La raréfaction de l’eau douce et l’accroissement de la population mondiale provoquent un déséquilibre entre la demande en eau et la quantité disponible. Pour y faire face, de nombreux pays, notamment du Golfe, se tournent vers le dessalement de l’eau de mer, bien que les procédés actuels soient coûteux et énergivores. Des chercheurs du Beckman Institute for Advanced Science and Technology (US) travaillent sur une technique de dessalement par électrodialyse qui permettrait d’économiser 90% d’énergie. Les travaux en cours laissent espérer de grandes avancées dans les années à venir.
Les Nations unies estiment qu’en 2025, les deux tiers de la population mondiale seront concernés par les problématiques de stress hydrique. Cette industrie, en plein essor sur tous les continents, représente un immense défi pour le climat, car si les techniques actuelles consomment énormément d’énergie, la plupart des pays qui emploient ces procédés sont ceux qui ont un mix électrique très intensif en CO2[1]…
Quel est le problème avec les techniques de dessalement actuelles ?
Comme nous venons de le dire, les techniques de dessalement actuelles sont très énergivores. Un rapport de l’IFRI concernant la Géopolitique du dessalement de l’eau de mer donne même des chiffres détaillés de la consommation par m³ d’eau dessalée.
Les méthodes de dessalement sont regroupées en deux familles. Il y a d’un côté les méthodes thermiques, qui représentent 25 % des usines installées dans le monde, et de l’autre les méthodes par membranes.
Avec ce tableau, on constate donc que les méthodes thermiques sont bien plus énergivores que les méthodes à membrane.
L’électrodialyse : une méthode efficace, mais encore trop coûteuse en énergie
L’électrodialyse est un procédé de séparation électrochimique. Celui-ci utilise un courant continu pour déplacer les ions à travers des membranes échangeuses d’ions sélectives.
L’électrodialyse permet d’éliminer les sels et les matières organiques des eaux usées et ainsi produire une eau potable.
Bien que ce procédé membranaire soit beaucoup plus économe en énergie que les procédés thermiques, il reste néanmoins énergivore et également coûteux en termes d’entretien.
En effet, si on regarde le procédé en détail, on s’aperçoit que le coût énergétique vient en grande partie de la séparation de la molécule d’eau en deux composants : un proton chargé positivement et un hydroxyde chargé négativement.
Par ailleurs, les membranes utilisées pour la séparation demandent un remplacement fréquent et sont également coûteuses.
Une nouvelle approche de l’électrodialyse
L’équipe de chercheurs du Beckman Institute for Advanced Science and Technology propose une nouvelle approche de l’électrodialyse, avec deux améliorations significatives.
D’une part, pour économiser de l’énergie, ils ont rationalisé le processus de séparation des sels en utilisant une réaction d’oxydoréduction et l’ajout d’un copolymère soluble.
D’autre part, les chercheurs ont remplacé les membranes d’échange d’ions conventionnelles par des membranes de nanofiltration, plus robustes et moins coûteuses[2].
D’un point de vue chimique, cette méthode est assez différente de l’électrodialyse classique.
Au lieu de diviser les molécules d’eau en parties chargées positivement et négativement pour extraire le sel, la réaction d’oxydoréduction modifie la charge de l’ensemble de la molécule d’eau d’un seul coup.
Cela permet d’obtenir le même degré de séparation saline, en consommant au moins dix fois moins d’énergie qu’avec les techniques traditionnelles. En effet, d’après les calculs disponibles en annexe de l’étude, avec cette méthode, la consommation énergétique (en théorie) nécessaire au dessalement serait comprise entre 0,13 et 0,25 kWh/m³.
Une méthode de purification testée avec succès sur des eaux usées
Si cette technique est destinée au dessalement de l’eau de mer, elle a pour le moment été testée avec succès sur des eaux issues d’une station d’épuration, sur des échantillons de plusieurs litres.
Les chercheurs prévoient d’étendre prochainement ce procédé aux sources d’eau salée et saumâtre, notamment les eaux souterraines et les rivières et ils sont confiants pour la suite.
Dans un communiqué de presse, Xiao Su, Professeur adjoint d’ingénierie chimique et biomoléculaire à l’université de l’Illinois Urbana-Champaign et auteur correspondant de cette étude, déclarait ainsi : « Nous avons le bon polymère, la bonne membrane et les bonnes conditions. La science est là, la prochaine étape consiste donc à ouvrir la voie au déploiement de ces dispositifs pour le traitement de l’eau dans le monde réel. Je pense que le moment est venu de le faire et je suis impatient de voir cela se produire. »
[1] Arabie Saoudite, Chine, Koweït, etc.
[2] Plus de détails sont disponibles dans l’étude publiée dans la revue ACS Energy Letters.
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