Selon l’Institut de veille sanitaire, 480 000 personnes en France seraient en détresse psychologique au travail et le burn-out en concernerait 7 %, soit 30 000. Considérée par l’OMS comme un syndrome lié à un stress chronique au travail et non pas une maladie, cette détérioration de la santé psychique n’est pas sans répercussion.
Elle a en effet des impacts forts sur la santé physique. Les personnes en détresse psychologique ont deux fois plus de risque de déclarer un problème somatique. Ainsi, 40 % des personnes interrogées font part de troubles du sommeil (+5 % en un an), selon la 7e édition du baromètre Empreinte Humaine, spécialiste de la prévention des risques psychosociaux, réalisée du 30 avril au 10 mai 2021 auprès de 2 007 personnes.
Des résultats biaisés
L’un des éléments clés de la prévention du burn-out est la rapidité avec laquelle il est détecté et donc traité. Divers signes avant-coureurs, tant émotionnels (irritabilité, émotivité accrue…) que physiques (douleurs et troubles divers, malaises, manque de sommeil), mais aussi des difficultés de concentration et des pertes de mémoire doivent être repérés le plus vite possible pour alerter la personne et son entourage.
Actuellement, ces signaux d’alerte sont détectés via des tests psychologiques dans lesquels les patients remplissent un questionnaire à choix multiples. L’un des plus connus est le « Maslach Burnout Inventory », composé de 22 questions réparties en trois catégories : épuisement professionnel, dépersonnalisation/perte d’empathie et évaluation de la performance personnelle.
Exemple de question-réponse type : « Je me sens à bout à la fin de ma journée de travail : jamais / quelquefois / chaque jour ». Certaines personnes n’osent pas cocher les réponses « jamais » et « chaque jour » ou alors sont tentées de mentir pour influencer les résultats.
L’utilisation de méthodes de traitement du langage naturel (NLP) a le potentiel d’atténuer les limites de cette détection. Mascha Kurpicz-Briki, professeure en ingénierie des données à la Haute École Spécialisée Bernoise à Bienne en Suisse, et son équipe de scientifiques soutenus par le Fonds national suisse (FNS) ont mis au point une méthode basée sur l’analyse automatique de textes.
93% des cas de burn-out ont été détectés
Cette équipe a analysé de façon anonyme des textes issus de Reddit. Il s’agit d’un agrégateur d’actualités sociales, c’est-à-dire un mélange entre une plate-forme de discussion et un diffuseur de liens, qui est divisé en forums, les « subreddits ».
Bien qu’il existe un subreddit dédié au burn-out, le nombre d’entrées a été considéré par les Suisses comme étant trop faible pour fournir un ensemble de données suffisamment volumineux. L’équipe a donc ajouté des textes provenant de forums thématiques variés. Et le résultat a été impressionnant : leur méthode a identifié correctement 93 % des cas de burn-out.
Pour atteindre ce résultat, l’équipe a d’abord classé les extraits de texte récoltés. Ceux des fils de discussion sur le burn-out ont été classés manuellement, afin d’exclure ceux où le burn-out faisait référence à autre chose. Les textes provenant d’autres fils de discussion, non liés à la santé mentale, ont été étiquetés comme n’étant pas liés au burn-out.
Sur la base de ces exemples, elle a entraîné plusieurs modèles. Chacun utilisait différentes configurations pour déterminer si un texte (jamais vu par le modèle) contenait des indications sur le burn-out ou non. Ces modèles ont ensuite été mis en commun dans le cadre de la méthode de diagnostic qui s’est donc révélée très efficace.
L’équipe suisse précise cependant que la collaboration d’experts en IA et d’experts médicaux reste indispensable pour vérifier les conclusions de cette étude sur des cas réels de burn-out et sur un échantillon représentatif de la population.
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