La start-up DEESS a remporté le concours d’innovation Octo’pousse organisé par l’Ifremer. En partenariat avec cet Institut, elle va développer une nouvelle technologie pour réaliser des cartes du relief des fonds marins et procéder à l'inventaire de la biodiversité.
Caractériser les fonds marins qui bordent nos côtes est un enjeu important pour mieux connaître les habitats marins et leur biodiversité. Actuellement, la principale technique consiste à faire intervenir un plongeur, muni de bouteilles d’oxygène et d’une caméra, qui va filmer le fond de la mer. Cette méthode présente des limites, car il est difficile d’observer de vastes zones de manière exhaustive et de répéter cette opération à intervalles réguliers. Au final, elle ne répond pas réellement aux besoins croissants de conservation des écosystèmes. Basée à Nice, la start-up DEESS a imaginé une tout autre solution : envoyer un essaim de micro-drones sous-marins pour photographier le fond des mers. Elle vient de remporter le concours d’innovation Octo’pousse organisé par l’Ifremer. L’institut va ainsi apporter des moyens humains, financiers, et matériels pour développer ce projet.
« Dans le fond de la mer, on a peu de visibilité et il est difficile de prendre des photos au-delà de 5 mètres, explique Yannick Penneçot, cofondateur de la start-up. Notre idée est de faire intervenir des micro-drones qui vont prendre des photos entre 3 et 5 mètres du fond. Ils vont se déplacer côte à côte, à environ 4 mètres de distance, et avancer en même temps afin de couvrir de grandes surfaces de manière exhaustive. » Pour positionner ces engins sous l’eau, des drones survoleront la surface de l’eau et auront pour rôle de les guider. Pour cela, ils seront équipés de sonars et vont émettre des ondes acoustiques qui vont se réfléchir sur les micro-drones sous-marins. Ils pourront ainsi les faire avancer à la même vitesse et veiller à ce qu’ils ne dérivent pas à droite ou à gauche, avec le risque de se télescoper. Les micro-drones seront quant à eux capables de savoir à quelle distance du fond marin ils sont positionnés, et pourront s’ajuster automatiquement pour éviter les obstacles liés au relief.
Toutes les photographies prises par les engins sous-marins seront ensuite combinées entre elles pour former une sorte de mosaïque. À l’aide d’un traitement photogrammétrique, une technique de reconstruction numérique en 3D, une carte du relief du fond marin va pouvoir ainsi se dessiner. Et pour identifier les espèces vivantes présentes, des algorithmes d’intelligence artificielle seront utilisés. « Il existe déjà des algorithmes de reconnaissance d’espèce à partir de photos et vidéos, précise Yannick Penneçot. Nous allons les développer avec l’aide de l’Ifremer et notre objectif est de reconnaître de manière automatique tous les organismes benthiques[1] : étoiles de mer, oursins, coquillages… afin de réaliser des cartes de densité d’espèces et d’habitats. Nous pourrons par exemple identifier la posidonie, ce sont ces grands herbiers sous-marins, qui sont d’excellents marqueurs de la biodiversité et de la qualité de l’eau. »
Une centaine de drones sous-marins pour cartographier 1 km² par heure
Dans le cadre du concours de l’Ifremer et en partenariat avec ce dernier, la start-up a 18 mois pour faire la preuve de concept de cette technologie. Son intention est de démontrer la faisabilité de ce dispositif avec 4 à 6 drones sous-marins. Ceux-ci devront être capables de travailler de manière indépendante, sans être pilotés par un humain, et de jumeler la navigation avec de la photogrammétrie. À terme, si cette technologie fonctionne, elle pourrait être déployée à plus large échelle : « on pourrait imaginer faire intervenir une centaine de drones, espacés de 4 mètres et donc avec une fauchée de 400 mètres, et qui avancent à une vitesse de 2,5 km par heure afin de cartographier 1 km² en une heure », détaille Yannick Penneçot.
Dans le futur, ce nouveau dispositif pourrait servir aux biologistes à collecter de plus en plus de données sur les fonds marins pour réaliser des études d’impact environnemental. « Aujourd’hui, si vous voulez implanter des éoliennes quelque part, les technologies existantes ne permettent pas une couverture exhaustive, analyse Yannick Penneçot. Les données sont donc parcellaires, et à un point donné, on peut très bien ne rien observer, alors que 30 mètres plus loin, du vivant est bien présent. Avec une couverture photogrammétrique complète, les biologistes auront une vision exhaustive du fond marin et des décisions éclairées pourront ensuite être prises. Face à une implantation d’infrastructure, on pourra connaître exactement ses conséquences sur l’écosystème. »
[1] Du grec « benthos » qui signifie profondeur, les fonds marins, mais aussi des lacs, des rivières. Les espèces benthiques vivent sur le substrat et dans son voisinage immédiat.
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE