Fin janvier, le syndicat professionnel des métiers de l’ingénierie, Syntec-Ingénierie, présentait la première édition de son baromètre économique de l’ingénierie*. Parmi les constats révélés par cette étude, le sous-effectif structurel du secteur qui atteint 2 à 4 % a particulièrement alarmé le syndicat. Pierre Verzat, son président commentait ainsi « Alors qu’elles créent des richesses partout dans l’hexagone, nos entreprises sont confrontées à un défi majeur : il n’y a pas assez d’ingénieurs et de techniciens formés en France ! Cela occasionne pour elles un manque à gagner allant jusqu’à 1 Md d’euros par an ».
Des métiers en tension dans les nouvelles technologies
En réalité, la tension de recrutement concerne encore plus les techniciens que les ingénieurs. Ainsi, précise l’étude, si le secteur prévoit 50 à 60 000 recrutements par an entre 2018 et 2021, ce sont 27000 créations nettes qui sont prévues dont 17200 ingénieurs et 9800 techniciens. Sur le marché du travail, les diplômés de niveau III (bac+2) ne sont plus assez nombreux. Non pas que l’on n’en forme pas assez, mais surtout parce que 58 % des diplômés des filières courtes préfèrent poursuivre leurs études. Les employeurs en arrivent à embaucher des ingénieurs à la place des techniciens. L’attractivité des emplois et les perspectives de carrière et de passage d’un niveau III à un niveau II ou I au cours de la vie professionnelle ne semblent pas assez lisibles et visibles pour retenir les jeunes diplômés d’IUT ou de STS.
Parmi les métiers particulièrement en tension, l’étude met en avant des profils liés à l’introduction massive et rapide des nouvelles technologies dans des métiers traditionnels : ingénieur des procédés, projeteur (dont projeteur BIM), manager BIM, architecte internet des objets, expert cybersécurité, data scientist. Dans le top 10, deux métiers concernent directement le BTP (directeur et conducteur de travaux) et soulignent le besoin en compétences managériales de ce secteur dont les grands projets et le changement d’échelle des entreprises nécessitent plus de postes d’encadrement.
Dynamiser la formation à tous les stades
L’état des lieux dressés par cette étude souligne aussi les défis que la branche de l’ingénierie doit relever d’ici 2025. Notant que les 73000 entreprises recensées sont de tailles très diverses, elle pointe un risque de concentration encore accrue dans le secteur avec l’arrivée de la numérisation des activités qui créent un « ticket d’entrée », notamment avec des technologies comme l’IA et les datas pour lesquelles l’investissement n’est pas toujours accessible aux petites structures et qui pourtant seront les principaux atouts différenciant dans les prochaines années. Le document alerte sur le paradoxe rencontré par le secteur : une demande et des marchés porteurs mais des marges faibles en raison d’une pression sur les prix et d’une hausse des salaires accompagnées d’une hausse des coûts externes (déplacement pour expertise internationale et demande de compétences de pointe complémentaires ponctuelles, notamment en région). Les auteurs de l’étude annoncent ainsi un repositionnement de tous les acteurs de la chaîne d’ingénierie dans les 3 ans à venir qui devraient modifier profondément les profils. Cette transformation devrait aussi être renforcée par le lancement de grands projets structurants en France (Grand Paris, Grand carénage du nucléaire, rénovation des réseaux – ferrés, énergie, télécommunication) pour lesquels une taille critique est nécessaire et qui requiert l’embauche de nombreux techniciens. Réussir à synchroniser les besoins du marché et les efforts de formation est un défi essentiel à relever et l’étude propose des pistes pour y parvenir. Notamment en mettant en place des partenariats structurés et continus entre la branche et tous les niveaux de formation pour évaluer les besoins et mettre en adéquation des contenus de formations au plus proche du réel, avec un accent mis sur l’alternance. Elle propose aussi de s’appuyer sur la bonne image des métiers techniques et de l’ingénierie pour recruter plus en palliant la méconnaissance des collégiens et lycéens sur la réalité de ces professions et en introduisant plus de porosité entre l’entreprise et les études et entre les différents niveaux. Pierre Verzat insiste ainsi sur « la nécessité de revoir de toute urgence l’offre de formation et de sensibiliser de nouveaux publics aux métiers de l’ingénierie, sous peine d’entraver le développement et l’attractivité de nos territoires » Un travail à mener aussi particulièrement auprès du public féminin chroniquement sous-représenté (tout juste 30 % des effectifs en formation).
*Etude réalisée par le cabinet EY pour le compte de l’OPIIEC (Observatoire paritaire des métiers du numérique, de l’ingénierie, des études et du conseil et des métiers de l’événement) – juin – décembre 2018.
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