Les performances de l’informatique quantique donnent le tournis. Grâce à l’ordinateur quantique D-Wave 2X, la Nasa et Google seraient parvenus à atteindre des vitesses de calcul 100 millions de fois plus rapides que les ordinateurs classiques.
Mais cette puissance de calcul ne signifie pas pour autant la mort de l’informatique «classique», ni même des supercalculateurs. Le calculateur quantique doit être vu comme un coprocesseur qui accélérera certains calculs bien spécifiques.
Dans des cas précis, « le gain de temps sera exponentiel (passage de plusieurs milliers d’années à quelques heures), rendant accessibles certains calculs irréalisables en pratique à ce jour », peut-on lire dans le rapport « Quantique : le virage technologique que la France ne ratera pas », remis au gouvernement début janvier dernier(1).
Des gains d’efficacité substantiels
Mais au-delà de ces prouesses, quelles pourraient être les premières applications ? L’un des premiers secteurs qui devraient en profiter est la chimie. Même avec les plus puissants ordinateurs actuels, l’étude des molécules produit d’importantes approximations. C’est encore plus vrai dès que la taille du système étudié augmente.
Des calculs quantiques pourraient entraîner un changement de paradigme dans la chimie moléculaire et les domaines connexes tels que les processus de fixation de l’azote, la conception de médicaments, l’élucidation des mécanismes catalytiques des enzymes, etc.
De nouveaux procédés chimiques présenteraient des gains d’efficacité substantiels. Par exemple, « l’élaboration d’un nouveau catalyseur pour la fabrication d’engrais pourrait potentiellement permettre de réduire de 5% la consommation énergétique mondiale », découvre-t-on dans le rapport « Quantique : le virage technologique que la France ne ratera pas ».
Mais des défis majeurs restent à relever. C’est le cas du développement d’algorithmes quantiques pour la résolution de problèmes chimiques considérés comme insolubles pour les ordinateurs classiques.
Comprendre les mutations des protéines
Autre domaine pour lequel l’informatique quantique présente un grand intérêt : la biologie. Une étude menée en Californie (2) a démontré comment un processeur quantique pouvait être utilisé comme outil de prédiction pour évaluer un processus fondamental en biologie : la liaison des protéines régulatrices des gènes au génome.
C’est l’un des premiers exemples dans lequel un calculateur quantique (en l’occurrence le D-Wave 2X) s’est appuyé sur des données biologiques réelles. Une connaissance plus précise de la transcription de l’ADN et de la formation des protéines est essentielle pour que les scientifiques parviennent à mieux comprendre comment les mutations des protéines conduisent à la maladie.
Le calcul quantique pourrait être utilisé pour modéliser les réactions chimiques à l’échelle moléculaire afin de prédire avec plus de précision l’interaction protéines-médicaments. Cette meilleure compréhension et détection mèneraient à de nouvelles méthodologies pharmaceutiques qui accéléreraient la mise sur le marché de médicaments personnalisés.
Logiquement, le troisième domaine qui pourrait tirer profit des calculateurs quantiques est la médecine. Les chercheurs passent en moyenne 12 ans à comparer les interactions et les effets de différents médicaments sur une série de maladies afin de déterminer le meilleur médicament. Ce processus pourrait être considérablement raccourci grâce aux ordinateurs quantiques.
Différents partenariats ont été signés entre des laboratoires pharmaceutiques et des éditeurs de logiciels quantiques. Ainsi en juin dernier, Merck annonçait un partenariat de trois ans avec la start-up HQS Quantum Simulations basée à Karlsruhe en Allemagne pour le développement d’algorithmes quantiques de simulation chimique.
Des matériaux disruptifs
Enfin, le calcul quantique pourrait être aussi utilisé pour découvrir plus rapidement de nouveaux matériaux disruptifs dans plusieurs secteurs économiques. Il pourrait permettre également d’accélérer la résolution de problèmes d’optimisation complexes, notamment pour la distribution d’énergie, contrôle et reroutage du trafic, et la planification des tâches.
Même si la recherche fondamentale dans le domaine de l’informatique quantique a connu un essor important cette dernière décennie, il reste encore d’importants défis à relever (problèmes de décohérence et de complexité, corrections des erreurs…).
- (1) Rapport remis par Paula Forteza, Députée des Français d’Amérique latine et des Caraïbes, Jean-Paul Hertaman, Président d’Honneur du GIFAS, Président-directeur général, du Groupe SAFRAN, et Iordanis Kerenidis, Directeur de recherche au CNRS.
- (2) Étude de l’USC Center for Quantum Information Science & Technology de la Viterbi School of Engineering et de l’USC Dana and David Dornsife College of Arts.
Cet article se trouve dans le dossier :
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