Le nouveau rapport du GIEC publié fin février 2022 a vu son écho étouffé par la guerre en Ukraine. Pourtant, les informations patiemment compilées par les scientifiques, sous l’égide de l’ONU, méritent qu’on s’y attarde. L’heure n’est bien sûr plus à la tergiversation, car ce rapport ne fait que renforcer le constat des précédents : les sociétés humaines, les écosystèmes et le climat sont interdépendants ; l’activité des premières dégrade les seconds et bouleverse gravement le troisième. Les effets multiples et néfastes du réchauffement climatique s’accélèrent et obligent à œuvrer simultanément à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et à l’adaptation de notre cadre de vie aux nouvelles conditions environnementales.
Le GIEC a déjà averti qu’il reste seulement dix ans pour réorienter drastiquement les activités humaines : si un réchauffement moyen global de +1,5°C est dépassé, la trajectoire sera désastreuse et certains effets irréversibles ne pourront plus être contenus, à l’instar de la fonte des glaciers.
Ce nouveau rapport se concentre sur les besoins rapides d’adaptation, par exemple pour les zones côtières qui sont à risque. L’analyse des différentes régions du monde montre que les capacités adaptatives sont très inégalement réparties, certains pays ou groupes de population ne disposant pas des moyens d’agir. Il est aussi nécessaire d’éviter des solutions qui peuvent créer d’autres problèmes : cette « mal-adaptation » correspond par exemple à un excès de climatisation en ville qui renforcerait le phénomène d’îlots de chaleur ou la création de digues en bord de villes côtières qui pourraient dégrader l’environnement corallien.
S’appuyer sur les écosystèmes : l’exemple de l’agriculture
Des approches écosystémiques sont nécessaires pour que les adaptations soient réussies. Cela se traduit par la prise en compte de la biodiversité animale et végétale et de toutes les interactions entre l’environnement naturel et les activités humaines, avec l’idée que l’écosystème est aussi une partie de la solution. Cela est flagrant dans l’agriculture, les forêts et l’aquaculture. « Le changement climatique va continuer à induire une baisse de productivité des activités agricoles : récoltes affectées, qualité des pâturages dégradée, mortalité plus élevée des arbres, pertes des pollinisateurs, bétail affaibli par les chaleurs extrêmes, etc. Cela pourrait mettre en danger la sécurité alimentaire et augmenter les risques de malnutrition » explique Delphine Deryng, une des auteures principales du chapitre 5 du nouveau rapport du GIEC.
Selon la chercheuse, invitée à l’Université de Humboldt à Berlin, il y a néanmoins des options d’adaptation qui permettraient de préserver les ressources naturelles tout en s’appuyant sur elles pour limiter les effets climatiques. Certaines sont « autonomes », c’est-à-dire applicables tout de suite sans investissement, comme le décalage des dates de semences. D’autres, très efficaces, reposent sur la diversification des productions, la restauration des terres, l’agroécologie et l’agroforesterie. Ces approches supposent d’allier une part d’innovation et de technologies avec des savoir-faire locaux, indigènes, de privilégier des exploitations de taille moyenne et d’impliquer les jeunes et les femmes. Avec ces nouvelles formes de production agricole, forestière et aquatique, un plus grand stockage « naturel » de carbone serait ainsi possible. De plus, l’atteinte de certains Objectifs de développement durable serait facilitée, notamment ceux visant à éliminer la pauvreté et la faim, à garantir l’accès à une eau de qualité, à fournir un travail décent pour tous, et à établir des modes de consommation et de production durables.
La gestion durable des ressources permettra ainsi de préserver les espèces terrestres et aquatiques, de renforcer la qualité des sols et d’améliorer la qualité des eaux, tout en améliorant la qualité de vie des populations et en aidant à lutter contre le réchauffement climatique. Mais les efforts d’adaptations recommandés par le GIEC sont encore grands et doivent mobiliser de forts investissements publics, tout en étant guidés, en amont, par un changement des modes alimentaires des citoyens.
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