Le 29 avril 2016, Areva reconnaissait dans un communiqué que l’audit qualité de l’usine de Creusot Forge (Saône-et-Loire), lancé fin 2015, avait permis de « mettre en évidence des anomalies […] dans le suivi des fabrications ». Problème : c’est dans cette usine qu’a été forgée la cuve de l’EPR de Flamanville. Areva fait savoir que des études sont lancées pour caractériser « l’impact éventuel sur la qualité des pièces » et que pour le moment aucune information ne met en cause « l’intégrité mécanique des pièces ». Le résultat de ces études sera rendu public « avant le 31 mai ».
Sans révéler la nature de ces anomalies, Areva assure que « l’audit mené indique que ces anomalies relèvent d’actions du passé » et que « l’organisation et les modes de fonctionnement actuellement en vigueur au Creusot ne permettent plus aujourd’hui ce type d’anomalies ».
Des falsifications possibles, selon les Echos
Ce mardi 3 mai, les Echos ont apporté de nouveaux éléments. Selon une source anonyme citée par le journal, il s’agirait de « falsifications sur des dossiers de fabrication ». Face à ces révélations, Philippe Knoche, le directeur général d’Areva a confié au quotidien économique « Je ne peux pas l’exclure ». « On a des procès-verbaux contradictoires. Soit il y a eu des essais complémentaires qui ne sont pas tracés, et il faut qu’on ait la conviction qu’ils existent. Sinon, il faudra en tirer les conséquences », a-t-il déclaré au quotidien. « Nous avons souhaité communiquer parce que c’est inacceptable mais nous sommes encore en train de chercher. »
Les Echos révèle que « selon l’Autorité de sûreté nucléaire et Areva, environ 400 dossiers de fabrication sont concernés par des « incohérences », sur environ 10.000 dossiers de fabrication audités sur une période remontant à une cinquantaine d’années ». Selon une source, « une grosse moitié des dysfonctionnements concernerait des pièces nucléaires ». Chaque dossier de fabrication porte sur une pièce forgée et comprend des procès-verbaux. Ces derniers présentent les résultats des différents tests pour s’assurer de la conformité de la pièce aux normes existantes. Mais lorsqu’un résultat dépassait faiblement les normes, les compte-rendus auraient été modifiés pour retenir une valeur « moyenne », conforme aux normes. Ce procès-verbal « officiel » était inclus dans le rapport de fin de fabrication, le seul communiqué au client.
Sur la période auditée, le site a connu plusieurs propriétaires. Areva le détient depuis 2006. Est-ce que ces pratiques ont perduré et seraient à l’origine des défauts relevés sur la cuve de l’EPR ? Ce sera à l’enquête de le déterminer. Les pratiques auraient cessé entre 2010 et 2012, selon les Echos. « Ce que l’on sait, c’est aussi qu’il y eu des mises au rebut importantes de pièces à cette époque », précise Bercy, cité par Les Echos. Les pièces les plus défectueuses auraient été jetées et seules les pièces dépassant faiblement les normes auraient fait l’objet de falsifications.
L’Autorité de sûreté nucléaire a donné quinze jours à Areva pour évaluer l’impact de ces « anomalies » sur la sûreté des pièces fournies à ses clients. L’éventualité de ces falsifications est révélée quelques heures après la visite du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, lundi sur le site.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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