Cette action s’inscrit dans le cadre d’une vaste enquête du gendarme français du nucléaire suite à la découverte fin 2014 d’une anomalie sur le couvercle et la cuve du réacteur de Flamanville actuellement en construction. Elle concernait la composition chimique de l’acier dans la partie centrale du couvercle et du fond de la cuve du réacteur EPR fabriquée par Creusot Forge.
Concentration de carbone
Selon l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), L’anomalie constatée est relative à la présence de carbone, en excès par rapport aux spécifications, dans l’acier constitutif des calottes hémisphériques utilisées pour fabriquer le couvercle et le fond de la cuve du réacteur EPR. C’est pourquoi l’ASN a demandé, d’une part que soient identifiés l’ensemble des composants des réacteurs d’EDF en fonctionnement qui ont été obtenus par la même technique de fabrication que celle des calottes hémisphériques de la cuve de l’EPR de Flamanville, d’autre part que soit menée une revue des pratiques et de la maîtrise de la qualité des pièces produites par Areva NP.
La conséquence de la présence de carbone en excès dans un acier comme celui utilisé pour la fabrication des composants de la cuve ou des générateurs de vapeur (acier dit ferritique) est notamment un affaiblissement des propriétés mécaniques de résistance à la fissuration (la ténacité de l’acier). Les justifications permettant de montrer que cet affaiblissement est sans conséquence pour la sûreté ont pu être apportées rapidement pour les couvercles de cuve et des éléments avaient été fournis antérieurement pour les plaques tubulaires. Le cas des fonds primaires de générateurs de vapeur nécessite quant à lui des investigations complémentaires.
Fabrication japonaise défaillante
Les fonds primaires de générateur de vapeur, dont l’acier présente un excès de carbone (au-delà d’une concentration de 0,22 %) du fait de leur mode de forgeage, ont été produits par seulement deux fabricants : Creusot Forge (CF) et la Japan Casting and Forging Corporation (JCFC). La grande majorité des irrégularités relevées lors de la revue de la qualité des pièces produites à l’usine du Creusot a été instruite, permettant de conclure à l’absence de conséquences pour la sûreté des réacteurs concernés. Ce qui n’est pas le cas du fournisseur japonais. Les connaissances de l’exploitant sont moins détaillées pour les fonds fabriqués par JCFC que pour ceux fabriqués par CF. De par leur fabrication, les fonds de générateur de vapeur de JCFC sont décarburés en surface extérieure, ce qui interdit les mesures de concentration de carbone sur ces surfaces. Les mesures réalisées sur le méplat des générateurs de vapeur des réacteurs n°1 et 3 de Tricastin montrent des concentrations de carbone atteignant 0,39 % (les valeurs mesurées jusque-là ne dépassaient pas 0,32 % et restaient proches de celles rencontrées pour les calottes hémisphériques de la cuve de l’EPR de Flamanville). Ces valeurs remettent donc en cause les hypothèses retenues jusqu’alors.
18 réacteurs concernés
L’IRSN a dénombré 46 générateurs de vapeur répartis sur 18 réacteurs de 900 ou 1450 MWe (la France en compte 58) dont les fonds sont affectés par cette anomalie. Depuis, 6 réacteurs ont été autorisés à reprendre leur activité sous réserve que les mesures de concentration de carbone et les contrôles non destructifs ne remettent pas en cause les hypothèses de l’analyse d’EDF. 12 réacteurs, dont les fonds des générateurs de vapeur ont tous été forgés par le japonais JCFC pour le compte d’Areva, sont encore concernés. 7, sont actuellement en l’arrêt pour maintenance programmée, et ont fait ou vont être l’objet prochainement de contrôles Enfin, les 5 derniers devront être arrêtés prématurément. EDF se dit confiant dans sa capacité à apporter les preuves de la sûreté de ses installations. L’enjeu est grand pour l’électricien qui sort, comme chaque année, de la période estivale consacrée à la maintenance du parc nucléaire. La disponibilité de celui-ci doit être maximum en hiver pour couvrir les pics de consommations liés notamment au chauffage électrique. Chaque réacteur compte. Et l’arrêt ne serait-ce que de l’un d’eux complique l’équilibre du réseau sans parler des pertes financières pour l’exploitant. L’ASN indique qu’elle « examine, avec l’appui de l’IRSN, les éléments de justification transmis par EDF. Cette instruction nécessitera quelques semaines, voire davantage si le dossier transmis appelle des compléments ».
Comme la loi le prévoit, c’est l’ASN qui aura le dernier mot.
Romain Chicheportiche
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