La fusée Ariane-6 a finalement décollé pour la première fois le 9 juillet 2024 depuis le Centre spatial guyanais. Vous avez loupé l’événement ? Techniques de l'ingénieur revient sur l'importance stratégique et commerciale de ce nouveau lanceur européen.
C’est une réussite avec quatre ans de retard sur le planning initial… Le 9 juillet 2024, la fusée Ariane-6 a effectué son vol inaugural depuis le Centre spatial guyanais. Ce lancement a notamment permis la mise en orbite d’une dizaine de « cubesats », des microsatellites cubiques, élaborés par des universités, des scientifiques ou encore la Nasa. Le vol de démonstration a confirmé la capacité du lanceur à s’extraire de l’attraction terrestre et à atteindre différentes altitudes. Seule ombre au tableau : le troisième allumage du moteur qui devait permettre la rentrée dans l’atmosphère de l’étage supérieur, afin de retomber dans le Pacifique, ne s’est pas opéré.
Ariane-6 pourra, comme Ariane-5, placer des satellites en orbite géostationnaire, à 36 000 kilomètres d’altitude. Mais elle pourra en plus placer en orbite des constellations de satellites à quelques centaines de kilomètres de la Terre. Pour cela, l’étage supérieur de la fusée dispose du moteur rallumable Vinci. Au cours du vol, il a été allumé avec succès à deux reprises pour amener l’étage supérieur là où il a largué les « cubesats ».
L’accès autonome à l’espace retrouvé
Ce vol d’Ariane-6 était stratégique pour les Européens. Dans un contexte de tensions géopolitiques, il redonne aux Européens un accès autonome à l’espace. Depuis un an, ce n’était plus le cas. Et pour cause : en période de transition entre les deux lanceurs Ariane, l’Europe devait recourir au lanceur moyen russe Soyouz. Une voie abandonnée depuis la guerre en Ukraine. En parallèle, aucun lancement du nouveau lanceur léger européen Vega-C n’a été réalisé après son accident au décollage depuis Kourou, le 20 décembre 2022.
Les Européens n’auront plus à compter sur les seuls lanceurs spatiaux américains, indiens ou chinois pour accéder à l’espace. Surtout, Ariane-6 offre aux Européens une solution alternative au géant américain SpaceX. Grâce à ses fusées réutilisables Falcon-9, la compagnie d’Elon Musk s’est rapidement imposée comme l’un des leaders du marché et garde plusieurs longueurs d’avance. SpaceX lance environ deux Falcon-9 par semaine, lorsque Ariane-6 a été conçue pour permettre dix à douze décollages par an.
Un carnet de commandes public et privé
Le premier lancement opérationnel et commercial d’Ariane-6 devrait avoir lieu en fin d’année avec le satellite d’observation militaire français CSO-3. L’enjeu sera ensuite de réussir la montée en cadence des vols : six sont prévus en 2025 et huit l’année suivante. En juin, Stéphane Israël, président exécutif d’Arianespace, se réjouissait. « Avec 30 missions en carnet, Ariane-6 a déjà gagné la confiance de ses clients institutionnels et commerciaux. Nous nous préparons à opérer le deuxième lancement d’Ariane-6 d’ici la fin de l’année, puis à monter en cadence pour viser une dizaine de lancements par an en rythme de croisière. »
L’exploitation commerciale du lanceur sera assurée par Arianespace. Sa capacité autonome à atteindre l’orbite terrestre et l’espace lointain permet de répondre aux besoins de clients de tous horizons, pour des missions institutionnelles et commerciales. « Avec ses deux configurations 62 et 64 (avec 2 ou 4 boosters solides) et son étage supérieur réallumable jusqu’à 4 fois, Ariane-6 sera capable de répondre à toute mission de lancement », détaille à la Dépêche, Julio Monreal Hijar, consultant en transports spatiaux à l’ESA.
Côté commandes institutionnelles, Ariane-6 pourra compter sur les gouvernements et l’Union européenne pour les programmes européens de navigation, d’observation de la Terre, de science et de sécurité, comme Galileo ou Copernicus. Côté entreprises, Ariane-6 compte déjà une commande de 18 lancements pour Amazon, pour sa constellation de satellites Kuiper, un service d’accès à internet haut débit par satellite.
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