Le commerce maritime représente à lui seul 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. C’est plus que l’aviation commerciale (2,6 %), pourtant on en parle moins alors que le problème de fond est le même : décarboner les modes de transport.
Mais à l’instar du secteur aérien, l’OMI s’est récemment engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050. L’OMI a d’ailleurs relevé ses ambitions, puisqu’en 2018 l’objectif n’était que de 50 % de réduction pour 2050. Sur le papier, les choses avancent donc dans le bon sens. Expérimentation de nouveaux carburants décarbonés, normes pour réduire l’intensité carbone des carburants, modification des coques, réduction de la vitesse, incitations économiques…, de nombreux leviers sont ainsi envisagés.
Une transition nécessaire, mais qui va coûter cher
Comme toujours, lorsqu’on parle de transition (climatique, énergétique, économie circulaire, numérique…), la clé du succès est dans le financement. Car le coût, à l’échelle globale, sera colossal. Selon la CNUCED[1], « la décarbonisation de la flotte mondiale d’ici à 2050 pourrait coûter entre 8 et 28 milliards de dollars par an, auxquels s’ajouteraient 28 à 90 milliards de dollars par an pour l’infrastructure des carburants neutres en carbone. »
Pour ne rien arranger, si cette taxe entraîne une hausse trop élevée des frais de transport, l’économie mondiale en sera forcément affectée : on parle de 0,08 % de PIB dans le pire des cas, ce qui équivaudrait tout de même à une perte de 80 milliards de dollars supplémentaires !
Une taxe qui ne fait pas l’unanimité, mais les négociations progressent
La mise en place d’une taxe carbone implique d’évaluer les émissions de CO2 des navires et d’établir une tarification de ces émissions. Les émissions de CO2 deviennent donc coûteuses, ce qui incite les compagnies maritimes à investir dans des pratiques permettant de réduire leurs émissions. Les revenus générés peuvent alors être réinvestis pour financer la décarbonation.
Voilà pour le principe. Mais une telle taxe soulève beaucoup de questions et suppose que les membres de l’OMI arrivent à se mettre d’accord sur le montant de la taxe et sur le fléchage des recettes. Surtout que la taxe carbone, sujet défendu par la France, comme par de nombreuses ONG, ne fait pas encore l’unanimité.
En fait, tout dépend de la situation des pays. De manière logique, les pays qui dépendent fortement du commerce maritime sont souvent plus réticents. D’un côté, les exportateurs de matières premières, notamment en Amérique latine, ont peur de perdre des parts de marché. De l’autre, les pays qui dépendent des importations et exportent peu, typiquement les États insulaires, sont rarement favorables.
Mais voyons les choses positivement : l’idée d’une taxe carbone fait son chemin. En effet, lors des discussions qui ont eu lieu à l’OMI en mars 2024, seulement 34 pays sur les 176 États membres de l’OMI y étaient favorables. Lors des négociations de septembre, ils étaient 39 !
La taxe carbone européenne est déjà une réalité
En 2022, les députés européens ont voté l’élargissement du marché carbone au transport maritime, dans le cadre du Pacte vert de l’UE. Depuis le 1er janvier 2024, le transport maritime est donc inclus dans le système d’échange de quotas d’émission (ETS) de l’Union européenne.
En adoptant ce système d’échange, l’UE ouvre ainsi la voie vers le déploiement d’un système plus global. Car il ne faut pas oublier que 84 % du trafic maritime passe par l’UE, les États-Unis et la Chine. De fait, la responsabilité des grandes économies est forte en matière d’émissions et elles doivent montrer l’exemple pour convaincre les autres pays d’adopter cette solution.
Mais l’équation est complexe, et les paramètres à considérer sont nombreux pour arriver à un consensus international. En attendant, les travaux se poursuivent. Ils aboutiront à un rapport qui sera présenté en avril 2025, lors de la prochaine réunion MEPC 83.
[1] Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement
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