L’opérateur des satellites météorologiques européens, Eumetstat a annoncé, le 27 juin dernier, qu’il confiera le lancement de son satellite Meteosat MTG-S1[1] à la fusée Falcon 9 de SpaceX. Pourtant, le contrat entre Eumetsat et Arianespace avait été officialisé en mars 2021 et devait aboutir à la mise sur orbite du sondeur MTG-S1 pour le troisième vol d’Ariane 6 début 2025.
Les raisons de ce revirement, dévoilé par Le Monde, ne sont pas précisées. Un jour après l’annonce, le directeur général d’Eumestat, Phil Evans, a seulement affirmé que « des circonstances exceptionnelles » ont motivé cette décision sans détailler lesquelles. Le contrat de départ comprenant quatre lancements par la fusée Ariane 6, ce désistement fait planer une incertitude concernant le devenir des trois autres satellites.
Selon Le Monde, ce serait le comité exécutif d’Eumetsat qui aurait demandé au conseil d’administration, représentant les 30 États membres, d’annuler le contrat signé avec Arianespace pour choisir la fusée Falcon 9 de SpaceX.
Ce désistement intervient alors qu’Ariane 6 s’apprêtait à réaliser son vol inaugural depuis le Centre spatial guyanais à Kourou. Annoncé à moins de deux semaines de ce lancement déterminant pour le groupe Arianespace, ce choix pourrait révéler un manque de confiance vis-à-vis des performances futures de cette fusée. Les quatre années de retard accumulées par le groupe pourraient expliquer cette méfiance. Cependant, le président d’Arianespace avait souligné, quelques mois plus tôt, que les 30 vols affichés sur le carnet de commandes étaient une marque de confiance de la part des clients : « Nous avons trente missions à réaliser, c’est sans précédent pour un lanceur qui n’a pas encore volé », selon des propos rapportés par Le Monde.
Absence de préférence européenne
Le choix de l’agence européenne Eumetsat fait resurgir une problématique cruciale aux enjeux stratégiques capitaux : l’absence de préférence européenne dans le domaine spatial. En effet, alors qu’aux États-Unis une préférence existe pour les lanceurs nationaux, en Europe règne une absence de cadre réglementaire qui pénalise les fusées européennes sur le marché.
Les répercussions sont aussi politiques puisque c’est l’Allemagne qui aurait manœuvré pour imposer le choix de SpaceX au détriment de la société européenne Arianespace et malgré l’opposition de la France. La pression viendrait de l’action conjointe de Berlin et du fabricant de satellites allemand, le groupe OHB.
Cette désunion met en lumière le manque de stratégie commune au sein de l’Union européenne. Le président du CNES[2], Philippe Baptiste, s’est montré critique vis-à-vis de cette décision et appelle la Commission européenne à prendre « les mesures nécessaires pour que tous les satellites institutionnels européens soient lancés sur de petits et grands lanceurs européens ».
Un retour à l’accès souverain de l’Europe à l’espace ?
Ce changement de cap démontre que l’industrie spatiale européenne est confrontée à un défi majeur : reconquérir son autonomie dans le domaine spatial.
L’Europe nourrit l’espoir de retrouver cet accès indépendant à l’espace grâce à la réussite, le mardi 9 juillet dernier, du vol inaugural d’Ariane 6 avec le déploiement sur orbite d’une dizaine de micro-satellites. À la suite de ce lancement, le président d’Arianegroup a fait savoir qu’il souhaitait favoriser l’usage des fusées européennes pour lancer les satellites publics européens ; il a exhorté les états européens à faire preuve « de bon sens ».
Alors que la fin de l’année 2022 a été marquée par l’échec du premier vol commercial de la nouvelle fusée italienne Vega-C et que l’Europe n’a effectué que trois tirs en 2023 comprenant les deux dernières Ariane 5 et une fusée Vega, les États-Unis ont une nouvelle fois dominé le marché mondial des lanceurs spatiaux en réalisant 107 vols orbitaux en 2023. Une performance qui doit beaucoup à la firme d’Elon Musk qui comptabilise, à elle seule, 96 lancements au cours de l’année, soit deux par semaine.
[1] Meteosat Troisième Génération
[2] Centre national d’études spatiales
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