El Alto
C’est sur un terrain de 15 hectares, situé dans la localité de El Alto, que sera construit « le plus grand centre nucléaire de toute l’Amérique du sud », assure Wilerema Alacona, chef de ce projet. Estimée à 300 millions de dollars (272 M€), l’installation dédiée à la recherche et à la santé, sera construite avec l’aide de la compagnie russe Rosatom. Le projet est supervisé par le Dr Silverio Chávez directeur de l’Instituto Boliviano de Ciencia y Energía Nuclear (IBTEN), qui a réalisé son cursus nucléaire en France, à Paris puis Grenoble. S’il est encore trop tôt pour savoir s’il sera effectivement le plus grand centre nucléaire du continent, il est en revanche certain que, juché à 4 000 mètres d’altitude, il sera le plus haut. Il aura également l’inconvénient d’être à côté de l’aéroport international et très proche (15 km) du centre de la capitale La Paz, ce qui n’est pas sans poser quelques questions de sécurité…
Grands projets
Pourquoi ce petit pays coincé dans les Andes, en queue de peloton des nations sud-américaines en terme de développement, se lance-t-il dans une telle aventure ?
Avant tout, sous l’impulsion de son président, Evo Morales, qui a décidé de lancer une politique de grands projets pour redorer l’image du pays et le projeter dans le XXIème siècle. Le nucléaire civil, est l’un d’eux. Les télécommunications sont l’autre pilier de la stratégie présidentielle. Très isolé, le pays a compris que les nouvelles technologies pourraient plus rapidement le sortir de son isolement. C’est pourquoi La Paz a acheté à Pékin le satellite de télécommunications Túpac Katari. Il a été mis en orbite depuis la Chine le 20 décembre 2013. En aval, le gouvernement a créé l’entreprise publique Quipus, dédiée à la fabrication d’ordinateurs et de téléphones portables. La Bolivie est en effet l’un des principaux producteurs de silicium, matière indispensable à la fabrication de ces appareils. Cette politique doit permettre au pays de diversifier une économie tournée essentiellement vers les matières premières.
Diversification
L’économie bolivienne est très largement dépendante de l’exploitation des matières premières (gaz naturel, pétrole et minerais). Elles représentent près de 90% des exportations du pays. De fait, il a longtemps été l’objet de la malédiction des Etats rentiers qui se caractérise par des taux de corruption et d’inégalité très élevés. A l’image de la plupart des pays sud-américain, la Bolivie a basculé à gauche dans les années 2000, avec l’arrivée au pouvoir en 2006 d’Evo Morales, premier amérindien à occuper un tel poste. Il s’engage à réduire la pauvreté par des programmes sociaux très populaires qui lui permettront de se faire réélire à deux reprises (2010, 2014). Il engage aussi ces fameux grands projets destinés à diversifier l’économie du pays andins et à réduire sa dépendance. Une tâche difficile et longue.
Chute des cours
La Bolivie peut s’appuyer sur un taux de croissance relativement élevé (entre 4 et 5% par an), des réserves de devises importantes et une inflation sous contrôle. Pour autant, la chute des cours du pétrole, du gaz et des matières premières en général a largement impacté la balance commerciale du pays. Elle est devenue négative en 2015 pour la première fois depuis 12 ans. Reste à savoir si le pays aura les moyens de ses ambitions si les cours restent durablement bas. L’expérience montre en effet qu’il est politiquement plus acceptable de retarder ou d’abandonner des projets plutôt que de couper dans les aides sociales. Il reste à Evo Morales 4 ans de présidence pour faire avancer ces dossiers, les électeurs ayant rejeté par referendum sa candidature à un quatrième mandat.
Romain Chicheportiche
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