Décryptage

Capteurs pour les véhicules autonomes : entre complémentarité et redondance

Posté le 21 octobre 2021
par Pierre Thouverez
dans Innovations sectorielles

Le développement de véhicules ayant des niveaux d'autonomie de plus en plus élevés oblige les constructeurs à exploiter au maximum les potentialités des capteurs, pour profiter de leur complémentarité et obtenir une redondance des informations collectées.

Les constructeurs automobiles développant des véhicules autonomes ont un but commun : atteindre le niveau 5 d’autonomie, qui correspond à l’autonomie complète. Le conducteur devient alors passager, et n’a plus aucun rôle dans la conduite du véhicule. Nous en sommes encore loin.

Aujourd’hui, les véhicules autonomes de niveau 3 (le niveau 3 correspond à une conduite conditionnellement automatisée) arrivent tout juste sur le marché. Le niveau 4 représente un palier très important pour les constructeurs, car le niveau de complexité devient exponentiel par rapport au niveau 3. Concrètement qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que le véhicule de niveau 4 doit pouvoir gérer tellement de situations diverses que les flux d’informations à générer et à intégrer deviennent de véritables casse-têtes. Cependant, comme pour les niveaux 2 et 3, la R et D relève ces challenges, et au final la question n’est pas de savoir si les véhicules de niveau 4 puis 5 verront un jour le jour, mais plutôt quand.

Les défis sont nombreux : connectivité du véhicule avec son environnement, services, performances des capteurs… cette dernière problématique illustre parfaitement les challenges à relever pour continuer de s’approcher de l’autonomie complète.

Aujourd’hui, trois types de capteurs sont utilisés dans les véhicules autonomes. La plupart de ces capteurs équipent aussi les véhicules classiques d’aujourd’hui, en série, et ont été initialement développés pour l’assistance au freinage ou au parking. Pour se rapprocher de plus en plus du véhicule autonome de niveau 5, les constructeurs doivent continuer à améliorer les performances de ces capteurs, et parvenir à les faire fonctionner ensemble, avec deux mots d’ordre : la complémentarité et la redondance.

Caméras, radars et LiDARs

Les caméras, radars et LiDARs constituent les trois familles de capteurs utilisés pour permettre au véhicule de percevoir le plus fidèlement possible son environnement et prendre les décisions adaptées en termes de conduite et surtout de sécurité. 

Les capteurs caméras, déjà utilisés depuis longtemps pour l’assistance au parking par exemple, ont vu leurs performances exploser ces dernières années. Leur résolution en hausse constante, et leur prix en baisse constante en font aujourd’hui un outil précieux pour développer une « vision » de l’ensemble de l’environnement du véhicule. Pour autant, les caméras actuelles présentent des limites, en particulier en ce qui concerne l’évaluation des distances. Si deux caméras fournissent les informations suffisantes pour évaluer une distance, le niveau de précision nécessaire pour les exigences liées à la conduite autonome ne sont pas réunies, comme l’explique Guillaume Bresson, directeur du domaine véhicule autonome et connecté à l’institut Vedecom : « La vision stéréoscopique permet de mesurer l’éloignement des obstacles, au moins des plus proches, mais il lui faut des textures, elle est mise en défaut par les surfaces uniformes, comme une chaussée bien propre. »

Pour pallier ces limites, les constructeurs ont dû développer l’utilisation d’autres capteurs, dont les performances, complémentaires à celles des caméras, permettent d’obtenir les résultats désirés en termes de précision et de fiabilité de l’information. Ainsi, les capteurs LiDARS, développés depuis plus d’une décennie, et basés sur l’émission de faisceaux lasers, donc de lumière, permettent d’obtenir des résultats probants en deux dimensions, et de plus en plus en trois dimensions, grâce à leurs multiplications sur les véhicules. Le principal inconvénient pendant de longues années du LiDAR était son prix. Aujourd’hui, les performances du LiDAR se sont très nettement améliorées, et son prix baisse, ce qui permet à ce type de capteur de se faire une place de plus en plus importante au sein du véhicule autonome. Cela dit, comme nous venons de le voir pour les caméras, les liDARs, même boostés par l’innovation, présentent des limites en termes de performances, ce qui oblige les constructeurs à les associer à d’autres capteurs pour obtenir une information fiable. Par exemple, le LiDAR va présenter des lacunes pour ce qui concerne la captation d’informations par temps de pluie, de neige ou de brouillard. On touche ici du doigt l’importance de la complémentarité entre les technologies, qui permet de combler les faiblesses de l’une d’entre elles, dans des cas spécifiques.

La redondance de l’information permet d’assurer la fiabilité de l’information

Le troisième type de capteur utilisé dans le véhicule autonome est le radar, une technologie ancienne et aujourd’hui très bien exploitée. Il va, pour revenir sur les lacunes du LiDAR, être opérationnel et pleinement efficace par temps de pluie ou de brouillard. Par contre, le radar aura une résolution bien inférieure au LiDAR.

LiDARS, caméras et radars sont donc indispensables au développement d’un véhicule autonome fiable de par leur complémentarité… mais également parce qu’ils apportent une redondance à l’information. En effet, et il s’agit là d’une problématique majeure dans le développement du véhicule autonome, il est indispensable, en cas de panne ou de dysfonctionnement d’un capteur, que le système opérant le véhicule puisse continuer à fonctionner normalement. Aussi, et c’est là l’objet principal de la redondance de l’information, il arrive que des capteurs ne soient pas d’accord : sur l’identification d’un objet par exemple. Dans ce cas, le fait d’avoir plusieurs capteurs permet de mettre en place un système où, dans le cas où deux capteurs sont en désaccord, un troisième vient trancher la décision. Si ces systèmes sont toujours en développement, on imagine facilement la difficulté, en termes de sécurité, de mettre en place ces systèmes de prise de décision mêlant plusieurs capteurs, et fournissant une quantité astronomique de données à intégrer et à interpréter par le système de navigation du véhicule. C’est tout l’enjeu derrière le développement du niveau 4 d’autonomie du véhicule autonome.

Par Pierre Thouverez


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