La filière bioéthanol promeut le carburant SP95-E10 depuis de nombreuses années. Elle se réjouit de la percée toujours plus grande de ce carburant. Et espère profiter de l'homologation des boîtiers flexfuel et des pertes de marché des véhicules diesel pour booster le développement du superéthanol-E85.
La filière l’attendait depuis longtemps, l’essence SP95-E10 pouvant contenir jusqu’à 10 % de bioéthanol est devenue en 2017 la première essence de France. Sur l’année, la part de marché atteint 38,8 %, devant le SP95 (37 %) et le SP98 (23,1 %). En queue de peloton, à 1,3 % des ventes, on retrouve l’E85 qui contient 85 % de bioéthanol. Mais ces répartitions évoluent rapidement.
SP95-E10 : un carburant compétitif pour tous
Désormais, 5.850 stations françaises distribuent ce carburant compétitif. À la pompe, le SP95-E10 bénéficie en effet d’une fiscalité avantageuse et est vendu en moyenne 4,2 centimes de moins que le SP95. Avec une surconsommation de l’ordre de 1 %, la filière estime que le gain net est de 2,8 centimes par litre.
Aujourd’hui, 97 % du parc roulant de véhicules essence est compatible avec le SP95-E10, contre 65 % en 2009. Tous les véhicules essence vendus depuis 2000 sont compatibles.« Au début, il était délicat pour un distributeur de le proposer , mais aujourd’hui le problème ne se pose plus vraiment. rassure Sylvain Demoures, secrétaire général du syndicat national des producteurs d’alcool agricole (SNPAA). Après d’importantes hausses de consommation en 2017, nous estimons que le SP95-E10 dépassera le seuil de 50 % de part de marché des essences dans moins de 2 ans, avec des stations-service de la grande distribution qui devraient remplacer de plus en plus le SP95 par le SP95-E10 ».
Profiter de la perte de vitesse du diesel ?
Le diesel domine encore largement les ventes de carburant en France, avec une part de marché d’environ 80 %. Toutefois, la tendance sur le moyen-terme est bien à la perte de vitesse du gazole au profit des essences. En décembre 2017, les immatriculations de véhicules particuliers essence dépassent enfin celles de véhicules diesel. Elles atteignent 48,7 %, contre 45,4 % pour les véhicules diesel. Le marché des véhicules alternatifs (hybrides, électriques, GPL…) atteint de son côté 5,9 %. La filière du bioéthanol compte donc bien tirer son épingle du jeu.
Et elle a de quoi espérer. Après plusieurs années d’attente, les boîtiers dits « flexfuel » sont enfin en cours d’homologation. Ceux-ci assurent la conversion des véhicules à motorisation essence en motorisation à carburant modulable essence et E85. L’arrêté relatif aux conditions d’homologation et d’installation de ces dispositifs est paru en décembre 2017.
L’âge d’or du flexfuel en préparation ?
En France, on estime que le parc automobile compte déjà près de 32.000 véhicules flexfuel d’origine et 60.000 véhicules munis de boîtiers. Cependant, presque tous les constructeurs ont abandonné la commercialisation de leurs modèles. Golf reste le seul à miser sur la technologie. Mais l’homologation des boîtiers pourrait changer la donne.
La pose des boîtiers se faisait jusqu’à aujourd’hui aux risques des utilisateurs qui pouvaient perdre leur garantie constructeur. Grâce cette nouvelle homologation, la garantie du fabricant du boîtier couvrira désormais les pièces moteurs en contact avec le carburant en cas de problème. Les constructeurs de ces boîtiers, notamment Flexfuel et Biomotors sont en plein travaux pour homologuer leurs boîtiers dans les 8 catégories de véhicules retenus. Les premières homologations devraient être obtenues dès mars 2018, avec pour objectif que toutes les catégories soient couvertes d’ici la fin de l’année. Le marché potentiel est important : près de 10 millions de véhicules essence du parc automobile français peuvent être équipés.
Des boîtiers qui feront envoler les ventes de superéthanol-E85 ?
Avec ces boîtiers, vendus entre 700 et 1.000 euros, installation et assurance comprise, la filière espère faire décoller ses ventes d’E85. Elle vante les avantages de ce carburant, vendu à 0,69 euro le litre. Attention toutefois, ce superéthanol engendre une surconsommation entre 15 % et 25 %. Malgré tout, il resterait largement compétitif et permettrait une économie d’environ 500 € sur un parcours de 13.000 km. De quoi assurer le retour sur investissement des boîtiers en un an pour les véhicules parcourant quelques dizaines de milliers de kilomètres. Par ailleurs, la filière assure que le bioéthanol réduirait de plus de 50 % les émissions de CO2 par rapport à l’essence fossile, avec une combustion qui n’émet pas de particules.
La compétitivité de ce carburant devrait continuer à se renforcer. La hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est programmée entre 2017 et 2022. Chaque litre d’E85 devrait augmenter de 9,5 cts€/L à la pompe, contre 13 cts€/L pour les essences sans plomb et 25 cts€/L pour le gazole. « Le superéthanol va être de plus en plus intéressant dans les années à venir », note donc Nicolas Kurtsoglou, responsable carburants du SNPAA.
En décembre 2017, 973 stations proposaient déjà l’E85 en France. Sur l’année, les volumes de vente du carburant ont augmenté de 23 %. En 2018, les indicateurs sont au vert pour aller encore plus loin. En effet, les sociétés FlexFuel et Biomotors espèrent multiplier leurs ventes et vendre chacune entre 1.000 et 1.500 boîtiers par mois.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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