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« Avoir une approche durable en fermant le cycle du combustible »

Interview

« Avoir une approche durable en fermant le cycle du combustible »

Posté le par Pierre Thouverez dans Énergie

La start-up Newcleo a pour challenge de développer, construire et opérer des réacteurs à neutrons rapides innovants de quatrième génération, utilisant le plomb comme fluide caloporteur.

Lauréate de l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants », Newcleo veut, à travers le développement d’un réacteur à neutrons rapides innovant, mettre en oeuvre une technologie permettant de fermer le cycle du combustible nucléaire, et d’optimiser l’utilisation des ressources.

Ludovic Vandendriesche, directeur général de Newcleo SA, a répondu aux questions des Techniques de l’Ingénieur.

Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous revenir sur la genèse de Newcleo ?

réacteur newcleo TL-30

Ludovic Vandendriesche : Newcleo a été cofondé en septembre 2021 par notre PDG Stefano Buono – précédemment fondateur d’Advanced Accelerator Application, une biotech cotée au Nasdaq et vendue à Novartis – Elisabeth Rizzotti, physicienne de formation et Directrice des opérations, et notre Chief Scientific Officer Luciano Cinotti, un expert mondialement reconnu de la technologie des réacteurs à neutrons rapides, il est ainsi l’auteur de la plupart des brevets liés aux réacteurs à neutrons rapides au plomb (Lead Fast Reactor – LFR) dans le monde.

Depuis notre fondation, nous avons levé 400 M€ de capitaux privés et avons une levée de fonds de 1 milliard d’euros en cours. En mai 2023, Newcleo a annoncé un investissement de 3 Mds € dans l’Hexagone à l’horizon 2030, pour réaliser un réacteur de démonstration et une unité pilote de fabrication du combustible. Notre concept de réacteur est lauréat de l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants » du plan d’investissements France 2030. Newcleo est aujourd’hui une société européenne comptant plus de 600 collaborateurs, présente en Italie, France et Angleterre. Avec des centres de recherche et développement en Italie, au Royaume-Uni et en France, ainsi qu’un centre expérimental à l’ENEA-Brasimone, la collaboration internationale fait partie de notre ADN.

Comment fonctionnent les réacteurs rapides refroidis au plomb que vous développez et qui utilisent un combustible recyclé ?

Nous nous sommes donnés pour mission d’apporter au monde une énergie sûre, économique et durable, en associant de manière radicalement innovante les technologies existantes. Nos réacteurs refroidis au plomb fonctionnent à pression atmosphérique. Les propriétés du plomb (capacités thermiques, point d’ébullition, propriétés chimiques et de blindage), associées aux systèmes de sûreté passive de Newcleo, garantissent un niveau de sûreté très élevé. Nos réacteurs rapides sont capables de « brûler » (ou fissionner) efficacement du plutonium, des actinides mineurs et de l’uranium appauvri. Alimentés par un combustible issu du retraitement des matières nucléaires valorisables, ils permettent non seulement d’avoir une approche durable en fermant le cycle du combustible, mais contribuent également à renforcer l’indépendance énergétique française et européenne. L’offre Newcleo s’appuie sur une expérience industrielle démontrée et unique en France : le retraitement à grande échelle des matières nucléaires, et le développement des réacteurs rapides de quatrième génération type Phénix et Superphénix.

Quels sont les freins technologiques et industriels que vous devez lever ?

Newcleo vise la réalisation en France d’un démonstrateur LFR (Lead Fast Reactor) de 30 MWe en 2030, en y associant l’installation pilote de fabrication du combustible. Pour tenir les engagements, il est urgent que l’Etat prenne une décision sur l’attribution de sites pour les nouveaux réacteurs innovants. Il est nécessaire que ces décisions soient prises au plus tard au second trimestre 2024, avec des indications prévisionnelles espérées dès le Conseil de politique nucléaire de février afin de ne pas bloquer les études de conception en cours.

D’ici la fin de l’année, nous visons également la finalisation du basic design de notre LFR et de notre unité de production de MOX RNR, et nous agissons parallèlement pour sécuriser notre chaîne d’approvisionnement avec des fournisseurs clés. Nos partenariats stratégiques avec des acteurs éminents tels que le CEA, Framatome, Assystem, Ingérop, ou Onet Technologies, renforcent nos compétences techniques et témoignent de notre engagement envers l’excellence dans l’ingénierie nucléaire française. En début d’année 2024, nous avons annoncé avec enthousiasme notre partenariat stratégique et industriel avec NAAREA, marquant une étape cruciale. Cette collaboration vise à mutualiser nos efforts en tant que lauréats de l’appel à projets « Réacteurs Nucléaires Innovants » de France 2030, accélérant ainsi l’innovation dans le domaine du nucléaire de quatrième génération. Ensemble, nous aspirons à gagner en efficacité et à renforcer notre impact, en particulier vis-à-vis des pouvoirs publics au niveau européen. Nous sommes impatients de voir les fruits de ces collaborations se concrétiser dans la prochaine phase de notre développement.

Quels sont vos concurrents sur cette technologie (réacteur rapide refroidi au plomb), en France et à l’international ?

Plusieurs projets de réacteurs de petite taille (SMR – Small Modular Reactor) et de réacteurs de 4ème génération (AMR – Advanced Modular Reactor) sont en cours à travers le monde, notamment en France et ailleurs en Europe, aux Etats-Unis et en Chine. Les SMR/AMR apportent tous quelque chose de différent qui leur permettra de jouer un rôle important dans la satisfaction de nos besoins énergétiques. Il y a beaucoup d’espace sur le marché, nous ne sommes pas en concurrence les uns avec les autres. Cela s’explique en partie par le fait que ces technologies ouvrent une variété d’opportunités au-delà de l’alimentation du réseau. Ensemble, ces technologies ont le potentiel pour décarboner le chauffage, alimenter les parcs énergétiques, fournir une production intégrée avec des micro-réacteurs… Notre mission est de travailler aux côtés d’autres pour contribuer à la décarbonation mondiale, ce n’est pas quelque chose qui peut être fait seul.

Quelle est la typologie des clients industriels pour les AMR que vous développez ?

La demande d’électricité va doubler, voire tripler en Europe d’ici à 2050. Les SMR proposent une électricité décarbonée, fiable, pilotable, avec une flexibilité que n’ont pas les grosses centrales : ils peuvent se construire vite et s’assemblent en groupe selon la puissance désirée. Les nôtres peuvent servir à produire de l’hydrogène et autres carburants durables, pour la cogénération ou pour remplacer les centrales à charbon ou à gaz, polluantes.

Propos recueillis par Pierre Thouverez

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Posté le par Pierre Thouverez


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