En France, près de 53,8 millions de pneus ont été mis sur le marché en 2021 selon l’Ademe. La même année, seules 572 000 tonnes ont pu être traitées et en majorité pour être revalorisées énergétiquement ou dans des cimenteries. Le recyclage représente seulement 36 % des traitements. Afin de rendre circulaires les pneus en fin de vie, le fabricant Michelin, en partenariat avec douze autres entreprises, lançait en mai 2020 le consortium européen BlackCycle. Cette initiative est financée par l’Union européenne dans le cadre du programme Horizon 2020, à hauteur de 12 millions d’euros, sur un total de 16 millions d’euros.
L’objectif de ce projet est de mettre en place une économie circulaire autour des pneumatiques en Europe, depuis la collecte jusqu’au réemploi dans des pneus neufs. D’ici à cinq ans, les partenaires souhaitent qu’un pneu en fin de vie sur deux soit intégré dans une nouvelle chaîne de valeur circulaire. Le programme, d’une durée de 44 mois, se terminera en 2023 et devrait pouvoir valider une technologie de pyrolyse d’un TRL 6-7.
Un procédé complexe
L’objectif du projet BlackCycle est de remplacer certaines des matières premières des pneumatiques par des alternatives issues du recyclage. Pour comprendre comment recycler un pneu, déjà faut-il apercevoir toute la technicité que cet objet requiert. Les matières qui le composent sont étudiées de manière à adapter l’usure, la résistance, l’adhérence ou l’élasticité à la partie correspondante.
Lorsque les roues sont collectées, les pneus sont démembrés pour en séparer les différents éléments tels que les métaux, les tissus ou la gomme. Cette dernière est réduite en morceaux qui seront ensuite dépolymérisés par une pyrolyse à des températures supérieures à 400°C. À la fin du processus, trois fractions sont obtenues : du gaz, de l’huile et une partie solide. Le gaz sera condensé, et en partie réutilisé pour alimenter le process en énergie. Le reste sera revendu à des partenaires. L’huile, quant à elle, contient un mélange des différents noirs de carbone du pneu ainsi que divers minéraux tels que la silice ou l’oxyde de zinc. L’objectif du consortium est de parvenir à utiliser cette huile de pyrolyse comme matière première dans la production de noir de carbone. Une innovation puisque personne auparavant ne s’était intéressé de si près à son recyclage.
Focus sur le noir de carbone
Mais qu’est-ce que le noir de carbone ? Ce matériau sert de charge renforçante (composée de carbone et d’hydrogène ou même d’oxygène, de soufre ou d’azote) qui permet d’augmenter la résistance mécanique de la gomme d’un pneu. Caractérisé par de très fines particules sphériques, il va se lier aux élastomères de la gomme afin de consolider la matrice. À chaque partie du pneu correspond un noir de carbone spécifique, indispensable pour atteindre les performances recherchées. Par exemple, les flancs doivent être capables de supporter la fatigue tout en limitant la résistance au roulement ; la bande en contact avec la route devra résister à l’usure tout en ayant un niveau d’adhérence irréprochable. Toutes ces variations techniques sont apportées par des noirs de carbone spécifiques.
En 2021, le consortium avait annoncé qu’il avait réussi à produire son premier noir de carbone durable, baptisé « Recovered Carbon Black » et fabriqué à partir d’huile pyrolitique de pneus en fin de vie à l’échelle du laboratoire. Un an plus tard, une autre étape est franchie : c’est cette fois à l’échelle de plusieurs tonnes que ce matériau est produit. Il a ensuite été intégré dans la bande de roulement d’un pneu d’autobus Michelin et a remplacé 100 % du noir de carbone conventionnel (fossile). D’après BlackCycle, ce noir de carbone obtient les mêmes propriétés que celui issu de matières fossiles.
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