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Automobile : la filière s’engage

Posté le 24 mai 2024
par Stéphane SIGNORET
dans Entreprises et marchés

Pour afficher leur volonté de décarboner le secteur automobile, la filière et l’État ont signé un contrat stratégique. Peu d’objectifs chiffrés et beaucoup d’intentions de principe qu’il reste à concrétiser très rapidement.

Début mai, l’État a réuni le Comité stratégique de filière (CSF) automobile. Objectif : signer un nouveau contrat de filière qui doit orienter tout le tissu industriel vers une nouvelle chaîne de valeur permettant de réduire de 100 % les émissions des véhicules à l’échappement à partir de 2035, comme prévu par le cadre législatif européen. L’enjeu est d’autant plus complexe que la filière vise aussi une plus forte digitalisation de ses produits, de ses process industriels et des services de mobilité, et que l’impératif de création d’emplois et de richesses sur les territoires se fait plus pressant.

La filière automobile dit se positionner comme « services et industries des solutions face au défi climatique » selon les mots de Luc Chatel, président du CSF : formule assez audacieuse quand on sait que le secteur du transport routier est le premier émetteur de CO2 en France… Le défi de la conversion des moyens de déplacement vers des solutions décarbonées a en tout cas été bien identifié comme un défi industriel, complémentaire des autres actions comme le développement des transports en commun, des mobilités douces, etc.

Un début de transition

Le précédent contrat stratégique 2018-2022 a déjà mis la filière sur la voie de l’électrification des véhicules. Ainsi, 200 000 véhicules électriques ont été vendus en 2022 et 300 000 en 2023, représentant une part de marché autour de 18 %. Le nombre de points de recharge a atteint 100 000 en mai 2023. Le soutien de l’État à l’innovation a aussi été relevé, notamment à travers le Comité d’orientation pour la recherche automobile & mobilités (Coram). Ce dernier a épaulé 60 projets depuis 2020, avec 393 M€ d’aides pour 1,2 Md€ d’investissements.

À date, quatre projets de gigafactories dans le domaine des batteries électriques ont aussi été annoncés en France, pour faire émerger une offre nationale innovante et compétitive. Bruno Lemaire a appuyé cet aspect de la réindustrialisation française en allant visiter récemment le site de Blue Solutions (groupe Bolloré) dans le Finistère. Le spécialiste des batteries solides Lithium-métal y a officialisé son activité de R&D et le lancement d’une ligne de production pilote dans l’agglomération de Quimper. Elle sera suivie par la construction d’une grande usine de fabrication de batteries dans le Grand-Est, près de Mulhouse. À terme, avec un investissement global de 2,2 milliards d’euros – grandement aidé par des crédits d’impôt – cette gigafactory vise une production annuelle de 25 GWh de batteries, soit l’équivalent des besoins de 250 000 véhicules électriques par an, selon Blue Solutions.

Mais tout cela n’est qu’un début. Le nouveau contrat stratégique 2024-2027 engage toute la filière à accélérer, des constructeurs de véhicules jusqu’à tous les équipementiers et entreprises de services.

Six axes pour 2027

Ce nouveau contrat s’articule autour de six axes. Les trois premiers ambitionnent de stimuler l’innovation, de gagner en compétitivité, de renforcer l’attractivité de la filière, de former aux nouvelles compétences, de sécuriser les approvisionnements stratégiques (spécialement sur l’électronique de puissance), et de renforcer une dynamique collective. Il s’agit de mettre tout en œuvre pour que le contexte soit favorable à la mutation du secteur automobile, avec un fort rôle de l’État, par exemple grâce aux aides de France 2030.

L’axe 4 vise particulièrement l’accélération de la transition écologique. Il s’appuie sur les objectifs fixés par la planification nationale : multiplier par quatre les ventes de véhicules particuliers 100 % électriques par rapport à 2022, soit 800 000 en 2027 ; multiplier par six celles de véhicules utilitaires légers pour dépasser 100 000 ventes en 2027. Pour y arriver, le contrat prévoit le maintien de dispositifs de soutien à l’achat de ce type de véhicules (sans les détailler), le déploiement d’infrastructures de recharge et d’avitaillement, y compris en hydrogène, et la promotion de l’offre de véhicules électriques « en prenant en compte l’exigence de sobriété ». Sur cet aspect, il est évoqué l’optimisation de la consommation de matières et l’allègement des structures, sans qu’on sache vraiment si c’est un appel à construire des voitures plus petites. Par ailleurs, aucun mot sur les véhicules roulant au bioGNV, qui auraient pourtant un rôle à jouer dans la décarbonation.

Enfin, les deux derniers axes complètent la panoplie des objectifs de durabilité de la filière automobile. L’un en insistant sur l’intérêt de l’économie circulaire (écoconception, réemploi et remanufacturing de pièces, recyclage des métaux, des plastiques, des batteries, des composants électroniques et des véhicules industriels). L’autre en englobant toutes les autres actions sur le parc de véhicules existants (carburants décarbonés, rétrofit, écoconduite, etc.) et sur les usages (covoiturage, intermodalité, nouveaux services des collectivités locales).

Il restera à voir si toutes ces bonnes intentions seront effectivement et rapidement appliquées par le secteur automobile. Une proposition de loi en cours d’examen sur l’accélération et le contrôle du verdissement des flottes sera un bon test : les entreprises concernées (notamment les loueurs) ne doivent pas freiner son ambition afin que ce soit un levier de déploiement massif des véhicules électriques, comme l’ont fait remarquer plusieurs associations et la CFDT dans une lettre ouverte au Premier ministre fin avril.


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