Symbiose hydro-éolienne en Uruguay. Solaire pur jus au Mexique. Electricité volcanique au Costa-Rica. Photovoltaïque solidaire au Pérou. L’Amérique latine prend la transition énergétique très au sérieux. ¡ Viva la Revolución !
L’Uruguay, un pays dans le vent
Grand comme un tiers de la France et peuplé par 3,4 million d’habitants, l’Uruguay a choisi de miser sur les énergies bon marché et durables. Situé sur le littoral Atlantique et à cheval entre l’Argentine et le Brésil, ce petit pays jouit d’un facteur de capacité de l’éolien terrestre de 35% en moyenne. L’éolien se combine parfaitement à l’élevage du bétail, l’une des principales activités économiques de ce membre du Mercosur.
La demande électrique uruguayenne est de 11 TWh par an, soit l’équivalent de la moitié de celle de la Bretagne. Dans le passé la moitié de l’électricité provenait des énergies fossiles, et l’autre moitié de l’hydraulique. La part de l’hydroélectricité est la même aujourd’hui, mais les énergies fossiles régressent rapidement grâce à la très forte poussée de l’éolien. Très bon marché l’électricité obtenue à partir du vent fait baisser la facture électrique des consommateurs. Ce qui est très apprécié dans ce pays où un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté.
En 2016 l’Uruguay comptera une puissance éolienne d’1,2 GW délivrant 3,7 TWh par an et répondant à environ 30% de la demande électrique nationale. La bioélectricité et le solaire photovoltaïque contribueront à hauteur de 10% au mix électrique du pays qui sera alors au final à 90% d’origine renouvelable. Il ne restera alors que 10% d’énergie fossile à éliminer durant les années suivantes.
L’Uruguay aimerait doubler le Danemark pour accéder au titre de champion du monde de la part d’éolien dans le mix électrique. Mais, malgré ce qu’en dit la presse latino-américaine par fierté continentale, il n’y parviendra très probablement pas. Le pays de la petite sirène a produit en effet 39% de son électricité à partir du vent en 2014 selon l’opérateur danois Energinet. Selon les experts il dépassera les 40% en 2015 et parviendra à franchir la barre des 50% avant 2020. En France, pays qui dispose de trois façades maritimes très bien ventées, l’éolien a pesé 3,6% en 2014.
Au Mexique, la ville de La Paz (215.000 habitants) passe au 100% solaire + stockage
La Paz, ville littorale de l’état de Baja-California, était déjà leader du pays d’Emiliano Zapata avec un parc solaire PV de 39 MW (Aura Solar 1) répondant aux deux tiers de sa demande électrique. Mais pour réduire encore davantage la facture en combustibles fossiles cette ville dont la population est équivalente à deux fois celle de La Rochelle va s’équiper d’un second parc solaire de 27 MW (Aura Solar 2), parc couplé à une batterie de 11 MW. Le développeur du projet est l’entreprise Grupotec.
Dans cette région du monde inondée de soleil la demande électrique suit fortement l’insolation solaire, du fait de la forte demande en climatisation. Le solaire est ainsi parfaitement adapté. Les 66 MW cumulés de solaire PV délivreront sur 24 heures une puissance moyenne d’environ 19 MW. Les 11 MW de batterie seront suffisants pour assurer la couverture électrique nocturne.
Le projet Aura Solar 1 n’a bénéficié d’aucune subvention. L’électricité est vendue à la Comisión Federal de Electricidad (CFE) dans le cadre d’un contrat PPA (Power Purchase Agreement) d’une durée de 20 ans.
Le gouvernement fédéral mexicain s’est fixé un objectif de 6 GW de solaire à horizon 2020. Ce marché émergent suscite un intérêt croissant.
Le Costa-Rica porté par les rivières et les volcans
L’hydroélectricité et électricité géothermique ont délivré 100% de l’électricité consommée au Costa-Rica durant les 75 premiers jours de 2015. Grand comme deux fois la Bretagne et peuplé par 5 millions d’habitants, ce pays d’Amérique centrale jouit de ressources naturelles (rivières et volcans) qui lui ont grandement facilité la tâche.
Plus au sud le Pérou va distribuer des panneaux solaires aux deux millions de plus pauvres du pays. Coût du programme ? Seulement 200 millions de dollars, soit une moyenne de 100 dollar par personne aidée. 125.000 systèmes photovoltaïques seront installés, permettant d’alimenter en électricité 500 000 foyers comptant 4 personnes en moyenne.
Au Chili les industriels des mines (notamment de cuivre) commencent à prendre conscience de l’intérêt du solaire pour répondre à leurs besoins en énergie et de grands projets solaires sont en cours. Dont un, « Espejo de Tarapaca », particulièrement intéressant en mariant 600 MW de solaire PV avec une STEP de 300 MW (stockage hydraulique gravitaire). D’autres projets combinent de manière judicieuse solaire photovoltaïque et solaire thermodynamique avec stockage thermique (Lire sur Techniques de l’ingénieur l’article « La prometteuse alliance du solaire…avec le solaire !« ).
La filiale chilienne du français EDF Energies Nouvelles a annoncé le 14 avril 2015 qu’elle « a entrepris la mise en œuvre de son premier projet de centrale solaire, Laberinto, d’une puissance installée de 146 MWc. Situé dans le désert d’Atacama, au nord du Chili, ce projet bénéficie du plus haut niveau de radiation solaire au monde. »
Et au nord ?
Au nord du continent américain une étude réalisée par 70 scientifiques, ingénieurs et professeurs d’université provenant de l’ensemble des provinces du Canada a été publiée le 18 mars 2015 et conclut que le Canada, qui produit dès à présent une bonne partie de son électricité à partir de la grande hydraulique, peut passer au 100% renouvelable dès 2030.
Les énergies fossiles pèsent aujourd’hui 23% dans le mix électrique de ce grand pays nordique, et elles peuvent être selon les auteurs du rapport facilement remplacées par l’éolien et le solaire. La ressource éolienne est remarquablement abondante dans le nord de la Colombie Britannique et du Québec. Et l’insolation est particulièrement intéressante dans les provinces de l’Alberta et du Saskatchewan. Différentes technologies (dont le solaire bifacial) permettent d’ailleurs de tirer profit de l’albedo élevée de la neige et de la glace.
A noter qu’en Europe le réservoir hydraulique scandinave, de même nature que le réservoir canadien et également sculpté par l’érosion glaciaire, a un volume largement suffisant pour permettre à l’ensemble de l’Europe de passer à une très forte teneur d’électricité solaro-éolienne (Lire sur Techniques de l’ingénieur le livre blanc: « La Norvège, future batterie bleue de l’Europe ?« ).
Au Texas la ville de Georgetown passe au 100% solaro-éolien…Parce que cela coûte moins cher que les énergies sales conventionnelles. Le solaire PV a représenté un tiers des nouvelles puissances électriques installées aux USA en 2014.
Selon une étude publiée le 16 mars 2015 dans la prestigieuse revue Nature Climate Change (Letter) par Rebecca R. Hernandez et al, le solaire peut répondre à 500% des besoins en énergie (y compris transports et chaleur) de la Californie, la 8ème puissance économique mondiale et peuplée de 38 millions d’habitants. Ceci en se limitant aux surfaces favorables des sites déjà anthropisées et en préservant intégralement les espaces naturels.
Par Olivier Daniélo
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