Depuis 13 ans vous présentez un panorama du secteur innovant des sciences de la vie en France. Quel est le périmètre de ce secteur ? A-t-il évolué ?
Là où il y a encore 10 ans, on ne comptait presque que des TPE, aujourd’hui, c’est beaucoup de PME et nombre d’entre elles devraient devenir des ETI.
Les pouvoirs publics soutiennent-ils activement ces entreprises innovantes ?
Pierre-Olivier Goineau : Oui, énormément. A la fois via la création de fonds, surtout pour l’amorçage, qui permettent à de nombreuses start-up de voir le jour mais aussi via des efforts pour structurer le secteur : création de pôle de compétitivité, société de valorisation de la recherche, mises en place de passerelles public-privé. L’importance prise par nos entreprises se traduit par exemple par la présence à la BPI (banque publique d’investissement, ex-Oséo) d’experts qui sont dédiés à nos métiers.
Comment se situent les entreprises françaises au niveau international ?
Pierre-Olivier Goineau : Depuis 2-3 ans, nos innovations sont réellement reconnues comme étant du plus haut niveau donc l’internationalisation est très rapide. Sur le terrain cela se traduit par des coopérations avec des universités étrangères ou par une présence importante de filiales notamment nord-américaines. Une tendance qui n’est pas sans poser la question d’un financement français privé plus important.
Les Français n’investissent pas assez dans les entreprises de biotech ?
Pierre-Olivier Goineau: Notre modèle économique est hyper-globalisé. Le carburant premier de nos entreprises, c’est le capital. Et il peut venir du monde entier. En France, pour débuter nous avons le soutien de structures telles que la BPI et il est facile de créer une start-up pour 2-3 ans mais quand il faut refaire un tour de table pour 10-20 millions supplémentaires, là, il y a carence. Aucun acteur privé ne veut investir. On s’aperçoit alors que les capitaux viennent de l’étranger ou d’une introduction en bourse, parfois trop précoce. Il faut savoir que nous intéressons beaucoup les investisseurs étrangers car nos entreprises sont très peu chères – de l’ordre de 10 fois moins qu’une entreprise équivalente aux USA. Mais il y a un risque majeur pour l’économie française d’investir dans la filière et de ne pas en récolter les fruits. Car si les capitaux viennent d’ailleurs, le centre de décision risque de se déplacer aussi et au moment où l’entreprise va employer des ingénieurs de manière plus massive, les emplois créés vont l’être hors de France.
Avez-vous des propositions pour améliorer l’appel de fonds privés ?
Pierre-Olivier Goineau : oui et nous les avons présentées au Gouvernement. Il s’agit par exemple de prélever 1% des 120-140 Md€ de l’assurance-vie pour le transférer vers les entreprises de la vie. Actuellement, j’anime une réflexion pour trouver une solution franco-française voire européenne via le plan Junker par exemple. Il est essentiel pour notre filière que les grands de la finance, les banques et les assureurs reviennent dans le jeu.
Quel conseil donneriez-vous à un jeune scientifique qui veut lancer son entreprise de biotech ?
Pierre-Olivier Goineau : Les jeunes qui veulent se lancer doivent être conscients d’une chose : soit on a l’ambition d’être le meilleur mondial, soit il vaut mieux renoncer. Nous sommes un secteur exigeant où il n’y pas de demi-mesure possible : il faut être le premier à déposer le brevet et prévoir tout de suite une stratégie mondiale de conquête. Par le passé des entreprises trop prudentes, trop timorées ont échoué à cause de ça. Aujourd’hui, les créateurs d’entreprises ont la chance d’être mieux conseillés et accompagnés et peuvent profiter de l’expérience de leurs prédécesseurs au sein de notre association, des cellules de valorisations ou par divers autres dispositifs.
Quelles sont actuellement les innovations qui induisent les plus grandes ruptures ?
Pierre-Olivier Goineau : Je pense que ce sont celles qui touchent à la santé, notamment la e-santé, c’est-à-dire tous les moyens de transfert d’information à partir de dispositifs médicaux. Outre l’aspect purement technologique lié aux dispositifs eux-mêmes ou aux supports de traitements des données, l’arrivée de ces innovations chamboulent le rôle des experts médicaux, le parcours de soin et le statut des patients et posent de nombreuses questions éthiques. En termes d’emplois cela devrait ouvrir des perspectives pour les statisticiens, informaticiens et experts des nouvelles technologies dans les laboratoires et les hôpitaux.
Y-a-t-il d’autres secteurs porteurs ?
Pierre-Olivier Goineau : On pourrait aussi parler des cleantech. En France, on peut compter sur une bonne dizaine de sociétés innovantes (autour des algues, de l’analyse de l’eau, de la dépollution des eaux et des sols) qui font face à des géants qui ont une faible capacité de R&D pour trouver des technologies disruptives (comme nous dans la pharmacie). On voit alors naître des accords de licence et de distributions. Leur chance, c’est que le besoin en capitaux est moindre.
Propos recueillis par Sophie Hoguin
Dans l'actualité
Dans les ressources documentaires