Pour remplacer des fonctions altérées chez les patients, les bioprothèses sont diverses et variées: implants dentaires, prothèses de hanche, de genoux, d’épaule, mais aussi valves cardiaques, substituts osseux… La recherche est riche, notamment pour créer des organes entiers, à l’instar du coeur ou du pancréas bio-artificiels. D’autres travaux s’intéressent même à la régénération des organes défectueux in-situ.
Remplacer les valves cardiaques
Pour remplacer des valves cardiaques, il existe essentiellement deux grandes familles de prothèses : les prothèses mécaniques et les valves biologiques. Les prothèses mécaniques ont une très longue durée de vie au prix d’un traitement anticoagulant à vie. A l’opposé, les bioprothèses ne demandent pas de traitements mais se détériorent avec le temps, imposant à certains patients une réintervention après une quinzaine d’années.
Les valves mécaniques (prothèse de St Jude) sont à base de carbone pyrolytique et de titane. Elles ont une durée de vie supérieure à celle du patient chez qui on l’implante mais nécessitent un traitement anticoagulant à vie. L’efficacité du traitement anticoagulant doit être contrôlé régulièrement. Le patient peut en effet faire des hémorragie s’il est trop anticoagulé ou au contraire contracter une embolie, quand il ne l’est pas assez.
Les bioprothèses valvulaires, sont élaborées avec des tissus de veau ou de cochon. Elles sont préférées chez les patients âgés et pour les patients qui ne peuvent pas suivre un traitement anticoagulant ou en contrôler son efficacité. A l’opposé, les patients qui sont déjà sous traitement anticoagulant en raison d’une autre pathologie recevront plus volontiers une prothèse mécanique plutôt qu’une bioprothèse.
Vers des organes artificiels ?
Le premier coeur bio-artificiel de la société Carmat a été greffé en France début 2014. Le patient est décédé 74 jours après son opération des suites d’un court-circuit encore inexpliqué. « Pendant 74 jours, ce patient n’a montré aucune déficience cérébrale, et la vérification du cœur après le décès et l’autopsie l’ont confirmé : il n’y avait pas le moindre caillot, ni dans la prothèse, ni dans la circulation. En ce sens, l’essai est un succès. » explique le professeur Alain Carpentier, père du coeur artificiel au JDD. Les travaux vont donc continuer pour permettre à de futurs patients de profiter de ce coeur qui ne nécessite pas de lourds traitements anti-rejets de greffes.
Le premier pancréas bio-artificiel bénéficiera de premiers tests chez l’homme début 2016 à Montpellier et à Oxford (Royaume-Uni). De premiers résultats devraient ainsi être disponibles fin 2017. Ce pancréas bio-artificiel se présente sous la forme d’un disque ultra-fin en polymère, à peine plus grand qu’un CD. Il est destiné aux diabétiques insulino-dépendants. Implantée dans l’abdomen, cette poche renfermera des cellules de pancréas (obtenues par génie génétique ou à partir de cellules souches) permettant de sécréter l’insuline. Grâce à une membrane semi-perméable, les cellules se trouvent ainsi à l’abri des attaques du système immunitaire, tout en laissant passer l’insuline, mais aussi les sucres – afin que les cellules pancréatiques « sachent » quelle quantité d’insuline produire. Les cellules pancréatiques seront renouvelées par injection sous cutanée 1 à 2 fois par an et le disque devra être remplacé tous les 4 à 6 ans. Cela améliorera grandement le quotidien des diabétiques qui s’injectent de l’insuline plusieurs fois par jour ! Là encore, il n’y aura pas besoin de traitement anti-rejet.
Régénérer sans remplacer ?
Des travaux de recherche portent aussi sur l’injection de cellules souches au niveau du coeur. Elles permettent de régénérer des fibres musculaires et de revitaliser le coeur sans aller jusqu’à son remplacement par une bio-prothèse.
Les travaux portent notamment sur les cellules souches pluripotentes induites qui peuvent être répliquées indéfiniment en laboratoire etse différencier, dans la bonne matrice, en une multitude de tissus : cellules musculaires, nerveuses, pulmonaires… Dans le cas du pancréas bio-artificiel, « il a fallu trouver un matériau et une matrice de façon à avoir un environnement viable pour les cellules pluripotentes », explique Guy Daculsi, Directeur de Recherche Inserm de classe exceptionnelle (DRE) à l’Université de Nantes. »Dans cet environnement, les cellules croient être dans un pancréas et se différencient pour faire des cellules capables de sécréter l’insuline« , poursuit-il.
Ces cellules souches pluripotentes induites pourraient régénérer des parties d’organe une fois incorporées à la bonne matrice. « On va ainsi pouvoir réparer un morceau de coeur, un morceau de foie, de rein, même de poumon« , prévoit Guy Daculsi. Plusieurs unités de l’INSERM travaillent sur certains de ces organes. Ils pourraient être accessibles pour le grand public d’ici une dizaine d’années.
« Il y a eu l’époque de l’homme soigné, puis avec les deuxièmes générations de techniques et produits est arrivé l’homme réparé ; maintenant avec la troisième génération est arrivée l’ère de l’homme augmenté grâce aux nouvelles technologies qui augmentent le potentiel de cicatrisation, de régénération », conclut Guy Daculsi.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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