Les investisseurs tirent la sonnette d’alarme. Leur patience a atteint ses limites et ils commencent à douter que le modèle économique d’Amazon devienne rentable. Les raisons de cette défiance ? L’absence de bénéfice. En effet, malgré une croissance à 2 chiffres insolente, plus de 277 millions de clients, un chiffre d’affaire de 60 milliards de dollars en 2013, Amazon vient d’annoncer une perte nette de 437 millions de dollars ! Une énième déception qui entame la confiance des investisseurs, lassés de patienter devant des choix stratégiques audacieux certes, mais qui peinent à rapporter. Dans les heures qui ont suivi la publication des chiffres, l’action a dévissé de 8,3% à 287,06$. Ce même action valait 407,50$ en janvier, soit une chute de 30% en moins d’un an.
Car Amazon n’est pas une entreprise comme les autres. Son fondateur, Jeff Bezos, est convaincu que détenir le plus de parts de marché est fondamental, quitte à faire passer la rentabilité au second plan. Depuis 1995 et ses pertes colossales avec -60% de rentabilité, -52% en 2000, le mastodonte a enfin atteint l’équilibre en 2003 avec une rentabilité de 0.02%. Faible, mais encourageant. D’autant qu’en 2008, Jeff Bezos parvenait à porter la rentabilité à 3.3%, résultat confirmé en 2010 avec 3.4%. Malheureusement, impossible de maintenir le niveau et depuis 4 ans, Amazon peine à garder la tête hors de l’eau. L’année 2013, avec 0,4% de rentabilité, se révèle être le calme avant la tempête de 2014 et ses pertes abyssales. D’autant plus que la croissance du chiffre d’affaire s’érode elle aussi, malgré la période pourtant propice au commerce liée aux fêtes de fin d’années.
Les parts de marché au détriment de la rentabilité
Pourquoi Amazon n’arrive toujours pas à gagner de l’argent ? Deux raisons expliquent ce paradoxe. Tout d’abord Jeff Bezos accorde peu d’importance à la marge et s’attache à développer sa clientèle, à l’image de son comportement dans le domaine de l’édition. Véritable cauchemar des libraires, Amazon représente 60% de part de marché du livre numérique aux USA, pendant qu’il représente les deux tiers des ventes en ligne en France. Sauf que, toujours dans son optique de gagner des parts de marché, Amazon n’hésite pas à vendre à perte ou quasiment. En France par exemple, Amazon propose systématiquement 5% de réduction sur les livres, le maximum autorisé. Mais les frais de port sont offerts ! De quoi séduire les clients, mais sans faire rentrer d’argent dans les caisses. Cette exemple illustre parfaitement la politique de casser les prix pour faire gonfler le fichier client et tuer la concurrence. On verra plus tard pour les bénéfices. Sauf que « plus tard », les actionnaires ont décidé que c’était « maintenant » !
Des diversifications coûteuses
De plus, Amazon réalise de nombreux investissements qui plombent les résultats économiques. Ces derniers visent dans un premier temps à développer les activités existantes et à accompagner les besoins en logistiques galopants du fait de la croissance très forte de l’entreprise. Ces dépenses sont nécessaires. En parallèle, Amazon tente de se diversifier. En 2007, sa liseuse Kindle est un succès. Malheureusement, Jeff Bezos n’a pas renouvelé l’exploit avec son téléphone maison. Le Fire Phone a été un fiasco retentissant malgré les centaines de millions de dollars dépensés dans le projet. Autre secteur dans lequel se lance Amazon et où personne ne l’attendait, l’alimentaire ! Jeff Bezos teste déjà Amazon Fresh à Seattle, San Francisco et Los Angeles. Amazon a aussi décidé de se lancer dans la vidéo en ligne et la production de contenu.
A ce jour, Amazon n’a même pas réussi à faire vaciller le n°1 du secteur, Netflix et ses 50% de part de marché américain. L’ogre persévère et s’intéresse aussi aux geek, plus particulièrement aux jeux vidéo. Jeff Bezos n’a pas hésité à mettre 970 millions sur la table pour s’approprier Twitch.com, une plateforme qui permet de regarder des joueurs évoluer en pleine partie de Counter-Strike ou League of Legends par exemple. L’objectif à peine dissimulé d’Amazon est de taquiner l’hégémonie de Google dans le domaine de la publicité en ligne. Un véritable défi puisque Google atteint 31% de part de marché quand Amazon est à …0,63%.
Seul secteur vraiment rentable, le stockage de données. Sa branche Amazon Web Services (AWS) existe depuis 2006 et a connu un véritable succès. Initialement lancé pour rentabiliser ses serveurs, AWS détiendrait aujourd’hui 40% de part de marché du Cloud computing, un secteur avec des marges d’environ 30%. De quoi faire patienter les investisseurs ? Pas si sûr car la concurrence se développe et grignote petit à petit les marges.
Décidément, Amazon traverse une mauvaise passe, et nul ne peut prédire ce qu’il sera en 2015. Seule certitude, Jeff Bezos est attendu au tournant par des actionnaires à bout.
Par Audrey Loubens
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