« Demain, la part humaine dans la pratique de la médecine sera incroyablement réduite », prédit Axel Kahn. Mais elle ne sera pas nulle pour autant ! Pour désengorger les salles d’attente, le patient passera d’abord par une multitude d’appareils de nouvelles générations. Ils palperont les organes, feront des imageries de qualité. Ensuite, des robots feront des prises d’échantillon (sang, urine…). Les différents résultats seront analysés par des intelligences artificielles qui, en comparant avec les antécédents du malade, pourront donner leur diagnostic. Il sera associé à une probabilité et les traitements les plus probables à suivre. « La part de l’humain sera dans la gestion de cet ensemble », assure l’expert. C’est inéluctable.
Des formations médicales à revoir en profondeur
Le rôle du médecin sera davantage centré sur le contact avec le patient et sur l’accompagnement de celui-ci dans sa maladie. « Cela signifie qu’il va sérieusement falloir revoir les études médicales, car une partie extrêmement importante du travail de médecin demain sera l’aspect de l’accompagnement, de la psychologie, du dialogue et du contact », prévient Axel Kahn. « L’équilibre entre les sciences humaines et sociales et les parties technicielles dans les études de médecine devront être sérieusement reconsidérées », précise-t-il.
Car il ne faut pas penser que le parcours de santé sera intégralement robotisé et confié aux seuls robots. Il y aura évidemment quelques robots dans certains cas, comme des robots-infirmiers ou des robots distributeurs de médicaments. Ou encore des robots en maison de retraite pour assurer une présence continue aux côtés des résidents et apaiser leurs angoisses. Mais ceux-ci resteront à la marge pour Axel Kahn. Car « l’accompagnement du patient, le contact, les regards qui se croisent » sont essentiels, insiste-t-il. C’est ce qu’il appelle la « calinothérapie » ou la « bisouthérapie ». Selon les professionnels de santé, près de la moitié de l’efficacité thérapeutique n’est en effet pas liée aux gestes techniques, mais à l’écoute et au dialogue qui s’instaure entre le médecin et son patient.
Par ailleurs, au moins 30% des déterminants morbides de santé sont liés au mal-être psychologique. Un mal-être qui entraîne des conduites à risques: drogue, alimentation, alcoolisme, stress… et toutes les affections qui y sont associées. « Cette société informatique uberisée ne va pas faire diminuer le stress et ce mal-être », assure Axel Kahn. « L’idée selon laquelle on peut tout pré-programmer et tout confier à une machine est complètement stupide. C’est ne pas considérer ce que sont les mécanismes en particulier de la morbidité », conclut-il.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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