Il est admis que le sommeil est propice à la consolidation des connaissances acquises dans la journée. Mais pouvons-nous apprendre de nouvelles choses en dormant ? En exposant des sujets à des stimuli sonores répétés, des chercheurs viennent de montrer que, dans certaines phases du sommeil, le cerveau est capable d'apprendre des sons récurrents mais que ces mêmes sons peuvent aussi être oubliés durant les phases de sommeil les plus profondes.
Le cerveau humain possède une capacité surprenante d’apprentissage : il peut mémoriser un signal auditif dénué de sens dès lors que celui-ci est répété. Ainsi, le bruit blanc, comme le son produit par une radio lorsqu’elle ne reçoit pas de signal, peut être appris après seulement quelques présentations, sans même que l’on ait besoin d’y prêter attention.
Les chercheurs ont choisi cette stimulation auditive passive, particulièrement bien adaptée au sommeil, pour explorer le lien entre apprentissage et sommeil. Ils ont exposé des volontaires à des bruits intégrant des sons répétés pendant leur sommeil et suivi leur activité cérébrale par électroencéphalographie. Un son nouveau ou un son appris ne générant pas la même réaction cérébrale, l’analyse électroencéphalographique permet aux chercheurs de déterminer si un son entendu est mémorisé, même lorsque le sujet est endormi.
L’analyse de l’activité cérébrale pendant la nuit et des réponses comportementales au réveil ont montré que les sujets reconnaissent les bruits qu’ils ont entendus pendant leur sommeil paradoxal et leur sommeil lent léger. Ces observations révèlent la capacité de notre cerveau à apprendre durant ces deux phases de sommeil à la fois très différentes d’un point de vue de leur activité cérébrale mais durant lesquelles notre cerveau peut traiter une information complexe, qu’elle soit exogène ou endogène1. Alors que de précédents travaux réalisés chez l’Homme et l’animal avaient montré que certaines formes d’apprentissage, comme le conditionnement, sont possibles durant le sommeil2, cette nouvelle étude montre qu’il est possible de mémoriser de nouvelles représentations et de nouveaux objets (ici auditifs) durant le sommeil.
De plus, cette étude se distingue sur les résultats obtenus lors d’une autre phase du sommeil : le sommeil lent profond. Les chercheurs y ont découvert un phénomène complètement inverse : pendant ce sommeil profond, les sons appris précédemment, pendant la phase de sommeil lent léger, sont oubliés, « désappris », comme effacés. Au réveil, ces sons se sont même révélés plus difficiles à apprendre que des sons nouveaux.
Ces résultats sont compatibles avec l’idée que le sommeil lent léger et le sommeil paradoxal sont des états favorables à la plasticité cérébrale et à la consolidation active de la mémoire, tandis que le sommeil lent profond permettrait une forme d’oubli nécessaire pour éviter l’accumulation de souvenirs jour après jour. Cette interprétation est innovante car elle permettrait de réconcilier deux modèles souvent jugés comme opposés sur le rôle du sommeil dans la mémoire : le sommeil permettrait bien de consolider les connaissances acquises dans la journée mais il joue aussi le rôle de filtre, qui effacerait du cerveau les informations qui ne sont plus nécessaires. Cette découverte amène désormais une autre question aux chercheurs : quels sont les mécanismes qui se cachent derrière l’ambivalence du lien entre sommeil et mémoire ?
Notes :
1 Pendant la phase de sommeil léger, le cerveau est capable de traiter des informations dites exogènes (venant de l’extérieur), alors que dans le cas du sommeil paradoxal et des rêves, le cerveau traite principalement des informations endogènes (venant de l’intérieur).
2 Des expériences récentes d’apprentissage par conditionnement ont montré que lorsque de mauvaises odeurs sont présentées juste après des sons à des sujets endormis, ceux-ci retiennent leur respiration. Un réflexe qui est conservé même lorsqu’ils n’entendent que les tonalités (alors qu’aucune odeur ne leur est présentée) dans le sommeil.
Références :
Formation and suppression of acoustic memories during human sleep. Andrillon, Thomas; Pressnitzer, Daniel; Léger, Damien & Kouider, Sid. Nature communications, le 8 août 2017. DOI : 10.1038/s41467-017-00071-z. Consulter le site web
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