Buenos Aires mise beaucoup sur cette technologie pour atteindre un marché en développement, dominé jusqu’à présent par les Américains, Russes, et Chinois.
CAREM
Le réacteur prototype CAREM-25 est actuellement en construction à Atucha, au bord du fleuve Parana sous la supervision de la Commission nationale argentine de l’énergie atomique (CNEA). Il est issu d’un modèle plus ancien de réacteur à eau pressurisée de 100 MWt (27 MWe brut). Il sera équipé de 12 générateurs de vapeur et est conçu pour être utilisé comme un réacteur de recherche, pour la production d’électricité ou pour le dessalement de l’eau de mer (avec 8 MWe dans la configuration cogénération). Le système de refroidissement primaire du réacteur se situe dans la cuve sous pression du réacteur (11 m de haut, 3,5m de diamètre). Il est auto-pressurisé et ne se sert que de convection (pour les modules de moins de 150 MWe). La version finale destinée à l’export sera d’environ 300 MWe.
Car l’Argentine espère bien vendre son réacteur à l’étranger et prévoit de créer une entreprise publique à cet effet dès l’année prochaine. « Nous pouvons commercialiser un module de quatre réacteurs, soit 480 MW, ce qui est beaucoup plus pratique (pour les acheteurs) qui ne sont pas intégrés au réseau central comme les îles, certains réseaux d’Amérique latine et d’Asie », a déclaré Julian Gadano, sous-secrétaire argentin à l’énergie nucléaire. « Nous aurons besoin d’un partenaire financier pour cette entreprise, avec les épaules pour aller à l’international », estime-t-il. Certes les réacteurs à basse puissance sont peu connus, mais une certaine dynamique active ce marché. Si la commercialisation de CAREM n’est pas prévu avant 2022, Buenos Aires a déjà de grandes ambitions : « c’est un marché de dizaines de milliards de dollars, et il est possible et facile de capter 20% de ce dernier », estime un brin optimiste Julian Gadano. L’Argentine vient de signer son premier contrat (35 M$) avec le Brésil pour un réacteur multi-usage.
Avantage comparatif
Les réacteurs nucléaires à basse puissance (SMR en initiales anglaises) sont des réacteurs inférieurs à 300 MWe conçus avec des systèmes modulaires. Ils sont moins compliqués à fabriquer que les grands réacteurs de type EPR (1 700 MWe) mais ont longtemps joué un rôle mineur sur le marché mondial du nucléaire. Seuls quatre sont opérationnels dans le monde (Russie, Chine, Inde, Pakistan). Les nouvelles technologies sont variées mais il est possible de les classer en quatre catégories distinctes : réacteurs à eau légère, réacteurs à neutrons rapides, réacteurs graphite à haute température et réacteurs à sels fondus. Les projets de SMR se sont multipliés ces dernières années et la World Nuclear Association dénombre aujourd’hui 10 projets en construction avancée (Russie, Etats-Unis, Chine, Corée du sud) et 18 projets en stade préliminaire (Russie, Etats-Unis, Chine, Corée du sud, Japon, Afrique du sud, Inde, Canada). A noter que la France aussi développe une technologie de réacteur à basse puissance. Mené par Areva, ce projet baptisé ANTARES a été sélectionné aux Etats-Unis dans le cadre d’un projet pour les réacteurs de nouvelle génération.
Les réacteurs à basse puissance offrent plusieurs avantages sur les grandes installations. Leur construction est plus rapide et plus simple ce qui réduit les risques de dérapages dans les coûts. Leurs systèmes de sécurité passifs sont particulièrement adaptés aux pays n’ayant peu ou aucune expérience dans le nucléaire. Les économies d’échelle peuvent être multipliées grâce à la production en série permise par le système de modules. Les installations produisent moins de déchets, ont besoin de moins d’eau, et sont plus facilement déconstructibles. Enfin, en période d’insécurité grandissante, ces petits réacteurs peuvent aisément s’enterrer dans des installations souterraines, minimisant le risque terroriste. L’approche multi-usage semble également porter ses fruits puisqu’en mars 2015 la compagnie argentine INVAP et celle appartenant à l’Arabie Saoudite, Taqnia, ont mis en place une joint-venture, Invania, pour développer la technologie du programme nucléaire du Royaume, apparemment centrée sur CAREM.
Romain Chicheportiche
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