les revêtements alimentaires en particulier, courait le risque d’être interdite à terme car elle avait été identifiée comme un perturbateur endocrinien. Nous avons donc lancé une action de ressourcement scientifique afin de mener des recherches destinées à trouver un substitut au BPA. » L’institut Carnot avait vu juste. Dès 2013, le BPA était interdit en France dans les biberons. Depuis janvier dernier, il l’est désormais dans tous les emballages alimentaires. Durant ce temps, avec le chercheur postdoctoral embauché pendant un an grâce à l’abondement Carnot, l’institut n’a pas chômé. Il a travaillé sur l’identification de composés non toxiques, d’origine renouvelable, susceptibles de remplacer le BPA dans les résines époxy. Il a ainsi identifié, en lien avec l’Inra de Montpellier, des phénols naturels issus des tannins présents notamment dans les écorces des arbres.
Ces tannins ont été fonctionnalisés de façon à pouvoir être utilisés dans des résines époxy et l’institut a démontré qu’ils pouvaient être utilisés efficacement comme substitut au BPA. L’intérêt de cette découverte est indéniable. Outre le fait de fournir une réponse à la réglementation – et à celles qui pourraient très probablement s’étendre à d’autres produits comme les composites… – ces molécules présentent en effet un autre atout : les résines époxy incluant des BPA ne sont pas recyclables en fin de vie, ce qui n’est plus le cas avec les phénols issus des tannins. Ce travail a donné lieu à un brevet et à trois publications. Ces dernières ont suscité d’autres travaux sur la substitution du BPA à partir d’autres ressources renouvelables, recherches qui, à leur tour, ont conduit à plus d’une dizaine de publications de rang A. Ces travaux ont également reçu le prix des techniques innovantes au salon Pollutec en 2010. Mais, surtout, cette recherche a donné à l’institut Carnot une nouvelle et très forte compétence dans le domaine des BPA et de la chimie des résines, ce qui lui a permis de signer des contrats sur ces thèmes avec plusieurs entreprises. Il a ainsi travaillé avec Bois d’Oc sur l’identification et la valorisation des tannins. Avec Sogatra autour de la problématique des résines époxy dans les peintures. Avec Innobat sur la mise au point de résines et avec Cop Chimie, qui a embauché le chercheur postdoctoral ayant travaillé sur le substitut au BPA, pour la fabrication des tannins. Ces nouvelles connaissances lui ont également ouvert de nombreuses collaborations avec des laboratoires français et étrangers (LCPO Bordeaux, IPREM Pau, NSDU USA…) sur ces sujets. Mieux encore. L’institut a récemment créé un consortium industriel avec cinq entreprises (Protéus, Résipoly, Lefrant Rubco, Prospa, Alliance Forêt Bois) et deux autres laboratoires (IATE et SPO) afin de mettre en place une filière complète de production des tannins issus des écorces des arbres, depuis leur extraction et leur production, en passant par leur formulation. Cet ambitieux projet fait l’objet d’un financement par le Fonds Unique Interministériel (FUI).
Ce texte est extrait du livre « Nous construisons votre futur, 34 exemples de ressourcement scientifique », Association des instituts Carnot, édition 2015
Ce livre peut être consulté à l’adresse suivante : www.instituts-carnot.eu/livres/recherche-pour-entreprise-carnot-prepare-avenir
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