Médecine et biotechnologies sont aujourd’hui à un tournant : innovation, éthique, principe de précaution… alors que ces domaines de recherche sont les plus porteurs pour le futur, leurs modèles actuels doivent évoluer.
La bio-industrie consiste en une nouvelle filière industrielle indissociable de l’innovation scientifique et intellectuelle. En effet, la bio-industrie et les biotechnologies représentent le marché le plus porteur de croissance pour les cent prochaines années, dans la mesure où elles vont révolutionner le secteur de la santé. Un des enjeux essentiels a trait à la brevetabilité du vivant, pour la médecine du futur. Ainsi, grâce à la recherche génétique, les nouvelles thérapies offrent des perspectives d’espoir, mais il convient de se demander jusqu’où nous souhaitons aller. Cette question doit être traitée par les législations nationales.
L’enjeu économique est également majeur : le secteur de la santé est l’un des plus importants au niveau de l’économie mondiale. Les biotechnologies permettent ainsi de relier la communauté scientifique et le monde économique, qui avaient eu tendance à s’éloigner.
En outre, les grandes entreprises de la santé ont changé d’attitude, en externalisant de plus en plus leur politique de recherche. Ceci est en partie lié au coût de développement d’un médicament, qui s’étalonne entre 500 et 800 millions de dollars et dure une dizaine d’années.
Externaliser la recherche
La mondialisation a ainsi donné lieu à de gigantesques fusions et les entreprises pharmaceutiques sont devenues d’immenses outils de marketing pour la mise sur le marché de nouveaux médicaments, mais elles ne constituent plus la source de l’innovation et de la recherche. Elles sont donc conduites à trouver les innovations dans les laboratoires de recherche sur les biotechnologies.
Dans la mesure où les entreprises de biotechnologies se développent à partir de la recherche publique, il existe également un processus d’aide gouvernementale.
Il convient de noter que la création et le développement des entreprises de biotechnologies ont été accompagnés par un nouveau modèle économique d’origine américaine, fondé sur l’initiative.
En effet, l’esprit entrepreneurial est à l’origine de ce développement : un étudiant américain sur deux qui sort de l’université a envie de créer son entreprise. En outre, la facilitation du transfert de technologies est primordiale : les organismes publics de recherche français ont désormais mis en place des nouveaux outils pour accélérer ce transfert de technologies et favoriser la création de valeur.
Investir davantage ne suffit plus !
En Europe, les biotechnologies ont émergé vers 1995, grâce à un changement de mentalité et à la prise de conscience des institutions européennes et des différents pays d’un nécessaire transfert de technologies. Malgré la multiplication d’entreprises de biotechnologie en Europe, elles demeurent deux fois moins nombreuses qu’aux Etats-Unis et emploient nettement moins de salariés. Néanmoins, de plus en plus de produits sont actuellement en phase de test et contribuent ainsi à faire de ce secteur un secteur d’avenir.
Les seules statistiques sur le secteur des nouvelles technologies sont publiées par le cabinet Ernst &Young et remontent pour l’Europe à l’année 2001. Le marché leader était alors le Royaume-Uni, à présent dépassé par l’Allemagne en terme de nombre d’entreprises, grâce à un programme gouvernemental fédéral lancé en 1995.
Le fondement même de la nouvelle économie est appelé le « réseau social » ou social network. Les principaux facteurs clés de succès permettant les conditions de création de valeur grâce à un potentiel scientifique sont les suivants :
- la présence de grandes entreprises du secteur sur un territoire géographique délimité ;
- l’existence d’un fort potentiel au niveau de l’enseignement supérieur, de la recherche et d’un environnement clinique et médical important ;
- un environnement économique favorable.
Les entreprises pharmaceutiques ont donc besoin d’innover très rapidement
On le sait les coûts de développement des nouveaux produits pharmaceutiques ou biotechnologiques sont faramineux : 1,3 milliard selon l’industrie du médicament. Ce coût a cru de façon exponentielle durant ces 20 dernières années. Pour autant, le nombre de médicaments lancés sur le marché n’a pas suivi cette pente ascendante. Il est même resté stable. Il y a ainsi une diminution drastique du ratio entre le nombre de nouvelles molécules et les dépenses en R&D. En effet, en 1996, on comptait environ 52 nouvelles molécules pour une dépense totale de R&D de 17 milliards de dollars contre 20 nouvelles molécules pour 50 milliards de dollars en 2008. Fait à noter, les petites entreprises de biotechnologies ont mis au point davantage de produits que les entreprises pharmaceutiques.
Selon un rapport de « Burrill & Company » portant sur les biotechnologies et les sciences de la vie, la stratégie de fusion / acquisition des entreprises pharmaceutiques n’a pas eu l’effet escompté sur l’innovation. Le terme « échec » est même prononcé. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Réalisée à partir des données de 17 groupes pharmaceutiques les plus actives sur le marché des F&A, l’étude indique que les acquisitions de ces groupes s’élevant à un total de 1,57 trillion de dollars dans les années 2000 sont désormais estimées à 1,041 trillion (chiffres 2010). De plus, en retranchant les 420 milliards en acquisition durant l’année 2010, l’estimation retombe à 1 trillion. Soit une dévaluation de 570 milliards.
Les tendances ne vont pas à la faveur des sociétés pharmaceutiques. Premièrement, la concurrence entre les médicaments de marque et les médicaments génériques devient de plus en plus rude puisque d’une part les brevets des blockbusters arrivent à expiration. Secondement, le législateur et les organismes de remboursement des médicaments tendent à favoriser les médicaments génériques. De surcroît, le cadre réglementaire désormais plus rigoureux n’est pas à la faveur du lancement de nombreux produits sur le marché.
Plusieurs stratégies ont été mises en oeuvre :
- Celles qui permettent de réduire les coûts de recherche comme l’externalisation des unités de recherche, ou les collaborations avec les universités.
- Celles qui consistent à acquérir des entreprises pharmaceutiques (Merck-SheringPlough ou Pfizer/Wyeth) ou biopharmaceutiques (Sanofi/Genzymes) afin de compléter les portefeuilles de produits nouveaux.
- Celles qui consistent à mettre la priorité dans des domaines clés de recherche (cancer, diabète par exemple) : stratégie clairement affiché de Pfizer qui souhaite réduire de ¬ ses dépenses de R&D.
Aucun résultat probant n’a été observé jusqu’à maintenant. Elias Zerhouni, responsable de la R&D à Sanofi l’indique sans détour : « il est nécessaire de repenser les stratégies et orientations jusqu’alors mises en place ». De nouvelles orientations stratégiques sont donc envisagées : En partant du constat que l’acquisition des entreprises de biotechnologie n’apportait pas de résultats probants, les têtes dirigeantes ont pris du recul et consenti que l’environnement de travail importait beaucoup. Ces dernières souhaitent ainsi garder en l’état les entreprises acquises c’est-à-dire qu’ils souhaitent préserver la culture innovante des petites start-ups. De cette volonté émerge l’idée de créer des petites unités de recherche, spécialisée et indépendantes de la société mère.
L’ « Open innovation » ou le modèle d’innovation ouverte
Pfizer avait déjà lancé son centre d’innovation ouverte en 2010, le « Global Center for therapeutic Innovation » à Cambridge à l’instar de Proctor & Gamble dans le secteur des produits de grande consommation. Ce centre rassemble des équipes académiques et industrielles.
Maintenant, c’est au tour des dirigeants de Astrazeneca qui pensent regarnir leur portefeuille. Ils estiment que, d’ici 2014, 40 % de leurs produits feront l’objet de recherche extérieure. De plus, pour stimuler les chercheurs, ils souhaitent les gratifier en fonction de leurs travaux.
Biogen Idec, quant à elle, compte aussi utiliser cette stratégie d’innovation ouverte pour la découverte de nouvelles molécules. Preuve que l’industrie pharmaceutique est dans une phase de réflexion profonde, le nouveau CEO de Biogen Idec, Georges Scangos remet même en question l’utilité du fonds de capital-risque que possède la société (celle-ci se monte à 100 millions de dollars). Celui-ci envisage de davantage investir ce fonds dans la recherche (collaboration avec les universités…).
Sanofi a également exprimé sa volonté avancée de se lancer dans l’innovation ouverte. Enfin, GSK a récemment mis en place un portail dédié à l’innovation ouverte dans sa division « produits de consommation ». Il s’agit ici plus d’une stratégie de développement que de recherche de nouveaux produits par l’utilisation des nouveaux médias sociaux.
L’industrie pharmaceutique est en perpétuel mouvement (orientation de recherche, changement de stratégie, changement des têtes dirigeantes…). Les enjeux y sont grands : cette industrie, estimée à 850 milliards de dollars par an, a tout intérêt à se renouveler et innover afin de garder le cap dans ces périodes difficiles (brevets, réglementation, recherche peu innovante).
P.T
Sources : Insee, bulletins-électroniques, recherche.gouv.fr, Ademe.
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