Après avoir développé un drone sous-marin destiné au grand public pour une utilisation de loisir, l’entreprise Notilo Plus a depuis peu recentré ses activités sur le secteur professionnel en développant un drone destiné à l’industrie, capable d’embarquer tout type de capteur. En parallèle, l’entreprise a également développé une plateforme de stockage et de traitement des données qui fait largement appel à l’IA. Le co-fondateur et actuel président de Notilo Plus, Nicolas Gambini, nous livre les détails de leur fonctionnement et revient également sur la genèse de l’entreprise, née en 2016.
Techniques de l’Ingénieur : Quand et comment Notilo Plus a-t-elle vu le jour ?
Nicolas Gambini : L’entreprise a été fondée en 2016. L’idée, à l’époque, est née d’une observation : celle de l’émergence des drones aériens et de leurs capacités à suivre les personnes de manière autonome. Cela nous a semblé intéressant et nous nous sommes demandé s’il serait possible de faire la même chose sous l’eau, avec un drone qui serait capable de filmer des plongeurs et de leur permettre ainsi de ramener des images de leurs aventures aquatiques. Il s’agissait donc, à la base, plutôt d’un produit de loisirs.
Mais nous nous sommes vite aperçus d’une difficulté par rapport aux drones aériens : lorsque l’on s’enfonce dans l’eau, GPS, Bluetooth et wifi ne fonctionnent pas. Il nous a donc fallu inventer une technologie pour avoir un drone complètement autonome sous l’eau. C’est ce que nous avons fait avec notre premier produit, le drone iBubble. En 2017, nous avions notre premier prototype fonctionnel, qui était très gros : il faisait une vingtaine de kilos pour un mètre de long. Mais il était tout à fait capable de suivre un plongeur. Cela a été la première preuve de ce que nous étions capables de faire. Cela nous a permis de réaliser une première levée de fonds de 650 000 €. Nous avons ainsi pu travailler, en 2017-2018, à un prototype représentatif du produit final.
En parallèle, nous avons commencé à avoir des demandes émanant de comptes professionnels, comme EDF, qui souhaitaient, plutôt que de suivre un plongeur, suivre par exemple une fissure dans le béton d’un barrage. Nous avons donc commencé à réfléchir à une adaptation de notre solution pour ces professionnels. Nous avons ainsi créé le drone Seasam, qui reprend beaucoup d’éléments d’iBubble, mais nous l’avons rendu plus robuste afin qu’il puisse aller plus profondément, emporter plus de capteurs, avoir plus de puissance de calcul grâce à un ordinateur embarqué plus performant. En 2018, nous avions un prototype du drone ressemblant à 90 % au produit final, qu’il nous fallait industrialiser. Nous avons réalisé une nouvelle levée de fonds, de deux millions d’euros, qui nous a permis d’industrialiser notre produit et de commencer à le commercialiser à partir de 2019. Après une autre levée de fonds et l’entrée au capital de CMA-CGM, avec qui nous avons développé une solution d’inspection autonome des coques de navires, nous avons alors commencé à nous concentrer sur la partie « pro ». La crise sanitaire de 2020 n’a fait qu’accélérer ce mouvement, notre drone de loisirs étant très dépendant du tourisme. Nous nous sommes dit que c’était le bon moment pour mettre cela en sommeil et assumer une orientation B2B.
Quels sont les caractéristiques et les principaux intérêts de ce drone sous-marin destiné aux professionnels ?
En créant Seasam, nous avions la volonté de démocratiser l’accès aux données sous-marines. Cela s’est donc traduit par sa légèreté – il ne pèse que neuf kilos – et sa compacité : 55 cm de long. Il est ainsi transportable et opérable par une seule personne. Seasam est certes petit, mais aussi puissant. Il est capable d’emporter tout type de capteur. De base, il est équipé de capteurs acoustiques, avec un système de positionnement propriétaire que nous avons développé, ainsi qu’un capteur vidéo. Nous avons aussi ajouté la possibilité d’emporter d’autres capteurs en fonction des besoins de nos clients. Il peut s’agir, par exemple, d’une sonde de mesure de la qualité de l’eau, d’un capteur d’épaisseur de métal pour vérifier des coques ou des tuyaux, ou encore d’une caméra acoustique, utile en milieu très turbide. Ce qui fait la force du drone est l’intégration de toutes ces informations dans le flux principal de données. Cela permet, pour le client, de n’avoir qu’un seul flux d’information synchronisé à traiter.
L’appareil peut fonctionner sans fil – les commandes sont transmises acoustiquement – ou en filaire, ce qui permet un retour vidéo. Il est capable d’atteindre une profondeur allant jusqu’à 100 mètres. Il est alimenté par un système de batteries échangeables, de différentes capacités, qui durent entre une et quatre heures.
Le prix de base du drone est de 12 k€, et les prix peuvent monter jusqu’à 40-50 k€ en fonction des capteurs embarqués. Mais nous privilégions le business model du paiement à l’inspection : le client paie au fur et à mesure, en fonction de son utilisation.
Comment le drone se pilote-t-il ? Quel est le rôle de l’intelligence artificielle dans l’autonomisation de ses déplacements ?
L’interface principale est constituée par une tablette, qui remonte toutes les données, tel un cockpit, en surimpression de la vidéo. Une manette de jeu vidéo est connectée à la tablette, et permet de piloter le drone très simplement. Il s’agit d’un univers familier pour beaucoup de gens, ce qui rend le drone très simple à utiliser. Nous pouvons également proposer des formations pour les utilisations avancées, pour apprendre à maîtriser toutes les subtilités de l’appareil.
En ce qui concerne l’IA, elle a un rôle central. Plutôt que d’utiliser des capteurs à 10 000 € pièce, nous utilisons des composants beaucoup moins chers, et c’est grâce à l’algorithmie, en faisant de la fusion de données, que nous parvenons à de bons niveaux de performance dans la collecte de données. Cela nous permet donc à la fois de faire de la détection et de la navigation autonome. L’IA nous permet également de réaliser une identification automatique de points d’intérêts, via la plate-forme que vous avons également développée, Notilo Cloud.
Quels sont les intérêts de cette plate-forme ?
La plate-forme Notilo Cloud constitue un espace de stockage sécurisé des données. Elle permet également de générer des rapports. En utilisant l’intelligence artificielle, le machine learning, on peut détecter de manière automatique des points d’intérêts spécifiques à chaque secteur industriel. Elle permet également de suivre l’évolution de paramètres dans le temps, en offrant une présentation dynamique des données. Cela permet d’optimiser la maintenance des actifs sous-marins.
À quels secteurs ce drone s’adresse-t-il ?
Nous travaillons, d’une manière générale, sur toutes les infrastructures immergées. Nous travaillons donc principalement dans les domaines du transport maritime, de l’aquaculture et de l’éolien offshore. Nous travaillons aussi dans le secteur de la défense et de la sécurité civile, par exemple avec les pompiers, ou encore dans le domaine scientifique.
Plus globalement, notre volonté étant de démocratiser l’accès aux données sous-marines, nous avons une réponse à apporter à chaque secteur qui a besoin d’aller voir ce qui se passe sous l’eau. Notre solution est très versatile et notre ambition est, à terme, d’offrir des solutions à tout le monde.
Sur quels axes d’amélioration travaillez-vous éventuellement ? Quelles pistes explorez-vous en matière de R&D ?
Nos travaux de R&D visent à amener toujours plus d’autonomie à notre système : à la fois en matière de collecte des données, en lui donnant les capacités d’aller plus loin, pour l’éolien offshore par exemple, mais également sur le traitement des données. Nous cherchons à perfectionner nos algorithmes pour faire gagner du temps à nos clients et les aider dans leur prise de décision par rapport à la maintenance de leurs actifs immergés.
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