Acronyme d’Observe, Orient, Decide, Adapt, OODA a pour objectif principal celui de fluidifier la boucle de décision propre au règlement d’un incident : enfant perdu dans la foule, acte terroriste, vol, mouvement de foule ou encore débordement sur la voie publique. Mêlant les technologies de jumeau numérique et de modélisation 3D avec celles de l’analyse de données, le logiciel offre un environnement de visualisation tridimensionnel intuitif et immersif dans lequel s’affichent, en temps réel, des informations ciblées et interprétées à l’aide de puissants outils d’analyse.
Ex-gendarme formé à Saint-Cyr, le cofondateur d’Obvious Technologies Thierry Orosco a notamment passé trois ans à la tête du GIGN. Après un passage dans le privé, il a finalement créé l’entreprise dont il est aujourd’hui président aux côtés de son actuel DG Naoufal El Ouali, et de Béranger Kabbas, son directeur Technique. Thierry Orosco nous retrace le parcours atypique qui l’a amené à la tête de cette jeune entreprise innovante et nous décrit par le menu son offre logicielle.
Techniques de l’Ingénieur : Quel parcours vous a amené à co-fonder Obvious Technologies ?
Thierry Orosco : J’ai débuté ma vie professionnelle en tant qu’officier de gendarmerie, après avoir été formé à Saint-Cyr. J’ai toujours été passionné par l’opérationnel. Cela m’a amené à passer les tests du GIGN[1]. J’ai ainsi passé près de la moitié de ma carrière au sein de cette unité, que j’ai fini par diriger, ce qui était un rêve pour moi. Ce fut une très belle aventure humaine, vécue au cœur des opérations. J’ai ensuite eu le désir de continuer à vivre des choses qui me feraient vibrer, non plus en Gendarmerie, mais dans le privé. J’ai, dans un premier temps, travaillé au sein du groupe Engie. En 2017, j’ai eu l’envie d’accélérer les choses. Pour ce faire, il me semblait pertinent de m’impliquer dans une plus petite structure, plus agile, plus souple. J’ai eu la chance de rencontrer l’un de mes deux actuels associés, qui venait du monde de l’entreprise, et plus précisément du secteur de la sécurité électronique. Cela m’a semblé très complémentaire de mon expérience. Nous avons donc décidé de cofonder Obvious Technologies pour développer notre logiciel, OODA.
Cela s’est fait en mars 2019. Une partie des fondements de notre logiciel ont toutefois été bâtis au sein de la société qui appartenait à mon associé. Un troisième cofondateur venant du monde du jeu vidéo nous a par ailleurs rejoints. Cela a été très important : nous voulions concevoir un logiciel à l’interface transparente et amplificatrice d’efficacité. Nous nous sommes pour cela inspirés du monde du jeu vidéo, ainsi que de celui des smartphones.
Quatre ans plus tard, nous nous sommes bien développés : notre CA a grimpé de 600 % par rapport à l’an dernier ; nous faisons du bénéfice ; nous avons une quinzaine de développeurs basés en France, ainsi que des bureaux accueillant une dizaine de collaborateurs aux Émirats arabes unis. Nous avons ainsi gagné un certain nombre de marchés dans les pays du Golfe, qui ont une grosse appétence pour le numérique. Nous commençons aussi à gagner des parts de marché en France. Nous avons aujourd’hui une trentaine de clients.
Quels sont les fondements technologiques du logiciel que vous avez développé, OODA ?
Le logiciel s’appelle OODA, pour « Observe, Orient, Decide, Adapt ». C’est la boucle de décision que tout le monde connaît et que l’on met parfois en œuvre, un peu comme Monsieur Jourdain, sans même le savoir. Nous essayons de rendre cette boucle de décision la plus rapide possible, alors que l’on a aujourd’hui une quantité croissante de données à disposition. On demande de plus en plus de réagir en temps réel, tout en étant submergé par de la data…
Nous avons donc construit notre plateforme logicielle avec en tête l’objectif d’agréger toutes les briques logicielles permettant de gérer différentes familles d’objets connectés : par exemple un ensemble de caméras, via un VMS[2]. Nous intégrons ces informations au sein de notre plateforme dans le but de les rendre disponibles à l’usager de manière transparente. Nous voulons que l’utilisateur puisse rester concentré sur son métier, plutôt que de se perdre dans les méandres des fonctionnalités… Il n’a ainsi qu’à se laisser guider par son intuition, tel un utilisateur de smartphone. La technologie amène à la fois de la rapidité et une plus grande pertinence des éléments à la base des prises de décision.
Notre interface est en grande partie en 3D. Nous intégrons donc les modèles tridimensionnels dont nos utilisateurs peuvent éventuellement déjà disposer, ou nous les développons nous-mêmes. Il peut s’agir d’une simple zone, d’un bâtiment entier, ou de surfaces beaucoup plus grandes : nous avons par exemple modélisé des stades pour la coupe du monde au Qatar, ou encore l’Exposition universelle Dubaï 2020…
Concrètement, quelles informations votre interface présente-t-elle à l’utilisateur ?
Nous fournissons essentiellement de la visualisation de données. Aujourd’hui, l’important n’est pas tant la data elle-même, que la possibilité de l’exploiter de la manière la plus transparente qui soit. Mon passé opérationnel m’a aussi conduit à mettre l’accent sur l’accompagnement de l’utilisateur dans la gestion des alertes. Lorsqu’une alarme s’affiche à l’écran, ça n’est en effet que le début du travail ! Nous guidons donc l’utilisateur dans la résolution de l’incident : nous l’informons des moyens dont il dispose et nous lui indiquons la meilleure façon de les mettre en œuvre. Nous lui permettons également de vérifier que cela s’est effectivement déroulé comme prévu : dans le cas d’un véhicule, par exemple, la plateforme indique s’il est bien arrivé à destination. Ces fonctions d’accompagnement se poursuivent jusqu’au retour à une situation normale.
À quels secteurs cette solution se destine-t-elle ?
Nous avons plusieurs verticales de marché. La première d’entre elles est constituée par les villes.
Le deuxième grand marché pour nous est représenté par les infrastructures critiques : centres de production d’énergie, infrastructures de transports…
Le troisième sujet d’intérêt est celui des grands évènements, qu’ils soient politiques – comme un G20, Davos… – culturels ou sportifs.
La plateforme peut aussi servir à d’autres fins que des usages sécuritaires : si l’on peut localiser une équipe d’agents sur le terrain, on peut aussi, par exemple, localiser une flotte de bennes de collecte de déchets ; si l’on peut agir sur des caméras, on peut aussi agir sur des feux de signalisation, etc.
L’émergence des données ouvertes est aussi une opportunité : on peut par exemple intégrer des vidéos Météo-France dans la plateforme pour visualiser le sens du vent, ce qui peut être utile pour des pompiers, dans le cas de la gestion d’un sinistre. On peut intégrer toutes ces données ouvertes afin de permettre à l’utilisateur d’enrichir son champ de réflexion avec d’autres paramètres que ses seules informations propriétaires.
Notre outil peut aussi servir à planifier un évènement, en aidant l’utilisateur à prévoir les moyens dont il aura besoin, à définir à l’avance des zones à fermer, etc. Nous avons aussi intégré une fonction de retour d’expérience, de re-jeu, permettant notamment de réfléchir à la façon d’améliorer les choses pour de futures interventions. Enfin, nous proposons aussi une fonction de simulation, qui permet notamment d’entraîner les équipes.
OODA est aussi disponible sur smartphone et tablette. Cela permet aux acteurs de terrain de bien comprendre la situation, leur place dans le scénario et ce que l’on attend d’eux. Ils peuvent également eux-mêmes faire remonter des informations qui seront à leur tour interprétées par la plateforme, de la même manière que le sont les données issues de capteurs.
Le dernier niveau d’accès à la plateforme est le niveau stratégique : il permet au grand responsable, au grand décideur, de prendre connaissance de la situation, et de donner son accord pour les actions prévues.
Parmi les nombreux cas d’usage de votre solution, pouvez-vous nous citer un exemple particulièrement marquant ?
Nous commençons à travailler avec une très importante société saoudienne – Safe – qui est le fruit de la nationalisation des services de surveillance privée de toutes les infrastructures critiques du pays. Notre solution leur permet d’avoir une véritable tour de contrôle, qui leur offre une vision globale sur les centaines de sites surveillés et les milliers d’agents qui en ont la charge.
Travaillez-vous éventuellement toujours à l’amélioration, à l’enrichissement de votre logiciel ?
Bien sûr ! Les technologies évoluent très vite, et tout ce qui est de nature à faciliter le travail de l’utilisateur nous intéresse. Nous sommes ainsi notamment en train d’enrichir la fonction mobile. Les utilisateurs de terrain vont par exemple pouvoir faire remonter des schémas d’observation.
Certains clients nous font aussi part de leurs besoins. Nous évaluons la faisabilité et développons, le cas échéant, de nouvelles fonctionnalités sur mesure, qui peuvent ensuite éventuellement être proposées à l’ensemble de nos clients.
Nous avons eu la volonté de départ d’être disruptifs. Depuis un an, nous nous apercevons, en France comme à l’étranger, que notre idée de fusionner l’ensemble des données et de les rendre accessibles via une interface unique est de plus en plus appréciée et recherchée. Il y a un vrai besoin de simplification, tout en étant plus performant et plus moderne.
Pour quel modèle économique avez-vous opté ?
Nous proposons aussi bien l’achat que l’abonnement. Cela dépend fortement de la culture du client. Certains préfèrent faire l’acquisition de la solution, là où d’autres optent pour le SaaS[3]. Si le moteur de la solution peut ainsi être dans le Cloud, nous avons toutefois à cœur de protéger les données du client, qui ne quittent pas ses propres serveurs.
[1] Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale
[2] Video management system
[3] Software as a service
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