Neutral-IT a développé un système pour refroidir les serveurs informatiques en les plongeant entièrement dans un bain d'huile. La chaleur récupérée par le liquide permet ensuite de chauffer l'eau chaude sanitaire dans des chaufferies de bâtiments résidentiels. Le cofondateur de cette entreprise nous parle de son innovation.
Le numérique représente aujourd’hui entre 3 et 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Soucieux de contribuer à la décarbonation du digital, Christophe Perron a toujours pensé qu’il était aberrant d’utiliser de l’énergie pour absorber la chaleur des data centers. Il cherche alors une solution afin de la réutiliser, avec cette contrainte que cette consommation de chaleur doit être à peu près constante tout au long de l’année. Il identifie que l’eau chaude sanitaire a ce profil et développe un système pour refroidir les serveurs informatiques dans des chaufferies d’immeubles. Rencontre avec le président et cofondateur de Neutral-IT.
Techniques de l’Ingénieur : Quel système avez-vous développé pour réduire la consommation énergétique de vos serveurs informatiques ?
Christophe Perron : Nous avons mis au point un système de refroidissement liquide qui consiste à plonger entièrement les serveurs dans un bain d’huile. Tous les composants (processeurs, cartes graphiques…) vont ainsi directement transmettre leur chaleur à ce liquide qui est ensuite récupérée par un circuit d’eau qui fait office d’échangeur. Les calories sont alors transférées jusqu’à un ballon tampon pour préchauffer l’eau à une température de 45 degrés. Ce système, que l’on appelle une chaudière numérique, est installé dans des chaufferies et permet de préchauffer l’eau chaude sanitaire de bâtiments résidentiels. Nous n’utilisons donc aucun système de climatisation. L’été, nous pouvons être amenés à utiliser un aérotherme, lorsqu’il fait très chaud et que les résidents des immeubles dans lesquels sont installés nos serveurs partent en vacances. Étant donné qu’il y a peu de consommation d’eau chaude à ce moment-là, nous utilisons cet équipement, le même que le ventilateur d’un moteur que l’on peut trouver sur une voiture, afin d’extraire l’excès de calories dans l’air.
Il n’y a aucune précaution particulière à prendre vis-à-vis de l’huile qui est un bon isolant électrique. Grâce à l’absence d’air, il n’y a pas de risque de combustion, puisqu’il faut toujours de l’oxygène pour que les choses brûlent. L’idée d’utiliser de l’huile pour refroidir des composants n’est pas nouvelle puisque ce refroidissement liquide par immersion existait déjà au début de l’informatique, lorsque les transistors émettaient beaucoup de chaleur. Par contre, la manière de le mettre en œuvre, c’est-à-dire d’utiliser de l’huile pour récupérer de la chaleur puis la réutiliser est innovante et nous avons breveté notre système.
Quels sont les avantages de votre procédé ?
L’huile se comporte comme un très bon conducteur thermique, puisque nous parvenons à valoriser 96 % de l’énergie dégagée par les serveurs. Cette chaleur couvre ensuite entre 40 et 60 % des besoins en eau chaude sanitaire des bâtiments, en fonction du dimensionnement des chaufferies. Nous nous situons parmi les hébergeurs informatiques ayant la plus faible empreinte environnementale énergétique sur le marché, puisque nous réduisons les émissions de CO2 de nos datas centers de 113 % comparées à des installations classiques. Ce résultat a été chiffré par le bureau Veritas et s’explique également par le fait que l’on installe uniquement des serveurs de seconde main. Ils ont été reconditionnés et leur empreinte environnementale a déjà été amortie.
Contrairement aux gros data centers où sont installés plusieurs milliers de serveurs informatiques au même endroit, les nôtres sont de taille plutôt réduite (environ une dizaine de kW), mais installés dans plusieurs endroits. Le jour où une panne survient sur un site, tous les autres serveurs continuent à fonctionner normalement, ce qui nous permet d’assurer une bonne qualité et fiabilité de notre service numérique
Combien de chaudières numériques sont actuellement en service et est-ce facile de trouver de nouveaux immeubles ?
Nous exploitons une petite vingtaine de sites en Île-de-France, à Lille, Nantes et Lyon. Il est facile de convaincre les habitants d’un immeuble d’installer notre équipement dans leur chaufferie, car nous leur vendons notre système de chauffage numérique et après ils bénéficient de la chaleur gratuite qui leur permet de réduire leurs factures énergétiques. Pour que l’installation soit rentable, il faut au minimum 18 logements dans l’immeuble.
Ensuite, les clients qui souhaitent faire héberger leurs données numériques dans nos serveurs nous contactent pour l’aspect écoresponsabilité. Les questions autour du green IT prennent de plus en plus d’ampleur dans les entreprises et elles sont de plus en plus soucieuses de leur impact environnemental numérique. Nous installons nos chaudières numériques depuis dix ans et cela nous donne suffisamment de recul pour garantir la fiabilité de ce type d’hébergement.
Allons plus loin dans l’imaginaire. Pourquoi pas une nouvelle façon de construire un bâtiment en intégrant obligatoirement un espace de stockage et une ferme de VM accessible pour les habitants via RJ45 (par ex). C’est écologique pour la récupération des colories et économiquement démocratique pour permettre à chaque habitant d’avoir un espace numérique.
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