L’ n’en est pas en reste. Souvent décriée, elle est aujourd’hui très consommatrice de ces nouvelles . Les innovations et les stratégies commerciales poussées par les constructeurs automobiles vont toutes en ce sens : réduction de la consommation des véhicules, utilisation d’énergies alternatives, hybridation de la chaine de traction, utilisation de biomatériaux …
La méthode C2C appliquée sur un organe automobile : le panneau de porte.
Afin d’évaluer la faisabilité technique et l’intérêt d’un démarche « cradle to cradle » dans l’industrie automobile prenons l’exemple de son application sur un panneau de porte.
Un panneau de porte est un organe de l’intérieur véhicule. Il est constitué d’un assemblage de plusieurs pièces plastiques. Il a pour fonction d’habiller l’intérieur des portes du véhicule afin de les rendre esthétiques, agréables et confortables pour les passagers.
Illustration d’un panneau de porte (Crédit a2mac1)
Décomposition matière d’un panneau de porte (Crédit a2mac1)
Si la diversité matière n’est pas forcement importante sur des panneaux portes. Le traitement en fin de vie de ces composants reste compliqué. Dans un scénario « tri post broyage », la présence simultanée de polyéthylène et de polypropylène ne permet pas une dissociation de ces 2 polymères. En effet, les technologies de tri actuelles sont basées la différence de densité. Or, ses 2 matériaux présentent une densité trop proche pour pouvoir être séparés.
De plus, sur un panneau de porte, on retrouve fréquemment des pièces trilaminées (constituées de trois couches de matériaux différents) composées de polypropylène pour la structure de la pièce, la mousse pour le confort et le textile en polyéthylène pour l’esthétisme de l’habitacle intérieur. La présence de ce type de pièces trilaminées ne permet pas, après broyage ou démontage, d’assurer une dissociation parfaite des matériaux. La pureté de la matière récupérée s’en retrouve dégradée.
Illustration d’une pièce trilaminée (structure plastiques, mousse et textile) (Crédit a2mac1)
L’étude C2C se déroule en 3 phases :
- Analyse de l’existant.
- Amélioration des résultats en gardant l’architecture originale des produits.
- Re-conception complète en cherchant à trouver les architectures qui permettent d’optimiser le résultat.
Après l’analyse de l’existant, l’approche C2C a permis de définir 2 évolutions « produit » (dénommée étape 2 et 3) dont la recyclabilité fin de vie a été améliorée. Afin de borner l’étude et d’avoir une base de comparaison exploitable, les solutions proposent un coût de fabrication inférieur ou égal à l’original et le niveau de finition et de prestation est supérieur ou égal à l’existant.
Le projet étant toujours en cours d’avancement actuellement et comportant des innovations confidentielles, seul l’évolution de la décomposition matière sera présenté dans ce document.
Tableau : Evolution de la décomposition matière du panneau de porte au fil des étapes
Cette décomposition montre qu’au fil des étapes, la diversité matière du produit a diminué. Si le produit existant contient 5 matières différentes, la solution de l’étape 3 n’est plus composée que de 2 matières. Dans le cadre de la solution de l’étape 3, on retrouve toujours du polypropylène et du polyéthylène mais ceux-ci sont dissociables aisément par démontage lors de la fin de vie.
- Amélioration de la valorisation matière envisageable
Si on évalue le taux de valorisation potentielle des différentes solutions, en faisant abstraction de la manière dont le tri est réalisé (démontage sélectif ou tri post broyage), on peut remarquer que le recyclage matière pourrait passer de 53 à 91% puis à 100%.
Tableau : Evolution du niveau recyclabilité au fil des étapes
Cette estimation est basée sur les hypothèses discutables suivantes : l’ABS/PC n’est pas recyclé du fait d’un volume très peu important (viabilité d’un débouché difficile); les mélanges de matières (P/E+PU+PES) et (P/E+PVC) ne sont valorisable que thermiquement du fait de l’impossibilité de séparer ces constituants.
Pour avoir une vision réelle de l’amélioration de la recyclabilité du panneau de porte, il est nécessaire d’évaluer la quantité et la qualité de matière récupérable selon les deux scénarios de traitement de fin de vie actuellement développés :
- intensification du démontage (séparation manuelle des pièces composées de matériaux différents)
- tri post broyage (broyage de la caisse nue puis tri mécanique)
Les taux présentés ci-dessus peuvent correspondre à ce qu’on peut attendre d’un scénario tri post broyage. En effet, les tris se font principalement grâce à la différence de densité des matériaux. Les composants ayant des densités bien distinctes (PP 0,95 ; 1,1 ABS/PC 1,2 et le PVC > 1,2), ils sont assez facilement séparables. Par contre, l’ensemble de la matière recyclée sera dégradé par rapport à sa performance originale à cause du mélange polyéthylène et polypropylène (non dissociable par tri densimétrique : PP = PE 0,95).
Le scénario de démontage pourrait quant à lui permettre à la matière de garder plus de valeur. Par contre, l’équilibre économique du démontage, comme nous l’avons vu précédemment, est dépendant du temps de démontage et de la valeur de la matière dans la filière de recyclage. Une rapide modélisation montre qu’à un prix de 1300€ la tonne de polypropylène vierge (valeur moyenne actuellement rencontrée), l’opération de démontage n’est pas viable. Selon la modélisation, un prix 1500€ la tonne permettrait d’équilibrer la filière avec la solution de l’étape 3.
Tableau : Evaluation de la rentabilité d’une opération de démontage
La modélisation prend en compte les hypothèses « discutables » suivantes : valeur du polypropylène recyclé = 10% de la valeur de la matière vierge ; la conception de solutions de l’étape 3 permet de diviser par 2 le temps nécessaire au démontage. Le transport n’est pas pris en compte, ce qui ferait augmenter le seuil de rentabilité de l’opération.
En conclusion, nous pouvons dire que l’effort de conception, réalisé sur le panneau de porte dans le cadre de ce projet, permet vraisemblablement d’améliorer la quantité de matière recyclable. Si dans les conditions économiques du moment il paraît difficilement envisageable de récupérer de la matière à forte valeur ajoutée (scénario de tri post broyage), à l’avenir, si le prix de la matière augmente, cela pourrait être le cas (scénario de démontage viable).
- Impact sur les coûts de fabrication.
Afin de s’assurer que les choix de conception des produits n’induisaient pas une réduction de la marge de l’entreprise, une évaluation des coûts a été réalisée. Ci-joint le résultat de l’étape 2 :
L’amélioration de la recyclabilité du panneau de porte n’a donc pas impacté les coûts de fabrication. Elle semble même les avoir réduits. Le niveau de finition n’ayant pas été dégradé par rapport à la solution de référence (donnée de base de l’exercice), la démarche a permis de faire émerger une marge potentiellement supérieure sur le produit.
Il est toutefois un peu hasardeux d’attribuer la réduction des coûts à la démarche entreprise dans de le cadre de ce projet. Cet effet est fortement dû à l’utilisation d’une innovation qui existait avant l’émergence de ce projet. La vertu du projet a plutôt été de l’utiliser à bon escient.
(Troisième partie de l’article à paraître le 23/02)
Par
Quentin Weymuller,
Chef de projet Innovation, FAURECIA
Philippe Aumont,
Responsable plan produit et innovation, FAURECIA
et
Jasha Oosterbaan,
Enseignant-chercheur, MINES ParisTech
Responsable des Mastères Spécialisés QSE-DD et Santé-Environnement, ISIGE – MINES ParisTech
Article réalisé dans le cadre du Mastère Spécialisé Ingénierie et Gestion de l’Environnement de l’ISIGE – MINES ParisTech
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