Thomas Le Diouron, Managing Partner de la société de conseil Impulse Partners, s'est penché sur les éventuels coûts qu'une catastrophe nucléaire ayant lieu sur le sol français entraînerait.
Il y a quelques jours, l’Institut national de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) jetait un froid en annonçant que, si une catastrophe nucléaire semblable à celle de Fukushima survenait en France, celle-ci pourrait coûter de l’ordre de 430 milliards d’euros. Les coûts indirects (impacts sur l’économie) étant d’ailleurs estimés plus élevés que les coûts directs (décontamination, indemnisation des victimes…). Certes, le chiffre peut sembler démesuré d’autant que la catastrophe de Fukushima résulte d’une suite d’évènements qui paraissent peu reproductibles dans l’hexagone (tremblement de terre et tsunami dans une région très industrielle et très peuplée, impéritie de l’opérateur Tepco….).
Mais faut-il vraiment s’étonner d’un tel montant et peut-on être vraiment assuré que ce scénario catastrophe ne se produira jamais en France ? A ces deux questions, la réponse est malheureusement non. L’histoire récente des catastrophes relevant de l’intervention humaine montre que leurs coûts et leurs conséquences ne font que s’amplifier. Ainsi, Tchernobyl a coûté plusieurs centaines de milliards de dollars et a précipité la faillite de l’Union Soviétique. Dans d’autres registres, les attaques contre le World Trade Center ont déclenché le conflit d’Afghanistan ; l’effondrement de mécanismes de titrisation de crédits « subprime » a provoqué une contagion sur le système bancaire mondial.
Des objets sans contrôle
L’homme invente des machines si complexes qu’il en perd le contrôle. Ces catastrophes si diverses dans leur nature ont de nombreux points communs : un coût humain au niveau local, un coût de nuisances global et un coût psychologique de portée internationale avec de lourds impacts économiques qui dépassent tout ce que les responsables avaient pu imaginer. Elles résultent d’une course au gigantisme et à la technologie qui permet d’élaborer des objets d’une très grande complexité (immeubles de grande hauteur, superpétroliers, A380, EPR…) et de vouloir rechercher une efficacité économique maximum.
Attention, l’idée n’est pas ici de remettre en question les innovations technologiques qui nous offrent la possibilité d’être mieux soigné, mieux éduqué et mieux informé.
Mais plutôt, de rappeler que ces objets hors norme peuvent échapper au contrôle de leurs exploitants. Et l’on s’aperçoit alors que les conséquences sont sans commune mesure avec la fonction et l’utilité initiale de ces objets, allant parfois jusqu’à bouleverser les fragiles équilibres de l’ordre mondial. C’est pourquoi, l’histoire récente nous indique qu’il est ni possible ni raisonnable d’affirmer avec certitude que la France pourrait échapper à une catastrophe de l’ampleur de celle de Fukushima.
Apprendre à vivre avec le risque
Mais s’en lamenter ou appeler à l’arrêt immédiat des centrales nucléaires en France ne résoudra pas le problème. Quelle que soit l’issue de ces débats, si issue il y a, il y aura de toute façon un parc existant de centrales nucléaires à gérer et toute transition vers des solutions moins risquées (comme la transition énergétique vers le renouvelable) sera lente et coûteuse à mettre en place. Se focaliser sur ce débat masque la nouvelle réalité de notre planète : dans un monde de 7 milliards d’habitants de plus en plus urbanisé, il n’est pas économiquement pensable de se passer des dernières avancées technologiques. Mais personne n’est à l’abri de leurs défaillances.
Même si nous choisissons de les écarter car nous ne sommes pas prêts à en supporter le risque, d’autres nations moins regardantes les appliqueront et le risque sera tout aussi présent. Ces catastrophes sont donc inéluctables et leur fréquence va aller en grandissant. Elles font désormais partie de notre modèle et il faut apprendre à vivre avec. Mais pas n’importe comment : d’abord en arrêtant de se mentir en prétendant qu’elles ne peuvent pas se produire chez nous. Ensuite, en imposant aux exploitants de ces objets un niveau de contrôle et d’exigence cohérent avec les conséquences. Enfin, en acceptant d’envisager le pire et d’anticiper les conséquences : à défaut de prévenir le risque, au moins doit-on en limiter les impacts et leurs conséquences.
Publié par Pierre Thouverez
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