Le plan stratégique national (PSN), déclinaison de la future politique agricole commune (PAC), vient d’être présenté par le ministre de l’agriculture Julien Denormandie. Et il risque bien de décourager les agriculteurs bio français.
Vendredi 21 mai, le ministre de l’Agriculture annonçait officiellement les premiers arbitrages du plan stratégique national (PSN), déclinaison de la future politique agricole commune (PAC). Le ministre évoque un maître mot : « la consolidation ». Il s’agit d’une PAC consolidée qui maintient les grands équilibres économiques en place. Mais elle risque surtout de décourager les agriculteurs bio français.
Les ONG fustigent ce nouveau plan. « Le constat que l’on peut tous faire est que la PAC actuelle ne fonctionne pas correctement, donc c’est cela que l’on va stabiliser », ironise Mathieu Courgeau, porte-parole de la plateforme Pour une autre PAC. Le collectif regroupant 46 organisations parle d’un « statu quo irresponsable ». La fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) dénonce pour sa part « la caricature anti-environnementale » du gouvernement. Et pour la Confédération paysanne, le ministre est « en plein renoncement ».
Les agriculteurs bio craignent pour leur avenir
La Fnab dénonce l’abandon des aides au maintien à l’agriculture bio depuis 2017 et la baisse de certaines mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) dites « systèmes ». Ces aides sont souvent préalables à la conversion bio des exploitations agricoles. Sur les 260 millions d’euros d’aides annuelles dédiées aux MAEC, 30 millions vont être redéployées à des mesures localisées et 22 millions d’euros pourraient être redéployées sur des MAEC forfaitaires si le règlement européen l’autorise. En plus, 33 millions d’euros seraient alloués aux Régions pour le renouvellement des générations. « Le redéploiement de ces différents montants risque de faire baisser encore les aides aux MAEC systèmes utilisées en agriculture bio », déplore Mathieu Courgeau. Selon la Fnab, les paysans bio pourraient ainsi voir en 2023 leurs aides financières environnementales reculer de 66 %.
Le ministère de l’agriculture préfère communiquer sur un autre chiffre : une hausse de 250 millions à 340 millions d’euros des aides à la conversion bio. « La communication sur une enveloppe augmentée pour les paysans conventionnels qui veulent se convertir à la bio n’est que poudre aux yeux, ce budget est fictif et ne sera jamais dépensé, personne n’ira se convertir sans soutien durable », dénonce Loïc Madeline, secrétaire national PAC à la FNAB.
Mettre sur un pied d’égalité Haute Valeur Environnementale et bio
Dans la PAC actuelle, 30 % des aides directes concernent le « paiement vert ». Cette aide est versée à tout exploitant qui respecte trois critères environnementaux. Pour y prétendre, les exploitants doivent contribuer au maintien, au niveau régional, d’un ratio de prairies permanentes par rapport à la surface agricole utile de la région et ne pas retourner certaines prairies permanentes, dites « sensibles ». En plus, ils doivent diversifier leurs cultures avec au moins trois cultures dans le cas général. Et ils doivent disposer d’au moins 5 % de surfaces d’intérêt écologique (SIE) sur leur exploitation.
Avec la nouvelle PAC, ces aides deviennent une conditionnalité à l’ensemble des aides. Leur budget dédié est donc réorienté sur différents postes. Mais il y a une nouveauté en théorie à vocation environnementale : l’écorégime. Celui-ci représentera désormais 25 % des aides du premier pilier de la PAC en France. Le ministre prévoit deux niveaux (base et supérieur). Cet écorégime se veut « accessible à tous », selon le ministre. Ainsi, il sera accessible via trois voies d’accès : les pratiques agricoles, les certifications environnementales ou les infrastructures agroécologiques. « Le problème est que le niveau de base sera accessible à un niveau de certification environnementale 2+, un niveau qui reste à construire et qui risque de ne pas être assez ambitieux lorsque l’on sait que le niveau 2 est le simple respect de la réglementation et que le niveau 3 – le plus haut niveau – a déjà plusieurs trous dans la raquette. Ce qui a provoqué la colère des agriculteurs bio est que l’écorégime supérieur met sur le même pied d’égalité l’agriculture bio et les exploitations certifiées Haute Valeur environnementale (niveau 3) ».
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