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Brexit : Londres saura-t-elle retenir start-up et géants de la tech ?

Posté le 30 juin 2016
par Sophie Hoguin
dans Informatique et Numérique

Après le « Oui » à la sortie de l'Union européenne, l'incertitude est le maître mot pour de nombreux pans de l'économie britannique. Aux premières loges, les acteurs monde de la tech s'interrogent sur la pertinence de rester à Londres ou de migrer vers Berlin ou Paris.

Évidemment avec ses trentenaires europhiles, la tech anglaise n’a pas voté en faveur du Brexit. La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne ayant été surtout approuvée ce jeudi 23 juin par des Anglais de plus de 60 ans. Maintenant, reste à se positionner dans une nouvelle donne financière, réglementaire et administrative  que personne ne peut encore prévoir. Et de longs mois de négociations seront nécessaires pour savoir de quoi demain sera fait. Une incertitude que les investisseurs n’aiment pas en général.

Start-up : Londres, première place d’investissement en Europe

En Europe, Londres est de loin la première place européenne pour le développement des start-up. Sur ces trois derniers mois, l’incertitude liée au Brexit a déjà ralenti certaines décisions d’investissements et diminué les levées de fonds. Cependant, beaucoup d’acteurs restent confiants dans le dynamisme et l’attractivité de la capitale britannique. Ainsi, Albin Serviant, coordinateur de la French Tech Londres et PDG d’Easyroommate, dans une interview à L’Usine digitale, rappelle : A Londres, « l’écosystème est très compétitif mais cela tire tout le monde vers le haut et Londres sera toujours le meilleur endroit pour se préparer à attaquer le marché américain. On ne vient pas au Royaume-Uni pour la sécurité… ». Et si certains fonds vont hésiter, d’autres ont d’ores et déjà renouvelé leur confiance tel Partech Ventures (fonds d’investissement transatlantiques avec des bureaux à Paris, San Francisco et Berlin), qui a annoncé dès le 23 juin, qu’il continuerait d’investir à Londres, où ils ont investi ces douze derniers mois autant qu’aux États-Unis et plus que dans n’importe quel autre pays d’Europe.

Les fonds européens iront ailleurs

Le problème du financement se pose aussi et surtout pour tous ceux qui profitent de la manne européenne (programme Horizons 2020, plan Junker ou tout simplement la banque d’investissement européenne). La continuité de leur financement pourrait être soumise à une obligation de déménager sur le territoire de l’Union. Enfin, pour ce qui est de lancer une start-up, les écosystèmes du continent devraient devenir plus attractifs grâce à leur très nombreuses solutions financières d’amorçage en provenance des États complétés par des fonds européens.

Délocaliser en dur ou… en virtuel ?

Beaucoup de pays continentaux ont déjà préparé l’offensive. En premier lieu, l’Allemagne qui espère bien voire migrer nombre d’entreprises de la fintech de Londres vers Francfort. Et dont la ville de Berlin, en la personne de Cordelia Yzer, sa sénatrice chargée de l’économie et des technologies, s’est déjà vanté de posséder l’écosystème idéal pour accueillir les start-up du numérique et qui a lancé un « You’re welcome » à tous les jeunes britanniques qui voudraient émigrer. Pour beaucoup, ce sont surtout les investissements futurs qui vont être repensés. Et là, Londres sera donc en concurrence avec d’autres places montantes : Berlin, Paris, Dublin, Milan ou encore Stockholm.

Enfin, reste l’option de l’e-délocalisation. Une solution évoquée par le journaliste Rory Cellan-Jones dans un article de la BBC : une e-résidence en Estonie pour rester au Royaume-Uni et avoir ses entrées dans l’Union. Un site internet dédié au sujet et dont la fréquentation aurait décuplée dans les jours suivants le référendum !

Où iront les jeunes talents ?

Londres, comme d’autres écosystèmes liés à l’essor du big data, de l’intelligence artificielle et du numérique en général fait face à une pénurie d’ingénieurs : près d’un tiers des employés viendrait d’Europe continentale. La redéfinition inévitable du système de permis de travail et de visas ne devrait pas faciliter ce recrutement. Sans compter la dévaluation de la livre sterling qui sera aussi un argument en moins pour attirer les jeunes talents que tout le monde s’arrache.

Quid du marché digital unique ?

Un autre souci pour la tech et le numérique, c’est l’exclusion des britanniques de la réflexion sur le marché digital unique (digital single market) qui est en train d’être construit au sein de l’UE. Hormis les anglais et quelques pays du Nord, la plupart des pays continentaux militent pour une Europe du numérique très contraignante concernant la protection des données personnelles, la fiscalité et la concurrence. Les Anglais, s’ils veulent accéder au marché de 500 millions de personnes de l’UE devront dans tous les cas s’y plier mais ils n’auront plus leur mot à dire dans les négociations.

Alors Brexit or not Brexit ?

Reste que le gouvernement anglais traîne des pieds pour entériner officiellement la demande des urnes et cherche manifestement comment faire machine arrière et désavouer ce vote qui, en réalité, embarrasse la majorité des acteurs économiques et politiques Outre-Manche. Réponse à la rentrée avec le nouveau gouvernement du Royaume-Uni ?

Dublin, le double, low-cost, de Londres

Du côté des géants du web (Twitter, Microsoft, Google, Facebook, Apple), la problématique est un peu différente. Cela fait longtemps qu’ils ont dédoublés leurs structures : un pied en Irlande (Dublin ou Cork pour Apple) afin de profiter de la fiscalité irlandaise très avantageuse et un pied à Londres pour la proximité de tout l’écosystème technico-financier. Leur plus grosse inquiétude serait plutôt de perdre la possibilité d’un lobbying direct à Bruxelles via les représentants britanniques pour défendre un Internet dérégulé, sur le modèle américain. Mais dans cette nouvelle donne, on voit bien que Dublin, pourrait devenir un Hub encore plus important pour d’autres entreprises plus petites mais dont les impératifs financiers les obligent à rester sur le territoire de l’Union européenne.

Par Sophie Hoguin


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