L’agence spatiale et les industries aéronautiques européennes ont lancé le programme Ariane 6 en décembre 2014. Objectif : garantir l’accès à l’espace pour l’Europe à un prix compétitif et sans que le secteur public ne supporte toute la facture. Il faut dire que la concurrence sur les lanceurs est devenue féroce : il faudra notamment pouvoir faire face à des acteurs comme l’américain Space X qui confirme la fiabilité de son lanceur Falcon 9 et voit son projet de lanceur réutilisable prendre forme (l’entreprise a réussit à poser le 8 avril dernier le premier étage sur une barge en mer). C’est pourquoi, c’est désormais les coûts de développement et d’exploitation qui guident les choix technologiques et organisationnels dans les projets de nouveaux lanceurs européens.
Pas de révolution pour les propulseurs
ASL (Airbus Safran Launchers), maître d’oeuvre a dévoilé les options technologiques proposées qui seront fournies à l’ESA à la fin du mois d’avril pour validation définitive en septembre prochain. Ariane 6 est un lanceur qui répond aux attentes du marché des satellites de masse moyenne (jusqu’à 5 tonnes) et de masse lourde (jusqu’à 10,5 tonnes) en orbite géostationnaire. Il complète l’offre proposée par Vega, opérationnelle depuis 2015 et qui est destinée aux petites charges. Ariane aura 3 étages, le premier à propulsion solide modulaire : équipé de 2 ou 4 boosters P120 selon la charge à mettre en orbite. Ces boosters P120 sont communs avec ceux de Vega C, l’évolution de Vega actuellement en conception. Le deuxième étage utilisera une propulsion à ergols cryogéniques (hydrogène et oxygène) sur le moteur Vulcain 2 utilisé par Ariane 5 et un peu amélioré. Le troisième étage sera bâti sur celui d’Ariane 5 ME (Mid-Evolution), une version d’Ariane 5 évoluée qui fait la transition avec Ariane 6. Il utilisera le moteur Vinci à propulsion cryogénique en cours de développement (test prévu courant 2018). Un moteur qui peut redémarrer plusieurs fois, permettant des manœuvres orbitales complexes pour installer deux satellites à des orbites différentes par exemple.
Utiliser des composants du marché
Pour limiter les coûts, l’idée c’est de trouver sur les marchés de pointe comme l’aviation civile, la téléphonie ou l’automobile, les composants utiles au lanceur sans avoir à les fabriquer spécifiquement. Et si la structure globale d’Ariane 6 est calquée sur Ariane 5 et Vega pour une fabrication en série, un gros travail d’innovation est fourni sur les matériaux et les techniques de fabrication de certaines pièces (bobinage de carbone à la place du métal sur les corps de propulseurs, soudure par friction-malaxage à la place de la soudure TIG / impression 3D etc.).
Le terrain industriel déjà préparé
Toute la recherche et l’industrialisation d’Ariane 6 pilotée par ASL se fait via une organisation en mode coopératif et ouverte : les ingénieurs des différents partenaires (Cnes, Air Liquide ou encore Sabca ou Ruag) partagent un même plateau de travail aux Mureaux (78) et les modifications apportées par les uns et les autres apparaissent sur une maquette numérique commune. ASL a aussi déjà préparé la production industrielle en regroupant les fabrications de manière stratégique (pièces métalliques en Allemagne avec MT Aerospace, pièces composites en Espagne par Airbus). Le terrain de 20 000m2 où sera édifié le bâtiment d’assemblage est prêt. La première pierre est prévue fin 2016 et la livraison en 2017. Et cette fois, toute la chaîne de fabrication-montage est prévue à l’horizontale – ce qui évitera le travail en hauteur comme sur Ariane 5. De son côté, le CNES a déjà entamé l’excavation pour le site de lancement et le nouveau pont de lancement est à l’étude afin que tout soit opérationnel en 2019 pour les premiers tests avant le vol inaugural prévu en 2020.
Incertitudes sur l’entité ASL
Si tout le tissu industriel est prêt, il reste encore à passer quelques difficultés administratives : d’une part la coentreprise ASL (qui comptera 8000 salariés) attend encore une réponse des services administratifs concernant certains transferts de capitaux et d’autre part la Commission européenne a ouvert une enquête sur le projet d’ASL d’acquérir 74% du capital d’Arianespace. Opération qui pourrait s’avérer contraire au règlement européen sur les concentrations. Réponse seulement mi-juillet 2016. Deux décisions qui empêche pour l’instant ASL d’aller plus avant dans certaines phases d’Ariane 6.
Sophie Hoguin
Dans l'actualité
- La fusée Ariane 6 est prévue pour 2020 !
- Ariane 6, pas encore construite et déjà en soldes
- Revivez le décollage d’Ariane 5 diffusé le 5 juin !
- Rachat d’Arianespace par ASL approuvé… sous conditions
- Galileo : le concurrent du GPS trace sa route
- Challenge Industrie du Futur : quelles startups peuvent postuler au Prix ArianeGroup ?
- Ariane 6, réponse européenne à un marché spatial de plus en plus concurrentiel
Dans les ressources documentaires